Intervention de Jean-Luc Bérard

Réunion du 11 septembre 2014 à 11h00
Commission d'enquête relative à l'impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail

Jean-Luc Bérard, directeur des ressources humaines de Safran :

Un mot, monsieur le président, de la perception par les organisations syndicales d'une éventuelle évolution du cadre réglementaire. Je ne veux pas parler pour elles, mais nous nous fréquentons beaucoup, et donc, nous nous connaissons bien. J'ai le sentiment qu'aujourd'hui, ce que j'avais qualifié tout à l'heure de séisme dogmatique est un peu derrière nous. Tant du côté des représentants des employeurs que du côté des représentants des salariés, nous sommes tous disposés, face à une situation extrêmement préoccupante, à chercher des moyens de préserver l'emploi.

Je vous livre une petite anecdote, qui date d'hier. Nous avons à Pau une usine de production de moteurs d'hélicoptères, pour le marché civil et militaire, totalement internationalisé, qui reposait jusqu'à présent essentiellement sur une activité avec l'hélicoptériste français Airbus. Or Airbus vit actuellement, dans cette partie d'activité, une période un peu difficile, qui est certes temporaire, mais nous devons trouver des relais d'activité chez d'autres hélicoptéristes mondiaux.

Inutile de vous dire que cette usine, qui existe depuis des décennies, est sans doute de loin le premier employeur de la région. Les représentants de la CGT qui, sur la question du temps de travail, sont en règle générale un peu rigides, ont parfaitement compris le plan d'adaptation et d'organisation qui leur était présenté. Ce sont des points qui peuvent vous paraître annexes, mais qui, en matière d'organisation de la production, sont très importants : modification des horaires, resserrement des plages mobiles, légère différenciation des équipes de weekend. Dans le cadre de nos discussions, je leur ai dit que nous ne toucherions ni aux rémunérations, qui sont chez nous relativement élevées par rapport aux moyennes françaises, ni à l'emploi, mais qu'il n'y aurait pas d'embauche, ou moins, dans les deux prochaines années. Moyennant quoi, on peut sauver l'activité et traverser cette période difficile.

Les partenaires sociaux m'ont dit hier : « Vous comprendrez que, par définition, dans le dialogue social tel qu'on le pratique en France, nous aurons peut-être le sentiment de ne rien gagner ». Néanmoins, ils sont parfaitement conscients qu'à la clé, il y a de l'emploi, même si ce n'est pas demain, car la situation risque de perdurer. Mais au final, on trouvera nécessairement un producteur ailleurs dans le monde qui, lui, n'aura pas cette contrainte et qui s'adaptera.

Autre exemple, notre groupe compte en son sein un des leaders mondiaux des productions de cartes à puce, Morpho. Aujourd'hui, le marché est en pleine expansion. Les États-Unis, où, proportionnellement à la population, il y a beaucoup moins de cartes à puce qu'en France, ont très envie de généraliser ce système. Nous avons des sites de production partout dans le monde où la réduction du coût de production est constante. Chaque jour qui passe, on trouve des gens qui produisent moins cher. Je veux bien maintenir en France et en Europe des sites de production, mais c'est extrêmement compliqué au regard des impératifs. Tout ce que l'on peut faire sans perturber le niveau d'emploi et le pouvoir d'achat des salariés va dans le bon sens. Si, par l'organisation du travail, on arrive à maintenir sa compétitivité, il faut le faire. Or la rigidité réglementaire n'est pas un facteur favorable. Et je ne parle pas des mesures consistant à diminuer le coût du travail.

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