Intervention de Joseph Thouvenel

Réunion du 4 septembre 2014 à 11h00
Commission d'enquête relative à l'impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail

Joseph Thouvenel, vice-président confédéral de la Confédération française des travailleurs chrétiens, CFTC :

Lorsqu'il était ministre, Xavier Bertrand a précisé que les exonérations de cotisations n'étaient plus attachées à la durée du travail mais à son coût, soit au salaire.

Les trente-cinq heures sont en effet formidables, ce qui, étymologiquement, signifient qu'elles peuvent faire peur. Que leur mise en oeuvre ait été difficile fait partie des aléas de la vie. La CFTC défendait la méthode Robien, fondée sur l'incitation. Les pouvoirs publics ont fait ensuite un autre choix, mais il ne s'agit pas maintenant de détricoter ce qui a été fait.

Selon un document de Rexecode, les pays européens où la quantité annuelle d'heures travaillées par les salariés à temps plein est la plus importante sont des pays aussi compétitifs que la Roumanie, la Bulgarie, la Hongrie et la Grèce – où on travaille 1 971 heures contre 1 679 en France… Cela montre bien que, pris isolément, indépendamment de la productivité et de la capacité productrice, ce critère n'a aucun sens. J'ajoute que, contrairement à une idée répandue dans les médias, le nombre de jours fériés et de congés payés est moindre dans notre pays qu'en Allemagne et au Royaume-Uni. Les Français ne sont pas des fainéants : ils travaillent bien et beaucoup.

Il existe en effet une distorsion entre le nombre d'heures travaillées dans le secteur public et dans le secteur privé. Cela tient en partie à la nature de certains emplois publics, qui exigent des agents – des policiers par exemple – qu'ils travaillent la nuit ou les jours fériés.

Mme Le Callennec parle d'accords « compétitivité-emploi » offensifs pour les entreprises désireuses de gagner des parts de marché, mais quelles entreprises n'ont pas cette ambition ? Rien ne justifie qu'elles bénéficient de dérogations au droit du travail lorsqu'elles ne connaissent pas de difficultés.

Nous sommes en période de faible croissance, mais est-il souhaitable de viser une croissance exponentielle ? Je ne le pense pas. Nos sociétés développées doivent apprendre à vivre avec un taux de croissance moins élevé, en donnant du travail à tout le monde.

Il est vrai que les salaires ont stagné, voire se sont dégradés, et il serait en effet souhaitable de procéder à quelques rattrapages. Certaines entreprises en ont les moyens mais ne le font pas, ce qui nous ramène à la question du partage inéquitable des profits. S'il est normal que les actionnaires soient bien rémunérés, il faut aussi financer l'investissement, l'innovation, et rémunérer les salariés à la hauteur de leur engagement.

Nous sommes favorables au dialogue territorial et aux accords de branche, dans la mesure où les négociations restent encadrées au niveau national.

Le travail contribue selon moi à la reconnaissance de la dignité de chacun. Il produit du lien social. Dans cette perspective et avec toute la prudence requise, je ne suis pas hostile à ce que les personnes privées d'emploi rendent à la collectivité une partie de ce que celle-ci leur apporte. On pourrait par exemple mettre à la disposition des sans-abri des lieux de vie qu'ils occuperaient en contrepartie de leur entretien.

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