Intervention de Philippe Vivien

Réunion du 11 septembre 2014 à 11h00
Commission d'enquête relative à l'impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail

Philippe Vivien, directeur général d'Alixio et ancien DRH d'AREVA :

Je m'exprimerai en m'appuyant sur mon expérience de responsable des ressources humaines de site, puis de DRH de division et de DRH d'un grand groupe, et enfin de directeur général d'Alixio, chaque étape impliquant une lecture spécifique de l'application des lois en question.

La propension à la réduction du temps de travail est commune à l'ensemble des pays développés et ne fait plus débat. Un point, en revanche, est sujet à discussion dans les petites comme dans les grandes entreprises : la symbolique universelle, obligatoire, très normative des 35 heures. Il ne s'agit pas de remettre en cause le principe en soi mais l'illusion que les 35 heures sont devenues le point fixe de la gestion du temps de travail dans les entreprises. L'aménagement du temps de travail, cette notion que l'on a trop tendance à oublier, peut être la meilleure des choses s'il contribue à la performance, au développement, à la compétitivité de l'entreprise et au bien-être des salariés, comme il peut être exactement l'inverse. Plus que le chiffre lui-même des 35 heures, c'est la logique d'aménagement du temps de travail qui importe.

Des comparaisons que j'ai pu effectuer entre mes bureaux d'étude, mes services administratifs, mes usines ou mes services techniques et ceux de différents autres pays, il ressort clairement qu'il y a, en France, un sujet, moins lié d'ailleurs aux 35 heures elles-mêmes qu'à tout ce qui tourne autour. En nombre d'heures théoriques travaillées, la capacité de travail est inférieure en France à ce qu'elle est dans la plupart des pays concurrents. Il ne s'agit pas d'un constat d'ordre politique, simplement quand une entreprise a à décider de l'allocation de produits ou de nouvelles activités dans un pays donné, elle se pose forcément la question. Or si l'on met bout à bout les 35 heures, les RTT et les congés divers, on se retrouve avec un temps effectif de travail décalé par rapport aux autres pays. C'est le premier point à prendre en considération.

Pour examiner la question du point de vue de la croyance, si je puis dire, dans les chiffres, que représentent, en réalité, les 35 heures dans l'entreprise ? Dans la vie du salarié, ce n'est rien d'autre que le seuil qui déclenche les heures supplémentaires. Pour l'entreprise, la vraie difficulté c'est de calculer le temps de travail. La durée collective hebdomadaire de travail n'est ainsi pas forcément de 35 heures – on peut continuer de travailler 39 heures avec une organisation du travail différente. Quant au temps de travail effectif, il est mesuré en tenant compte de plusieurs éléments, tels que pauses diverses, temps d'habillage ou de déshabillage dans certains secteurs. Dans la vie de l'entreprise, les 35 heures de travail hebdomadaire ne constituent pas le critère central de la négociation collective. Celle-ci porte davantage sur le nombre d'heures travaillées ou potentiellement travaillées dans l'année. Ayez donc bien conscience que nous devons disposer d'une marge de manoeuvre qui intègre tous ces éléments. Il ne s'agit pas de multiplier 35 heures par tant de semaines pour aboutir aux 1 607 heures annuelles, mais bien de mettre en musique le temps de travail.

Au-delà de la symbolique des 35 heures, vous devez avoir présente à l'esprit l'extrême difficulté causée par l'enchevêtrement des textes. L'aménagement du temps de travail est le sujet qui nécessite sans doute le plus de dialogue social au sein de l'entreprise ; or l'écheveau des textes rend toute négociation des plus compliquées, aussi bien pour les représentants des salariés que pour les représentants de la direction.

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