Intervention de Vannino Chiti

Réunion du 17 septembre 2014 à 10h00
Commission des affaires européennes

Vannino Chiti, président de la commission des affaires européennes du Sénat, Italie :

(Traduction lue par Mme la présidente Danielle Auroi)

Le Parquet européen et le traitement des données personnelles représentent une frontière de l'intégration européenne dans le domaine de la justice : ils donnent la mesure des efforts actuellement faits en ce sens, à tous les niveaux, et dans lesquels nous devons persévérer pour garantir à nos citoyens un meilleur avenir.

La proposition initiale de règlement de la Commission européenne a suscité des divergences d'opinion au sein du Conseil de l'Union européenne. Bien avant, des prises de position contraires de parlements nationaux ont conduit à la procédure dite du « carton jaune », pour la deuxième fois depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, au motif que le principe de subsidiarité avait été violé et parce que chaque pays revendiquait la souveraineté dans l'exercice de l'action pénale et dans la possibilité de poursuivre certains crimes.

L'avis du Sénat italien relatif à la proposition de règlement sur la création du Parquet européen s'est articulé en une prise de position de la commission des politiques de l' Union européenne, que je préside, et en un acte de la commission « Justice » dont le rapporteur était M. D'Ascola. Cet avis a reconnu certains aspects critiques de la proposition initiale, dûment mis en exergue, mais non la violation du principe de subsidiarité.

C'est pourquoi je n'ai pas été surpris lorsque la Commission européenne, investie du réexamen de l'acte après l'activation de la procédure du « carton jaune » à la suite des avis motivés de 14 parlements nationaux sur le non-respect du principe de subsidiarité, a décidé de maintenir sa proposition.

J'estime que la décision a été correcte et conforme à l'esprit qui devrait présider à la participation des parlements nationaux au processus législatif de l'Union par le biais du contrôle de subsidiarité : il s'agit d'améliorer la qualité de la législation européenne, non de bloquer le processus d'intégration. Si le contrôle de subsidiarité est assurément une prérogative des parlements nationaux, il ne doit pas être utilisé de manière conflictuelle, mais de manière positive, à des fins de proposition, conformément au processus du « dialogue politique », dont nous espérons que la Commission Juncker le poursuivra avec la même détermination et les mêmes résultats que les deux exécutifs Barroso.

Il me semble par ailleurs que les motifs de perplexité que nous avions mis en exergue dans l'avis du Sénat, concernant des aspects de fond du règlement, n'ont pas encore été entièrement dissipés. Je pense notamment aux avancées obtenues sur la directive relative aux crimes qui lèsent les intérêts financiers de l'Union – fraudes douanières, détournement des fonds structurels et des fonds de la Politique agricole commune –, approuvée par le Parlement européen le 16 avril dernier et actuellement en attente d'approbation définitive.

Un autre aspect concerne le respect des droits fondamentaux. Dans l'avis du Sénat, nous avions souligné la nécessité de garantir les principes du procès équitable. Un débat a été ouvert, au Conseil de l'Union européenne, sur l'admissibilité des éléments de preuve recueillis par le Procureur européen, telle que régie par la proposition. Nous estimons qu'un approfondissement est nécessaire s'agissant des marges d'action des tribunaux nationaux : il faut éviter que, au cas où l'on admettrait comme preuves au procès des éléments recueillis par le Procureur européen sans une disposition interne, ne se déclenchent légitimement les principes de tutelle prévus par les Constitutions nationales, ce qui rendrait inefficace l'action du Parquet.

Un autre aspect concerne la structure du bureau du Parquet. Dans l'avis rendu par le Sénat, nous avions insisté sur le fait que l'exercice des pouvoirs sous forme décentralisée par le biais des procureurs nationaux représente un juste équilibre entre la centralisation qui garantit une vision unitaire et globale des enquêtes, et la décentralisation permettant de respecter les caractéristiques spécifiques de chaque législation.

Une dernière remarque. En adressant au Gouvernement les orientations du Parlement, la commission des politiques de l'Union européenne du Sénat italien l'a engagé à se hâter de faire le nécessaire pour parvenir à un accord et, au cas où l'unanimité requise par l' article 86 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne pour l'approbation de la proposition ne serait pas atteinte, d'évaluer l'opportunité de la coopération renforcée que permet cet article.

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