Depuis que le texte est connu, le monde est presque séparé en deux, entre ceux qui disent « Enfin ! » et ceux qui disent « Déjà ! ».
« Il était temps ! », disent les acteurs des différentes conférences environnementales, les nombreux participants au débat national sur la transition énergétique ou les milliers d'intervenants aux débats organisés en région, sans oublier les milliers de citoyens qui ont envoyé des contributions. Il était temps que vienne l'heure du Parlement. « Laissons-nous encore un peu de temps », pensent certains autres, sans doute pour poursuivre la réflexion et continuer à alimenter le débat. Mais la vérité, c'est qu'il y a urgence sur les trois plans du climat, de la géopolitique et de l'économie.
En ce qui concerne l'urgence climatique, les rapports se suivent et se ressemblent : tous confirment le changement climatique en cours, dont les conséquences apparaissent de plus en plus visibles, sensibles et dramatiques. Personne ne peut contester que notre planète va mal et que le quotidien de ses habitants en est affecté. La pollution de l'air rend certaines villes invivables.
Vous étiez, madame la ministre, à New York, avec Laurent Fabius, Yann Arthus-Bertrand, Al Gore et beaucoup d'autres, pour manifester, comme dans de nombreux autres pays, contre le changement climatique. Vous y êtes allée non seulement pour manifester mais pour agir. La prise de conscience n'est plus seulement celle de scientifiques, fussent-ils des milliers à travers le monde, ni celle de décideurs, de plus en plus mobilisés ; elle est celle d'habitants toujours plus nombreux qui veulent agir. Les initiatives citoyennes se multiplient, des plateformes se créent pour changer nos modes de production et de consommation. Ces mouvements ont été pionniers dans le domaine de l'économie circulaire, et je me réjouis que la loi consacre ce concept. Ne rien faire, ce serait accentuer le décalage entre la classe politique et les citoyens. Ce texte de loi répond d'abord à cette urgence.
L'actualité internationale, pesante et parfois dramatique, nous rappelle l'urgence géopolitique. L'Irak, l'Ukraine ou encore la Syrie ne sont pas seulement des lieux où la dignité humaine est meurtrie ; ce sont aussi des lieux de production d'énergie fossile ou de passage obligé pour son transport. L'enjeu est celui de nos approvisionnements et de notre indépendance énergétique ; la grande leçon est qu'il ne faut pas être dépendant d'une seule énergie. Le mix énergétique et la diversification prennent là tout leur sens.
Ce texte n'est ni anti- ni pro-nucléaire. Avec 50 % de production d'électricité issue du nucléaire, la France restera une référence, notamment sur la sûreté. Mais, et c'est un changement radical, avec l'ambition que porte ce texte, elle sera également une championne des énergies renouvelables.
L'urgence économique, c'est la facture énergétique de la France qui pèse trop lourd dans notre balance commerciale et dans les dépenses des Français. La facture énergétique des entreprises est un élément de compétitivité. L'efficacité énergétique, la lutte contre la précarité énergétique par un meilleur isolement des bâtiments, et le développement des énergies renouvelables, pour qu'elles deviennent de moins en moins chères, sont des leviers pour répondre à ces enjeux. Ce sont également de formidables gisements d'emplois.
Le texte répond à toutes ces urgences. Mieux, il porte trois principes qui lui donnent de la force et tirent les enseignements de nos échecs passés : la planification, la participation et l'anticipation.
La planification pour voir loin et voir clair. Il faut en finir avec le complexe de Pénélope qui consiste à détricoter le lendemain le travail du jour. Il faut laisser derrière nous la politique du stop and go, les zigzags. Les acteurs de l'énergie ont besoin de visibilité et de durée.
La participation irrigue ce texte : participation du Parlement, qui deviendra le passage obligé du mix énergétique et de la stratégie bas carbone ; participation des collectivités locales, qui piloteront en direct nombre de politiques publiques et pourront participer financièrement à la production d'énergie ; participation surtout des habitants, qui pourront faire partie du tour de table pour la production d'énergie renouvelable aux côtés des collectivités et des industriels, et qui seront moins seuls pour faire face aux dépenses de la rénovation thermique.
L'anticipation, enfin, c'est celle qui nous permettra d'être au rendez-vous de la COP21, de tenir nos engagements européens et ceux que nous devons prendre vis-à-vis des générations futures.
Là où certains seraient tentés de dire « La transition énergétique, ça suffit ! », nous souhaitons, pour notre part, dire avec force : « La transition énergétique, allons-y ! ».