Intervention de François Carlier

Réunion du 23 septembre 2014 à 16h00
Commission d'enquête chargée d'étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposeer des réponses concrètes et d'avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le

François Carlier, délégué général de la Confédération consommation, logement et cadre de vie :

Née en 1952, la Confédération consommation, logement et cadre de vie (CLCV) est forte de 31 500 adhérents, dont 60 % sont venus à nous en raison de litiges en matière de consommation et 40 % à propos de leur logement, en particulier des groupements de locataires de HLM. Nous avons 415 administrateurs locataires HLM, désignés lors des élections HLM.

À nos yeux, la grande particularité des associations de consommateurs est leur indépendance financière vis-à-vis des professionnels. Nous le sentons lorsque nous discutons avec des associations d'autres secteurs. C'est très important : lorsque la CLCV s'exprime à propos du prix de l'énergie ou de la qualité des poissons, elle dit ce qu'elle veut. Cette indépendance doit être préservée. La subvention DGCCRF, que l'on peut juger élevée et dont on pourrait envisager sans s'émouvoir qu'elle continue de baisser, est en réalité la contrepartie de cette liberté. Si la CLCV pouvait et voulait nouer des liens avec des professionnels, nous serions riches et nous ne viendrions pas devant votre commission d'enquête ! Que cette subvention baisse de 10 % montre en ce sens le peu de valeur que les pouvoirs publics accordent à l'indépendance.

Le premier grand défi auquel les associations de consommateurs sont confrontées est la baisse des subventions en général, au niveau national comme au niveau local. Nos structures locales, lorsqu'elles sont importantes, comptent un salarié, voire plusieurs : nous y avons davantage de salariés qu'à l'échelon national. Or, après la baisse des subventions nationales arrive celle des subventions locales. Elle va donc faire particulièrement mal, surtout du point de vue de l'emploi : c'est localement que le secteur associatif aura son méga-plan social invisible.

Le second défi est Internet, à la fois concurrent et opportunité. Auparavant, quand on rencontrait un problème lié à la consommation ou lors de son état des lieux, on se tournait vers une association de consommateurs, vers l'ANIL (Agence nationale pour l'information sur le logement) ou la mairie ; aujourd'hui, en pareil cas, on peut trouver sur Internet bien des conseils, parfois mauvais, mais souvent bons à condition de savoir chercher. Les acteurs de l'Internet se positionnent très clairement comme des concurrents des associations de consommateurs, mais Internet nous permet aussi de développer de nouveaux services ou de trouver de nouveaux adhérents. C'est un monde très dur ; nous relevons le défi, espérant que la seconde dimension l'emportera sur la première.

Voici maintenant nos propositions.

J'aimerais d'abord rappeler, dans le contexte préoccupant de baisse de la subvention DGCCRF, que l'expression « subvention de fonctionnement » n'est pas un gros mot, contrairement à une conception qui s'est imposée depuis dix ans. Face à un financeur public, le terme est tabou : il faut toujours parler de projets. Or, outre cette hypocrisie, le financement sur projet est intéressant mais limité. Pourquoi ne pas réhabiliter cette belle expression, surtout lorsque la subvention est la contrepartie de l'indépendance vis-à-vis de Danone ou de Total ?

Nous proposons aussi d'affecter pour partie aux associations loi de 1901, sous forme de subvention, le produit des amendes élevées que prononce l'Autorité de la concurrence, aujourd'hui entièrement destiné au Trésor public.

Troisièmement, la formation des militants doit être développée pour contribuer à pallier l'asymétrie d'expertise dont ils souffrent lorsqu'ils siègent aux conseils d'administration des HLM ou dans les commissions consultatives des services publics locaux. Les associations s'organisent pour la réduire, avec succès au niveau national, bien moins efficacement au niveau local. Pour remédier à ce problème, il faut financer la formation et l'expertise indépendante, sur le modèle des comités d'entreprise (CE) ou des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) qui peuvent, aux frais de l'entreprise, recourir aux services d'un cabinet d'expertise. Il ne serait pas illogique d'étendre ce modèle lorsque le renouvellement d'un contrat d'eau pour vingt ans est en jeu.

Si notre indépendance financière vis-à-vis des professionnels doit être totale, nos difficultés financières nous amènent à revoir notre modèle économique. N'ayant guère d'espoir d'obtenir rapidement une hausse de la subvention DGCCRF, nous devrons ainsi susciter davantage d'adhésions en proposant de nouveaux services, ce qui nous conduira parfois à nouer des partenariats avec des professionnels. Il ne s'agit pas de toucher quoi que ce soit d'eux, mais de travailler avec eux pour développer ces services. Par exemple, nous inscrivant dans le cadre du dispositif des certificats d'économie d'énergie, nous proposons aux particuliers de valoriser par des paiements directs – et non par des bons d'achat – leurs travaux d'économie d'énergie. Pour le faire, nous passons par une structure collective agréée qui intervient sur ce marché. En contrepartie, nous demandons aux bénéficiaires de l'offre d'adhérer à notre association. Les associations de consommateurs vont devoir développer de plus en plus ce type de dispositifs, en valorisant les services proposés soit par une obligation d'adhésion, soit par des cotisations supplémentaires. Nous gagnerions à ce que le cadre juridique de ce modèle économique soit parfaitement stabilisé.

Enfin, puisque c'est surtout à l'échelon local que l'urgence économique va se faire pressante alors même que la gestion y est parfois quelque peu aléatoire, il faudrait y développer les formations à la gestion économique, comptable et juridique des associations. Il s'agit de savoir tenir une comptabilité ou établir un contrat de travail valable. Certes, c'est à une fédération ou à une confédération de former ses structures locales, mais ce travail est très fastidieux et l'aide des pouvoirs publics – je ne parle pas ici de subvention, mais d'assistance technique – nous serait précieuse.

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