En prenant connaissance de nos échanges, nos concitoyens pourront constater qu'il existe des élus qui se posent de bonnes questions et sont capables d'avoir un débat apaisé sur le temps de travail.
M. Poisson s'interroge sur la durée annuelle du travail dans notre pays. En poussant les curseurs au maximum, un salarié au forfait-jours peut travailler 282 jours par an – soit 365 jours moins 52 dimanches, 30 jours de congé et le 1er mai. S'il travaille en moyenne quinze heures par jour pour respecter les neuf heures de repos quotidien imposées par le code du travail, cela nous mène à un total de 4 230 heures de travail annuel, soit 88 heures hebdomadaires quand la Chine en est à 44, loin devant la Corée du Nord où la durée de travail annuelle est de 2 500 heures. Ne laissons donc pas se répandre dans les médias l'idée que les Français seraient un peuple de fainéants : ce serait faire injure à ces millions de salariés qui travaillent beaucoup et ont la meilleure productivité horaire au monde.
En ce qui concerne le partage du travail, il n'y a pas unanimité entre nous, visiblement. En Allemagne, il y a dix ans, 20 millions de travailleurs effectuaient environ 50 milliards d'heures de travail chaque année. Aujourd'hui, le volume d'heures travaillées n'a pas changé, mais on compte 25 millions de travailleurs. Les Allemands n'ont donc pas travaillé une heure de plus en dix ans, mais ont fait travailler cinq millions de personnes supplémentaires. Je ne dis pas qu'il faut faire la même chose mais cela prouve que l'on peut partager le temps de travail.
Les économistes nous prédisent une longue période de croissance faible. Or dans un contexte de croissance à 1 %, des gains de productivité annuels de 1 % ne créent aucune valeur. Il faut donc se poser la question du partage du travail, ce qui n'empêche pas de poursuivre nos efforts pour élargir le gâteau. Dans quelles conditions cela doit-il se faire et à quel coût ? C'est tout l'enjeu de notre débat. Il doit être mené sans perdre de vue que les aspirations individuelles des salariés ont profondément évolué ces dernières années et que l'on appréhende le temps de travail différemment selon son âge, ses qualifications ou sa situation de famille. On ne peut donc raisonner de manière uniforme pour l'ensemble des travailleurs.