Outre le cadre insatisfaisant de l’actuelle intervention, beaucoup de questions restent sans réponse.
Quels sont les objectifs réels de l’intervention ? Est-elle la réponse la plus efficace et combien de temps durera-t-elle ? Que se passera-t-il « le jour d’après » – nous savons ce qu’il en fut pour la Libye ? Comment assécher les sources de financement des groupes djihadistes et impliquer l’ensemble de la communauté internationale ? Comment enrayer la partition de l’Irak et mettre fin aux conflits identitaires, véritable terreau du terrorisme ? Après cette énième intervention en Irak, ne risquons-nous pas de renforcer le prétendu État islamique en lui donnant la reconnaissance qu’il attend ? Ne nourrissons-nous pas le cercle vicieux de la haine et de la frustration qui animent les combattants de Daech, ces assassins qui n’ont rien à voir avec l’islam, qu’ils instrumentalisent ?
De la désastreuse intervention en Libye au bourbier afghan, en passant par le fiasco irakien, les interventions occidentales ont fait l’étalage de leur inefficacité, en délitant plus encore des États fragiles et en armant nos ennemis de demain. Monsieur le Premier ministre, vous comprendrez, dans ces conditions, les réserves qui conduisent les députés Front de gauche à la plus grande prudence.
Nous avons soutenu l’intervention au Mali, car le combat contre le terrorisme ne supporte pas l’inaction ; mais nous sommes aujourd’hui troublés par les conditions de cette intervention, et nous exprimons de fortes réserves sur la stratégie pour le moins vague de la coalition. Comment pourrions-nous approuver l’engagement militaire de la France dans une coalition sous bannière américaine à laquelle manquent des acteurs régionaux et onusiens essentiels ?
La réponse au défi lancé par Daech ne saurait se résumer à la seule solution militaire. Notre responsabilité est de travailler à des solutions politiques et diplomatiques durables pour isoler la bête immonde. Les députés du Front de gauche souhaitent des initiatives audacieuses de la diplomatie française pour poursuivre la mobilisation contre le terrorisme amorcée dans le cadre onusien par la résolution 2170. Cela passe également par la reconstruction de l’État irakien, que la France doit appuyer. C’est l’avenir de l’Irak comme État-nation qui est en jeu, dans le respect de ses composantes chiite, sunnite, kurde, chrétienne et yazidie. Cela passe, enfin, évidemment, par la lutte sans faiblesse contre ceux qui, groupes ou États, financent les djihadistes et font le terreau de leurs violences. Voilà quels sont, pour les députés du Front de gauche, les meilleurs moyens d’aider le peuple irakien sur le long terme, bien au-delà du seul volet militaire.