Intervention de Yves Struillou

Réunion du 30 juillet 2014 à 11h00
Commission d'enquête relative à l'impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail

Yves Struillou :

La directrice générale de l'administration et de la fonction publique pourra davantage vous expliquer les causes de la disparité du temps de travail entre les secteurs privé et public. Dans la fonction publique, le droit touchant à la durée du temps de travail était traditionnellement lacunaire, puisque seule une disposition statutaire évoquait la durée légale. S'agissant de la différence touchant les entreprises privées, elle tient de manière évidente à l'importance de leurs effectifs. Un volume d'emplois important et l'existence d'une direction des ressources humaines capable d'ajuster les effectifs à la charge d'activité permet plus de souplesse pour éviter les heures supplémentaires. Il s'avère beaucoup plus difficile d'ajuster le nombre de salariés à l'évolution momentanée de l'activité dans une entreprise qui compte trois ou quatre employés ; le chef d'entreprise aura alors recours aux heures supplémentaires.

Je vous rejoins totalement, monsieur le président, sur l'effet de l'attractivité. C'est bien pourquoi la branche de l'artisanat réfléchit à la représentation des métiers, afin que l'on n'associe plus telle ou telle activité à une durée de travail supérieure à la moyenne pour une rémunération parfois inférieure. La revalorisation de ces métiers passe notamment par l'amélioration du standard de vie.

Les outils pour actionner les leviers de compétitivité existent juridiquement, et il convient de se concentrer sur les dimensions opérationnelles et pratiques. Certaines entreprises disposent des ressources méthodologiques pour lancer ce chantier, mais d'autres ne sont pas capables de réaliser, par exemple, une projection de leur pyramide des âges permettant d'anticiper les départs des salariés et, donc, des compétences.

Le prolongement de l'activité professionnelle, qui repousse l'âge effectif du départ à la retraite, et la réduction progressive de la contrainte temporelle ne constituent pas des mouvements contradictoires. En effet, certains salariés peuvent éprouver, au-delà d'un certain âge, des difficultés à tenir leur poste et à faire face aux contraintes de l'activité professionnelle. Les dispositifs de pause dans l'activité, dont la durée peut atteindre un mois, un an ou même plusieurs années, permettent de concilier les exigences du financement de la protection sociale en assurant ensuite un report de l'âge effectif de départ en retraite – et pas seulement de l'âge légal, car, pour continuer à cotiser au système de retraite, les salariés doivent pouvoir occuper un emploi soutenable pour eux. Il y a lieu de développer une réflexion sur le cycle de la vie salariée, le parcours professionnel devant se dérouler sans trop de heurts. Ainsi, l'un des objectifs majeurs de la convention signée par l'État et la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) vise à prévenir la désaffiliation professionnelle.

En ce qui concerne le temps de transport, celui-ci ne fait pas partie du temps de travail ; en revanche, certaines entreprises réfléchissent à la mise en place de diverses formes de télétravail qui permettent au salarié de diminuer son temps de transport et donc la charge liée à son activité professionnelle.

La réglementation en matière d'heures supplémentaires aboutit à des résultats parfois contradictoires. La majoration de 25 à 50 % de la rémunération du travail avait pour objet de compenser l'accroissement du temps de subordination, mais elle était associée au mécanisme du repos compensateur qui devait inciter l'entreprise à s'interroger sur la rentabilité de recrutements. Même si la corrélation n'est pas aisément identifiable, il serait quand même paradoxal d'avoir un volume d'heures supplémentaires très important à un moment où notre pays connaît un chômage de masse, situation qui privilégie les « insiders » au détriment des « outsiders ».

La simplification du code du travail viendra de la redéfinition du paysage conventionnel ; le Premier ministre a rappelé cet objectif lors de la dernière conférence sociale. Les branches conventionnelles doivent vivre, ce qui n'est pas le cas de beaucoup d'entre elles aujourd'hui. Si le droit renvoie à une négociation qui se révèle inexistante, il devient vide. Il convient donc de recomposer le paysage conventionnel pour redynamiser certaines branches ; à l'intérieur de celles-ci, les organisations syndicales représentatives et les organisations professionnelles doivent participer aux négociations pour que des compromis fructueux se dégagent. Il s'agit de l'un des axes majeurs de l'action de la direction générale du travail.

Permettez-moi de rectifier une erreur dans mon propos : la durée maximale hebdomadaire absolue s'élève à 48 heures de travail et non à 46.

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