Intervention de Nasser Mansouri-Guilani

Réunion du 4 septembre 2014 à 11h00
Commission d'enquête relative à l'impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail

Nasser Mansouri-Guilani, responsable du pôle Activités économiques de la Confédération générale du travail, CGT :

La CGT soutient la réduction du temps de travail, qu'elle considère comme un facteur de progrès social. Il y a là une tendance historique indéniable, liée aux mutations technologiques qui permettent les gains de productivité.

Sur le plan macroéconomique, le temps de travail peut être réduit de trois manières : par une réduction profitant à l'ensemble des travailleurs, par l'utilisation du temps partiel ou par le chômage. Pour la CGT, la seule voie noble est une réduction généralisée qui respecte la hiérarchie des normes. Cette réduction, favorable à l'économie, nécessite de changer notre conception de l'activité économique, notamment de modifier le partage de la valeur ajoutée et des revenus. Elle s'inscrit dans la perspective d'un nouveau mode de développement économique et social dont la crise actuelle confirme la nécessité.

Mes collègues l'ont dit : en dépit de leurs insuffisances, les trente-cinq heures ont permis de créer de l'emploi sans nuire à l'activité des entreprises. Mais les conditions de leur mise en place n'ont pas été satisfaisantes. Plusieurs contradictions n'ont pas été résolues. En premier lieu, l'obligation de création d'emplois en contrepartie de la réduction du temps de travail a été ramenée au fil du temps de 10 à 6 %, puis à zéro. En conséquence, l'intensification du travail et les gains de productivité ont été utilisés, non pour augmenter les salaires, le nombre d'emplois ou les investissements, mais pour accroître les revenus distribués aux actionnaires. Les exonérations de cotisations sociales ont amplifié cette déformation du partage de la valeur ajoutée au profit des détenteurs de capitaux.

Deuxième difficulté irrésolue : les inégalités au sein du salariat. Les femmes en particulier ont été largement pénalisées par la progression de la flexibilité, qui a rendu plus difficile la conciliation entre travail et vie privée.

Troisièmement, les trente-cinq heures n'ont pas été appliquées dans toutes les entreprises.

Quatrièmement, le passage aux trente-cinq heures a été très problématique dans les hôpitaux, avec des effets négatifs tant sur la qualité des services que pour le personnel.

Les lois qui ont suivi les lois Aubry ont conduit à un détricotage des trente-cinq heures. Aujourd'hui, celles-ci sont de fait remises en cause alors que les charges induites, telles que les exonérations de cotisations, continuent de peser sur les finances publiques.

En résumé, la réduction du temps de travail doit s'inscrire dans une démarche visant à établir un nouveau modèle de développement économique et social. Elle est indispensable pour l'émancipation des salariés. Elle peut être créatrice d'emplois, y compris par le biais de nouvelles activités ayant pour finalité d'aider les salariés à mieux profiter de leur temps libre. Mais, pour réussir tout cela, il nous faut changer notre conception de l'activité économique en réunissant trois conditions : un changement profond de la répartition des gains de productivité au bénéfice des salariés et de l'investissement productif, un changement de l'organisation du travail et la reconnaissance de nouveaux droits aux salariés, à travers le dialogue social mais aussi en leur permettant d'intervenir dans les choix stratégiques des entreprises.

La CGT a lancé une campagne sur le coût du capital qui vise à démontrer qu'en réduisant ce coût, il est possible d'augmenter les salaires et de créer des emplois tout en réduisant le temps de travail.

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