Intervention de Ségolène Royal

Séance en hémicycle du 1er octobre 2014 à 15h00
Transition énergétique — Présentation

Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, vous allez légiférer au nom du peuple français et dans l’intérêt général de la nation sur un sujet majeur et porteur d’espoir, dans un moment où tout semble bloqué et où beaucoup se demandent si l’heure est à la régression ou si la marche vers le progrès humain peut reprendre.

De ce point de vue, les nombreux débats, échanges, travaux, tant au niveau national qu’européen et mondial le disent : la mise en place d’un nouveau modèle énergétique, et donc de croissance durable, est une chance à saisir.

Une chance d’améliorer très concrètement la vie quotidienne de chacun, tout en protégeant mieux notre planète ; une chance de réduire nos émissions de gaz à effet de serre et de contribuer activement à la lutte contre le réchauffement climatique ; une chance de mieux assurer notre indépendance et notre souveraineté énergétiques en préparant l’après-pétrole et en réduisant le coût d’importations qui grèvent lourdement notre balance commerciale ; une chance de stimuler l’innovation, d’améliorer la compétitivité de nos entreprises, de développer des filières d’avenir capables de conquérir de nouveaux marchés ; une chance de créer des emplois non délocalisables, d’alléger la facture énergétique des ménages et de vivre dans un environnement moins pollué et plus sain.

Comme le montre le récent rapport piloté par Felipe Calderón sur la « nouvelle économie climatique », que nous appelons ici « croissance verte », c’est là le levier de sortie de crise le plus efficace et le plus rapide, le moteur du renouveau industriel, la clef d’un nouveau modèle de développement.

Je le constate tous les jours : le mouvement est lancé dans les régions et les territoires qui ont un temps d’avance, et dans les entreprises et dans les industries qui investissent.

Permettez-moi de rappeler brièvement dans quelle histoire s’inscrit le projet de loi dont nous allons débattre. À quelques reprises, depuis un siècle, les grands choix énergétiques de la France ont fait l’objet de lois fondatrices et ont permis sa modernisation.

Ce fut le cas en 1919, pour réparer les ravages de la Première Guerre mondiale, avec la loi sur l’énergie hydraulique, cette « houille blanche », comme on disait alors, qui reste, aujourd’hui encore, la première de nos énergies renouvelables.

Ce fut le cas à la Libération, quand le pays était à reconstruire au sortir de la Seconde guerre mondiale. Le Conseil national de la Résistance avait alors fait de l’énergie la clef d’un nouveau développement économique et du rétablissement de notre souveraineté nationale. Les lois de 1946 en donnèrent les moyens, dans le contexte de l’époque, en créant de puissantes entreprises nationales pour le charbon, le gaz et l’électricité. Et c’est autour du charbon et de l’acier, avec la Communauté européenne du charbon et de l’acier, que l’Europe a commencé à se construire. Aujourd’hui, nous devons inventer et bâtir l’Europe du nouveau modèle énergétique.

Plus tard, lorsque le premier choc pétrolier révéla la vulnérabilité de notre dépendance aux énergies fossiles, la France lança un programme nucléaire d’une rapidité et d’une ampleur inégalées dans le monde, sans d’ailleurs que le Parlement fût appelé à se prononcer.

Si différentes que soient les circonstances du temps présent, les possibilités qu’elles offrent et les décisions qu’elles appellent, une chose est sûre : la France doit à nouveau faire le choix d’un nouveau modèle énergétique. Pour ce faire, elle peut s’appuyer sur l’excellence de ses technologies industrielles, énergétiques et de service, mais aussi sur la volonté des citoyens.

Nous avons, ces dernières années, beaucoup parlé d’énergie. Les Français sont très largement conscients des enjeux du dérèglement climatique, mais tout autant inquiets du prix de l’énergie et de ses conséquences sur leurs factures qui représentent une part croissante du budget des ménages.

Ce projet de loi permet de réponse à ces inquiétudes, en s’inspirant très directement de nombreuses expériences réussies dont les territoires ont pris l’initiative et que la loi permettra de généraliser pour opérer un changement d’échelle massif.

Certains s’interrogent sur les financements qui permettront de déclencher rapidement les bonnes pratiques ; je voudrais les rassurer sur ce point avant d’en venir au contenu du projet de loi. Or, à ce sujet, comment ne pas voir que la transition énergétique est rentable ?

En voici quelques exemples. Les entreprises et les artisans du bâtiment, que j’ai longuement rencontrés pour préparer la transition énergétique, évaluent à 75 000 emplois les conséquences de la mise en chantier rapide de la rénovation énergétique des logements et des bâtiments. Les entreprises de la filière bois, qui se mobilisent déjà, ont chiffré à 60 000 le nombre d’emplois potentiels dans les secteurs de la construction en bois et de la biomasse.

Le déploiement des 35 millions de compteurs intelligents Linky pour l’électricité et Gazpar pour le gaz représentent 6 milliards d’euros d’investissements et 11 000 emplois, avec les entreprises qui furent les lauréats de l’appel à projet – Landis + Gyr, Itron, Sagemcom, ZIV, MAEC et Elster, qui produiront ces compteurs en France –, ainsi que les PME et les artisans qui les installeront et les mettront en service.

Du côté du consommateur, ce compteur intelligent, auquel je veux que tout le monde ait droit, permet d’économiser, sans perdre en qualité de vie, jusqu’à 20 % sur la facture. Ajouté à des logements mieux isolés, ce dispositif permettrait de diviser au moins par deux la facture ; ce serait autant de pouvoir d’achat récupéré.

Les logements neufs ou les logements rénovés permettent aussi de réaliser d’importantes économies – je pense en particulier aux logements sociaux construits à énergie positive ou à énergie passive.

S’agissant des particuliers, le Gouvernement a décidé de créer un crédit d’impôt pour la transition énergétique qui simplifie et élargit l’actuel crédit d’impôt en faveur du développement durable. Son taux est porté dès septembre 2014 à 30 % pour la première opération de travaux réalisée. La condition de réalisation de dépenses dans le cadre d’un bouquet de travaux est supprimée, afin de permettre à tous les contribuables de bénéficier du même niveau d’aide publique, quels que soient les opérations engagées et le séquençage des travaux. Enfin, son champ est élargi aux dépenses d’acquisition de bornes de recharge pour les véhicules électriques ainsi que de compteurs individuels d’eau chaude et de chauffage pour les ménages en copropriété. En régime de croisière, l’effort national sera ainsi plus que doublé par rapport à l’actuel crédit d’impôt.

Quant à l’ingénierie financière que le Gouvernement met en place pour accompagner ces nouvelles mesures, elle tient compte du bilan de la conférence bancaire et financière à laquelle ont été associés les industriels et les ONG, les associations, les consommateurs et les partenaires sociaux.

Deuxième mesure : l’éco-prêt à taux zéro, bloqué par les procédures existantes, a été simplifié et devrait bénéficier à 100 000 opérations de rénovation, au lieu de 30 000 en 2013. Accessible à tous les propriétaires, qu’ils occupent leur logement ou le mettent en location, il permet de bénéficier d’un prêt à taux zéro pouvant atteindre 30 000 euros pour réaliser des travaux de rénovation énergétique.

Troisième mesure : le financement par l’ANAH – l’Agence nationale de l’habitat – de 50 000 projets de travaux de rénovation énergétique de propriétaires modestes a été décidé pour 2014 et 2015.

Quatrième mesure : pour ceux qui ne peuvent avancer le financement des travaux, le tiers financement est mis en place, à partir de l’expérience des régions qui s’y sont engagées comme l’Île-de-France, la Picardie, Rhône-Alpes ou le Poitou-Charentes. De surcroît, la création du chèque énergie, que le Gouvernement a voulue, permettra également aux personnes exposées à la précarité énergétique de réaliser des travaux d’économie d’énergie, comme le remplacement de chauffages électriques anciens et très consommateurs.

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