Intervention de Franck Morel

Réunion du 18 septembre 2014 à 12h00
Commission d'enquête relative à l'impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail

Franck Morel, avocat, ancien directeur adjoint du cabinet de M Xavier Bertrand, ministre du travail :

Madame la rapporteure a raison : les comparaisons en termes de temps de travail avec nos voisins européens pourraient être établies à partir d'autres données que celles du nombre d'heures travaillées par semaine d'un travailleur à temps plein. Je note par exemple que si, en France, la durée de travail hebdomadaire des salariés à temps plein est inférieure à la moyenne européenne, les travailleurs indépendants de notre pays sont parmi ceux qui travaillent le plus. Il existe donc une certaine inégalité entre ces derniers et les salariés à temps plein.

Il serait également possible, comme le suggère Madame la rapporteure, de tenir compte des salariés à temps partiel. La durée hebdomadaire du travail au Danemark, où 40 % des travailleurs occupent un emploi à temps partiel, baisserait inévitablement plus que celle de la France qui ne compte que 16 % de travailleurs dans ce cas. Mais la question de la place du temps partiel relève d'un autre débat. Il doit être organisé pour répondre aussi bien aux besoins des employeurs qu'à ceux des employés. Je note que malgré la régulation de plus en plus forte de ce type d'emploi, le taux de travail contraint en temps partiel reste constant : selon la DARÉS, environ un tiers des salariés concernés continuent de se déclarer insatisfaits par le temps de travail de leur emploi. La multiplication des prescriptions normatives n'a donc eu aucun effet. Cette méthode mène manifestement à l'échec.

Les comparaisons européennes laissent penser qu'il faut augmenter le temps réellement travaillé : certains textes doivent donc être modifiés.

Monsieur Jean-Frédéric Poisson, avant même sa décision de 2013, dont la prise en compte peut sans doute apporter une sécurité juridique supplémentaire, le Conseil constitutionnel a progressivement élaboré une jurisprudence fine et précise sur la liberté contractuelle et sur la possibilité pour la loi de bouleverser un équilibre conventionnel. Il en ressort que le législateur ne peut porter atteinte aux conventions librement conclues entre les parties que pour un motif d'intérêt général que le juge constitutionnel contrôlera en tenant compte du contexte dans lequel il est invoqué. Le Conseil a par exemple censuré une disposition de la loi Aubry II du 19 janvier 2000 limitant la durée collective des salariés à mille six cents heures annuelles, en prenant en compte les engagements précédemment pris dans la loi Aubry I du 13 juin 1998 en matière de négociation.

À mon sens, la loi du 20 août 2008 n'a pas renforcé les trente-cinq heures ; elle ne les évoque pas. Il faut la distinguer de la loi TEPA dont le dispositif de défiscalisation et d'allégement de charges repose en quelque sorte sur ce seuil qui devient alors plus difficile à modifier.

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