Les « avantages » que nous donne le Gouvernement, avez-vous dit ! Je suis étonné d'entendre un tel propos à propos des allégements de charges et de fiscalité qui viennent d'être décidés. Rappelons la situation, en toute objectivité.
Ces cinq dernières années, les entreprises ont eu à supporter une augmentation massive des charges comme des impôts. Les premières mesures mises en oeuvre à travers le pacte de responsabilité et de solidarité et celles qui suivront, je l'espère, d'ici à 2016 et 2017 ne sont pas, de notre point de vue, des avantages ; elles ne font que remettre les compteurs à zéro, si vous voulez bien excuser cette expression triviale. Et ceux qui y voient des « cadeaux » – vous n'avez pas employé ce terme et je vous en sais gré – doivent bien comprendre que cela implique qu'il y a eu auparavant une forme de spoliation : on nous donne aujourd'hui ce qui nous a été pris hier.
Je salue, au nom de mon organisation, le courage qu'a le Gouvernement de prendre de telles dispositions : elles constituent l'un des moyens de recréer les conditions de la compétitivité des entreprises, et donc de mettre un terme à la situation inacceptable que nous connaissons en matière de chômage. Restaurer les marges, c'est permettre de recréer de l'investissement et donc, nous l'espérons, de l'emploi.
Par ailleurs, j'estime que mettre tout le monde dans le même costume – et cela vaut pour d'autres dispositions sociales – ne correspond plus à la réalité que vivent les entreprises, même si, comme vous l'avez indiqué, il est possible d'apporter des aménagements par voie d'accords. Jusqu'à présent, tout cela s'est traduit par beaucoup de complexité. Nous avons, à cet égard, une responsabilité collective. De manière générale, quand un problème se pose, on a tendance à ne pas le régler en tant que tel mais à inventer à la périphérie des solutions qui ont vocation à en diminuer l'intensité. Ce faisant, on ajoute des degrés de complexité.
La métallurgie a été l'une des premières branches à négocier des aménagements avec les organisations syndicales. Mais, du point de vue des entreprises, cela reste d'une extrême complexité.
La qualité de vie au travail est l'une de nos préoccupations certes, mais, aujourd'hui, la première des priorités est de faire en sorte qu'un maximum de personnes aient accès à l'emploi. Nous devrions tous nous mobiliser, quelles que soient nos convictions, pour créer un contexte favorable.
J'en viens à un point très important, sur lequel je ne m'accorde pas avec vous, madame la rapporteure : le temps partiel et les petits boulots. Compte tenu de la situation dramatique à laquelle nous sommes confrontés en matière de chômage, ne vaut-il pas mieux, au moins provisoirement, que des hommes et des femmes privés d'emploi occupent des emplois peu qualifiés à temps partiel ? C'est une vraie question : 40 % des chômeurs sont des chômeurs de longue durée. Non seulement ces hommes et ces femmes sont en train de perdre leur qualification, mais même en cas de retour à la croissance, leur éloignement durable de l'emploi rendra leur réintégration dans le monde du travail très difficile.
Vous avez également évoqué la modération salariale. Celle-ci a fait long feu. Depuis dix ans, il n'y en a pas eu. L'augmentation mécanique du SMIC de 11 % s'est répercutée sur les conventions collectives, et les salaires nets, à structure constante, ont augmenté plus vite que l'inflation et la productivité – nous y avons notre part de responsabilité, je l'ai dit. Le pouvoir d'achat des salariés a crû même si, depuis deux ans, cette évolution a été freinée en raison, non pas d'une diminution des salaires nominaux, mais d'une augmentation importante de la fiscalité des entreprises et des ménages.
Au-delà de la durée du travail au sens strict, j'aimerais revenir sur la question du taux d'emploi. Notre pays a cette spécificité incontestable à l'échelle européenne que les jeunes rentrent de plus en plus tard sur le marché du travail et les seniors en sortent de plus en plus tôt. J'établirai d'ailleurs un lien entre durée du travail et retraite. Quand on voit que l'espérance de vie ne cesse d'augmenter, se priver d'évoluer dans ce domaine me paraît une aberration. Et ce n'est pas là, monsieur Sebaoun, un réquisitoire – le terme est sans doute excessif – ou un jugement de valeur, mais simplement l'expression du point de vue de l'entreprise par rapport à son environnement.
Je terminerai par la question, extrêmement sensible en ce moment, des dividendes. Pour qu'une entreprise fonctionne durablement, il faut qu'elle prenne en compte quatre parties prenantes, à commencer par les actionnaires. Une entreprise qui n'est pas capitalisée est vulnérable. La capitalisation des sociétés françaises est aujourd'hui très fragile et l'absence d'initiatives opportunes dans ce domaine peut conduire à ce que les capitaux d'une partie des fleurons de l'industrie française soient situés hors de notre pays, ce qui peut avoir, nous l'avons vu récemment, des conséquences fondamentales sur la stratégie des entreprises.
Les études montrent que l'augmentation forte des dividendes s'est produite dans des entreprises réalisant la majorité de leur chiffre d'affaires hors de France. Mais dans les TPE et les PME, les dividendes ont augmenté de manière raisonnable. Si, lors d'un tour de table, une personne investit 100 euros dans une PME dont les fonds propres ont été détériorés, il n'est pas anormal qu'elle souhaite bénéficier d'une forme de retour à même de couvrir les risques qu'elle a pris. Aujourd'hui, un patron de PME en difficulté – et c'est le cas de beaucoup d'entre eux – a des difficultés non négligeables d'accès au crédit et le meilleur moyen pour lui d'améliorer sa situation financière est de faire appel à ses actionnaires. Il ne semble donc pas illégitime que le capital soit rémunéré, du moment qu'il l'est dans des conditions raisonnables.
Ce ne sont pas là des certitudes que j'assène, mais des éléments que je livre à votre réflexion.