(Intervention préenregistrée, interprétation) C'est un honneur et un plaisir pour moi de m'adresser aux honorables membres des parlements des seize États membres au sujet de la proposition de règlement du Conseil portant création du Parquet européen. Je regrette de ne pas avoir pu me joindre à vous aujourd'hui, mais, comme vous le savez, le Parlement européen siège en session plénière cette semaine à Strasbourg.
L'institution d'un Parquet européen constitue une étape très importante dans la mise en place d'un espace européen de justice pénale et dans le renforcement des outils de lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union. Le Parlement européen sait que, dans le cadre des mécanismes de contrôle de subsidiarité, quatorze chambres nationales de onze États membres ont adressé à la Commission européenne un avis motivé négatif sur cette proposition, déclenchant ainsi la procédure de « carton jaune ». Cette réunion interparlementaire revêt donc une importance capitale. La commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures que je préside s'engage à mener un dialogue étroit avec les parlements nationaux à tous les stades de la procédure législative.
Conformément à l'article 86 du Traité sur le fonctionnement de l' Union européenne, le Parlement européen sera appelé à donner son approbation une fois que les négociations sur la proposition de la Commission européenne seront achevées au sein du Conseil. Néanmoins, cette proposition est étroitement liée à d'autres textes législatifs en cours d'examen dans le cadre de la procédure de codécision, en particulier à la proposition de directive relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union et à la proposition de règlement de l'Agence de l'Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale (Eurojust). C'est pourquoi le Parlement européen a appelé le Conseil à participer activement aux discussions et à dessiner les contours du futur Parquet européen.
À la fin de la législature précédente, le Parlement européen a adopté une résolution dans laquelle il fait part de sa position sur plusieurs aspects de la proposition, dont beaucoup ont également été évoqués par les parlements nationaux. Les principales recommandations du Parlement européen sont les suivantes.
Premièrement, le Parquet européen doit être une structure souple, réactive et efficace, à même d'obtenir les meilleurs résultats.
Deuxièmement, afin d'assurer la bonne coordination et le succès des enquêtes, il est nécessaire que les personnes qui seront amenées à les diriger possèdent une connaissance approfondie des systèmes juridiques des pays concernés. À cette fin, la structure centrale du Parquet européen doit inclure au moins un représentant de chaque État membre.
Troisièmement, dans le même temps, afin de s'assurer de la rapidité et de l'efficacité des décisions, il est nécessaire que le processus de prise de décision puisse être défini par le Parquet européen, avec l'appui des procureurs nationaux délégués compétents pour certaines affaires spécifiques.
Quatrièmement, le Parquet européen doit agir dans le strict respect du principe du juge naturel. Par conséquent, les critères qui permettent de déterminer la juridiction compétente doivent être non discrétionnaires, et le choix de la juridiction compétente conformément à ces critères doit pouvoir faire l'objet d'un contrôle juridictionnel.
Cinquièmement, le champ des compétences du Parquet européen doit être défini précisément afin de que les infractions pénales qui relèvent de sa compétence soient clairement identifiés. À cet égard, le Parlement européen suggère de revoir attentivement la définition de la compétence accessoire du Parquet européen.
Sixièmement, les moyens d'enquête mis à la disposition du Parquet européen doivent être homogènes, clairement identifiés et compatibles avec les systèmes juridiques de tous les États membres.
Septièmement, parce que l'admissibilité des preuves et leur évaluation constituent des éléments clés pour l'établissement de la culpabilité, les règles pertinentes en la matière doivent être claires et rigoureusement uniformes dans tous les domaines où le Parquet européen est compétent. Elles doivent garantir intégralement les droits de la défense.
Huitièmement, dans le cadre des activités du Parquet européen, le droit à un recours juridictionnel effectif doit être respecté à tout moment dans l'ensemble de l'Union. À cette fin, le Parquet européen peut être considéré comme une autorité nationale pour ce qui est des mesures procédurales qu'il adopte dans l'exercice de ses fonctions de poursuite, ces mesures devant pouvoir faire l'objet d'un recours juridictionnel devant la juridiction compétente d'un des États membres. Toutefois, les décisions prises par le Parquet avant le procès ou indépendamment de celui-ci, telles que le choix de la juridiction compétente, le classement sans suite ou la transaction pénale doivent pouvoir faire l'objet d'un recours devant les juridictions de l'Union. D'une manière générale, toutes les activités du Parquet européen doivent respecter les normes les plus élevées en matière de droits de la défense et se conformer à la règle non bis in idem - « nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits ». Par ailleurs, dans l'exercice des poursuites pénales, un équilibre doit être trouvé entre la sécurité juridique et la protection des données personnelles.
Enfin, le Parquet européen doit être totalement indépendant, tant par rapport aux gouvernements nationaux que par rapport aux institutions de l'Union européenne.
En ce début de nouvelle législature, la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures a désigné Mme Monica Luisa Macovei rapporteure de la proposition de règlement portant création du Parquet européen. Je tiens à vous assurer, en son nom et au nom de tous les membres de la commission, que nous mènerons un dialogue interparlementaire fructueux.