Intervention de Virginia Cruz

Réunion du 23 septembre 2014 à 10h00
Mission d'information sur la candidature de la france à l'exposition universelle de 2025

Virginia Cruz, membre du Conseil national du numérique :

C'est effectivement un sujet très central et très vaste. Je vais vous livrer une série de réflexions – qui ne sont pas toujours abouties – pour alimenter votre réflexion.

Selon moi, il y a plusieurs façons de voir le numérique. C'est d'abord un moyen d'exposer ou de présenter. En effet, le numérique permet de créer l'interactivité avec le public, ce qui aboutit à des installations ludiques, magiques et immersives.

Le numérique peut également servir à accompagner ou à fluidifier les parcours. Au moment de l'exposition, Paris accueillera de nombreux visiteurs, dont des étrangers, qui viendront à l'exposition. Or il y a aujourd'hui très peu d'indications en anglais dans la capitale. Comment les visiteurs vont-ils donc naviguer, trouver les lieux, se déplacer dans une ville qu'il n'est évidemment pas question de reconstruire ?

On pourrait passer par les smartphones et les objets connectés, comme les bracelets, en s'inspirant de l'expérience Disney : lorsque vous réservez votre séjour, vous recevez un bracelet qui vous permet ensuite de naviguer entre les différentes installations. J'observe toutefois qu'il faudra prendre en compte les frais de « roaming (2) », notamment pour les visiteurs non européens. On pourrait aussi passer par l'infrastructure urbaine : bancs publics, parcmètres, abribus, stations de métro où de nombreuses interfaces pourraient servir de points de relais et d'information. Mais ces supports pourraient également servir à organiser des activités plus ludiques, comme des jeux urbains, par exemple.

On peut considérer aussi, et c'est une vision plus classique, que le numérique va transformer la société et les industries, et que ce sera le moment de montrer les avancées et les progrès réalisés en France.

Mais le numérique est aussi une logique collaborative de mise en relation, qui peut être reprise au sein de l'exposition universelle, que ce soit dans un objectif ludique ou dans un objectif économique. Un des buts de la manifestation est aussi de créer du business. On pourrait tirer parti de la rencontre d'investisseurs venant de l'étranger et de personnes d'ici, qui ont des idées. L'un de nous a parlé du lancement de « Foursquare » au cours d'une exposition. Comment faire en sorte que l'exposition universelle offre un cadre facilitant rencontres, partenariat ou créations d'entreprises ? Faudrait-il mettre en place un statut particulier ? Ce sont des questions ouvertes …

Le numérique peut également être vu comme un trait d'union géographique entre plusieurs lieux. Notre vision est très parisienne. Mais pourquoi ne pas imaginer de se transporter sur tout le territoire ? Pourquoi ne pas créer des points d'échanges, installer des écrans, aménager des lieux permettant de rencontrer les gens à distance, créer des jumelages, des échanges, qui pourraient aussi s'appuyer sur la French Tech, cette espèce de réseau qui commence à se mettre en place ?

Le numérique sert la logique consistant à ne pas créer de nouveaux bâtiments, mais à réutiliser des lieux existants. Il est pratique dans la mesure où il permet de personnaliser les lieux, de les investir sans modification architecturale par des mises en réseau, des projections, etc. C'est d'autant plus intéressant qu'on sait qu'il est difficile de réutiliser, par la suite, les bâtiments construits à l'occasion d'une exposition universelle.

Ensuite, on peut voir le numérique comme une surcouche d'informations : c'est ce qui relève de la réalité augmentée. On peut rajouter des commentaires, différencier l'expérience, en proposant, par exemple, à des enfants une vision différente des adultes, rajouter des éléments d'histoire sur la ville, offrir différents points de vue, tout cela en exploitant les tendances actuelles – réalité virtuelle, Google Glass, casques comme l'Oculus Rift dont a parlé M. Martin.

Le numérique permet de voir ce qu'il est impossible de voir, ou d'un point de vue que l'on ne peut pas avoir normalement, notamment depuis les airs. On commence à parler des drones, mais on peut imaginer qu'en 2025, on pourra les utiliser pour « voler ». Mais d'autres possibilités existent, qui sont très intéressantes et ludique. Je pense au projet sélectionné en Angleterre par la Tate Britain. Il s'agit d'un petit robot qui se déplace la nuit dans le musée ; si je me connecte sur Internet, je peux contrôler ce petit robot qui tient une petite torche, me promener dans les galeries et voir les peintures à des heures normalement interdites au public.

Enfin, en regardant le thème choisi par Dubaï pour l'exposition de 2020 « Connecting Minds, Creating the future » et en essayant de se projeter sur ce qui va arriver en 2025, on doit pouvoir glaner des éléments intéressants. Je pense en particulier aux véhicules autonomes. L'infrastructure parisienne est ancienne et ses capacités sont limitées. La question du transport va se poser en raison de très nombreux visiteurs. On peut s'attendre au développement des systèmes comme Uber, que l'on voit émerger. Mais potentiellement, les véhicules autonomes seront arrivés sur le marché. Ce sera l'occasion de s'appuyer sur des initiatives industrielles. Renault travaille déjà sur de tels véhicules.

L'idée serait d'utiliser des lieux existants en les investissant, en créant entre eux une infrastructure de liens, de mobilités, de transports, révélatrice du développement industriel du pays, qui permettrait de compléter les infrastructures de transport de la ville d'aujourd'hui.

Il ne faudrait pas oublier non plus tout ce qui tourne autour des « Wearable Technologies », ou « technologies mettables », dont on parle beaucoup avec les objets connectés, bracelets ou autres. Ces nouveaux produits existeront et serviront de supports pour les visiteurs.

En 2025, le numérique va rejoindre le réel. Il sera présent dans tout ce qui est tangible autour de nous. On le voit aujourd'hui avec les impressions 3D, et avec l'utilisation de techniques combinées. Des logiciels se basent sur des techniques de jeux vidéo. Minecraft, un jeu où l'on vient casser des briques pour se faire des abris afin d'échapper à des monstres, ou bâtir des bâtiments extraordinaires, est aujourd'hui réutilisé dans un logiciel qui permet, de façon très simple, de construire un fichier en 3 D. Ainsi, sans savoir comment utiliser un logiciel, le grand public pourra créer et produire. Le numérique que l'on voit aujourd'hui comme une couche très « logicielle », est en train de diffuser dans tout l'environnement. Par exemple, demain, cette table sera connectée, tout comme cette chaise qui permettra de savoir qui s'est assis dessus, son poids, etc. Telles sont les tendances.

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