Monsieur Pilliard, d'un ton extrêmement tranquille, vous vous êtes livré à un réquisitoire sans concession contre les 35 heures, de votre point de vue de praticien. Vous avez utilisé des mots lourds et rudes : « aberration », « rétrograde », « retour à la taylorisation », « contraire à une conception sociale du travail », « capitulation ». La réalité est peut-être moins manichéenne.
Vous ne pouvez pas dire que les entreprises, notamment les grandes entreprises que vous avez pu diriger, n'ont pas trouvé leur compte dans la réduction du temps de travail en termes de réorganisation du travail, d'accélération des process, d'augmentation de la productivité – les salariés français restent extrêmement productifs, selon toutes les études internationales. Je trouve une justification à ma remarque dans le fait que vous avez indiqué n'être pas favorable à ce que l'on soulève le couvercle de la marmite pour revenir aux 39 heures et tout renégocier. N'y a-t-il pas une forme d'ambiguïté dans votre discours ?
Aujourd'hui, l'enjeu des 35 heures, compte tenu des accommodements mis en place au fil des ans, est simplement le déclenchement des heures supplémentaires. Si vous hésitez à revenir sur cette limite, c'est en raison des nombreux aménagements. Les cadres sont rémunérés au forfait jours et, compte tenu de la réalité de leur travail, notamment dans les plus grandes entreprises, on voit mal comment ils pourraient aller au-delà du temps de travail qu'ils effectuent actuellement, qui n'est pas de 35 heures.
La réduction du temps de travail a représenté un coût important pour la nation du fait des allégements. Si nous revenions aux 39 heures, je ne suis pas certain que vous seriez en mesure de rendre les sommes correspondantes à la collectivité.
Ces dernières années, vous avez participé aux négociations avec les partenaires sociaux sur la qualité de vie au travail, qui ont supposé de mettre sur la table tous les éléments d'amélioration possibles. Là encore, n'y a-t-il pas une forme d'ambiguïté dans votre position ? Vous affirmez que la réduction du travail participe d'une forme de taylorisation de la société et, dans le même temps, vous signez des accords sur la qualité de vie au travail.
J'estime qu'aujourd'hui l'amélioration de la qualité de vie au travail fait partie des processus que vous devez encourager dans les branches en compensation de tous les avantages que vous promet le Gouvernement.