Sans disposer de chiffres concernant son impact sur les volontés de délocalisations et les départs effectifs, je classerais la taxe à 75 % parmi les impôts abscons. Ce type de dispositions est à proscrire. Il s'agit d'abord d'un impôt totalement inefficace d'un point de vue budgétaire. Censé à l'origine taxer les hautes rémunérations – donc des personnes physiques –, il taxe désormais certaines entreprises – choix incompréhensible d'un point de vue philosophique et économique. Enfin, annoncée à 75 %, cette taxe s'établit finalement à 50 %. Alors qu'il apparaît inutile, cet impôt suscite un rejet épidermique chez les dirigeants, l'effet d'image à l'international étant désastreux pour l'attractivité de notre pays. Je laisse à Bercy le soin de déterminer si cette taxe s'est révélée efficace pour limiter les montants des rémunérations allouées par les entreprises.
La DGFiP tout comme le ministère des Affaires étrangères disposent certainement de chiffres, mais ces derniers sont difficiles à interpréter. Lorsqu'une personne se délocalise, l'administration vérifie si elle a déposé une déclaration d'exit tax, si elle était redevable de l'ISF et concernant quel patrimoine. Mais les motivations réelles du départ échappent aux statistiques, peu de personnes étant prêtes à affirmer qu'elles s'expatrient pour des raisons purement fiscales.
L'exit tax semble elle aussi largement inefficace. Les recettes qui y sont attachées – 42 millions d'euros fin 2012, à la place des 180 millions escomptés – se sont révélées décevantes. Au-delà du seul plan financier, cette taxe sème le trouble tant parmi les contribuables que sur la scène internationale. Ce nouveau dispositif de sanction s'applique en effet de la même manière à ceux qui se délocalisent pour des raisons fiscales et à ceux qui le font pour des raisons professionnelles. Ainsi les expatriés des entreprises en subissent-ils également les contraintes. Le dispositif prévoit l'application d'un régime de sursis de paiement à l'intérieur de l'Union européenne ; mais le contribuable qui souhaite s'installer hors d'Europe doit, pour bénéficier d'un sursis, présenter des garanties à hauteur d'une partie de ses plus-values soumises à l'exit tax. Ces garanties ne sont pas nécessaires si la personne se délocalise à des fins professionnelles et peut attester d'une mutation ou d'un recrutement par une entreprise à l'étranger, et si le pays où elle s'établit a signé avec la France une convention fiscale prévoyant non seulement des clauses d'assistance administrative classique pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, mais également une clause en matière d'assistance au recouvrement. Or c'est loin d'être le cas pour tous les pays ; ainsi les entreprises qui envoient du personnel en Chine – destination économique importante – doivent-elles gérer des formalités très lourdes. Enfin, le contribuable doit faire un suivi déclaratif pendant quinze ans pour voir l'impôt dégrevé ou restitué : on préjuge donc qu'une personne qui se délocalise moins de quinze ans le fait pour des raisons d'évasion fiscale. Il est nécessaire de revoir ce dispositif, sinon l'abroger. Plus généralement, il faudrait harmoniser notre fiscalité avec celle de nos voisins ; en effet, c'est la compétitivité fiscale entre États qui se trouve à l'origine de ces délocalisations.
Pour renforcer l'attractivité de la France, il faudrait introduire des dispositions fiscales qui permettent au contribuable de rester dans notre pays et de contribuer au développement de notre compétitivité. En effet, les mesures d'attractivité qui existent aujourd'hui restent trop partielles. Ainsi le régime des impatriés – codifié à l'article 155 B du code général des impôts et applicable aux salariés appelés de l'étranger à venir travailler en France – représente-t-il un dispositif efficace mais temporaire. En matière d'ISF, il permet par exemple aux personnes qui n'ont pas été fiscalement domiciliées en France dans les cinq ans qui précèdent leur arrivée de ne pas être taxées, pendant cinq ans, sur les actifs qu'elles détiennent à l'étranger. Pour salutaires qu'elles soient, ces mesures ne confortent pas la situation d'un résident permanent en France. Il faut élaborer des taux d'imposition plus pérennes et en assurer la sécurité juridique.