Il faut se souvenir de ce que fut la mise en place des 35 heures. À l'époque, je m'occupais des ressources humaines du régime d'assurance chômage. J'étais partagé entre Nicole Notat et Denis Gautier-Sauvagnac, et je peux vous assurer que la motion de synthèse a été quelque peu compliquée à rédiger ! Ce fut un séisme dogmatique dans les deux camps, et l'atmosphère était celle d'une guerre de tranchées. Mais tout cela, c'est du passé ; aujourd'hui, les représentants des entreprises sont plutôt d'accord pour dire que la question n'est plus celle d'une durée légale du travail de 35, 39 ou 40 heures. La reprise du dialogue social sur ces thèmes porterait sur la capacité, par branches, voire par entreprises, d'aménager, de flexibiliser l'organisation du travail. Il faudrait vraiment que les entreprises puissent, à partir d'un socle incompressible de temps de travail, discuter de l'aménagement de périodes en fonction de l'activité de l'entreprise, qu'elles aient la capacité d'organiser le temps de travail.
La complexité réside aussi dans les statuts. Pour celui des cadres, la discussion est une horreur absolue et tient du bricolage : des jours de récupération aux avantages financiers, en passant par les forfaits, je vous le dis franchement, tout cela est une aberration et ne correspond pas à grand-chose de concret. Toute simplification apportée par le législateur serait bienvenue et toute liberté de mouvement certainement appréciée. Le système le plus souple, revendiqué par certains, est le forfait. Toutefois, il me semble tenir plutôt de l'élément de statut, d'une forme de reconnaissance dans l'entreprise que d'une réelle efficacité.
Je ne pense pas que la mise en oeuvre des 35 heures ait été un facteur de gains de productivité. Il me semble qu'elle a surtout accéléré la mise en place de moyens et la transformation des entreprises, souvent au détriment de l'emploi. À l'époque, le groupe Safran avait mis en place un plan de départ en préretraite de 1 000 personnes environ. Face à cette forme de contrainte, en tout cas d'accroissement du coût du travail, les entreprises se sont organisées de manière à pouvoir absorber le différentiel né des 35 heures, sans oublier certaines réactions dogmatiques.
La nature même des métiers qu'exerce le groupe Safran fait que le temps partiel n'est pas fortement demandé par les salariés et reste relativement marginal. En France, notre groupe compte 25 % de femmes pour la simple raison que nous employons essentiellement des ingénieurs, dont le monde est essentiellement masculin. Mais je me félicite que l'on puisse embaucher aujourd'hui 40 % de femmes environ alors que les écoles d'ingénieurs forment un peu moins de 15 % d'ingénieures. Notre groupe a donc plutôt une bonne performance dans ce domaine. Dans nos implantations au Maroc, par exemple, le taux d'emploi des femmes est de 70 %.