Depuis la semaine dernière, notre pays a lancé, sous l’autorité du chef de l’État, l’opération Chammal, qui mobilise les moyens aériens de notre base prépositionnée d’Al-Dhafra aux Émirats arabes unis. Par ces vols de reconnaissance, mais aussi par les moyens satellitaires déployés, la France gardera, au sein de l’action internationale actuellement à l’oeuvre, toute sa liberté d’appréciation. Nos moyens de renseignement seront précieux pour identifier des cibles stratégiques et tactiques, au profit de nos forces comme de celles des membres de la coalition – en premier lieu, les forces irakiennes – pour lutter contre Daech et ses affidés.
Chaque fois que nous engageons nos soldats et nos moyens militaires nous devons garder cette liberté : c’est fondamental. C’est cette même liberté d’appréciation qui nous avait manqué lors de la guerre du Golfe, et qui avait poussé Pierre Joxe à créer la Direction du renseignement militaire il y a deux décennies. C’est cette capacité autonome qui nous a évité l’erreur d’intervenir en Irak en 2003 – erreur dont la sécurité collective paie aujourd’hui le prix.
Aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, le recours à la force est justifié. Il est nécessaire. Mais il ne suffira pas à lui seul à juguler la crise qui secoue le Moyen-Orient. En Irak, mais aussi dans tous les pays de la région, il doit être assorti d’une politique de rassemblement national, seule à même de redonner des perspectives démocratiques à des peuples en proie au désespoir, et donc de les éloigner de la tentation extrémiste. Toute intervention militaire doit s’accompagner d’une stratégie de suivi politique. Cela doit être le sens de l’action globale mise en oeuvre par la coalition, cela doit être le sens donné par la France à son intervention dans le cadre de cette coalition.
Mujao, AQMI, Boko Haram, Ansar al-Charia, Al Shabaab, AQPA, Jabhat al-Nosra, Daech : ces appellations, mises bout à bout, constituent un axe djihadiste qui pourrait faire vaciller la sécurité de millions de kilomètres carrés, du Mali à l’Irak en passant par le Niger, le Nigeria, la Libye, l’Égypte, la Tunisie, le Yémen et la Syrie. La convergence de ce que le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale désigne comme « les risques de la faiblesse » nécessite une mobilisation large et dans la durée pour éviter que le monde ne plonge dans le chaos d’une barbarie sans nom.
Vous me permettrez, en ce moment, de penser à Hervé-Pierre Gourdel, enlevé par une organisation djihadiste se réclamant de Daech, ainsi qu’à sa famille et à ses proches, et de formuler des souhaits de réussite à ceux qui travaillent aujourd’hui à sa libération.
La France n’a pas peur. Surtout, nous savons que c’est en agissant que nous protégerons nos concitoyens et même, au-delà, notre continent. Face à sa responsabilité, la France a répondu comme elle l’a toujours fait quand il s’agit de défendre ses principes et sa sécurité. Elle ne pourrait le faire sans le courage des hommes et des femmes qui servent nos armées. Je tiens d’ailleurs à rendre hommage à tous nos soldats engagés, que ce soit en Irak, au Mali ou en République centrafricaine. La France prend sa part, toute sa part – peut-être même un peu plus que sa part – à la sécurité du monde et à la sécurité de l’Europe.