Madame la présidente, madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chers collègues, c’est au nom de la délégation aux outre-mer que j’ai le plaisir de vous parler aujourd’hui. Je remplace le rapporteur pour information de la délégation, M. Serge Letchimy, qui est retenu dans sa circonscription.
Ce texte était très attendu par les outre-mer. Face à une consommation énergétique en hausse dans les DOM et dans les COM – le département de Mayotte enregistre, depuis 2004, une croissance de sa consommation énergétique de l’ordre de 30 % par an – et donc à une dépendance accrue, ces dernières années, vis-à-vis des sources d’énergie fossile – ainsi, plus de 80 % de la consommation d’énergie de Mayotte reste constituée par ce type d’énergie –, la transition énergétique constitue en effet une promesse pour tous les habitants d’outre-mer. C’est la promesse de voir leur approvisionnement énergétique apparaître, dans un proche avenir, comme à la fois plus sûr, parce qu’il sera désormais produit sur place, et moins coûteux du fait qu’il n’y aura plus de frais de transport et que l’ingénierie sera maîtrisée de manière endogène.
J’en viens maintenant aux travaux de la délégation sur le projet de loi. Ses travaux se sont articulés autour de cinq grands thèmes de réflexion.
Le premier concerne les objectifs qui peuvent être fixés pour les outre-mer dans le cadre de la croissance verte. La délégation a noté que le projet de loi ne prévoyait pas d’objectifs chiffrés pour les collectivités ultramarines. Elle a donc déposé un amendement visant à rappeler l’objectif d’autonomie énergétique des départements d’outre-mer pour 2030 – objectif qui figurait déjà dans la loi Grenelle I – avec, comme objectif intermédiaire, 50 % d’énergies renouvelables en 2020 – 30 % pour Mayotte. Grâce à son amendement, cet objectif serait désormais inséré dans le projet de loi. Cependant, il convient d’affirmer ici fortement que l’objectif d’autonomie énergétique ne pourra être atteint que si la recherche se trouve mobilisée avec détermination sur les différentes technologies liées aux énergies nouvelles ; en particulier, comme la plupart des énergies renouvelables sont des énergies intermittentes, il y a lieu de mettre tout spécialement l’accent sur les procédés de stockage.
Il faudra aussi reconsidérer la norme prudentielle de 30 % posée par EDF comme limite pour l’injection des énergies renouvelables dans le réseau électrique général.
Le deuxième point concerne la valorisation de l’électricité photovoltaïque, ainsi que celle de la biomasse.
S’agissant du photovoltaïque, à part l’article 23 qui mentionne la possibilité pour EDF de verser des compléments de rémunération aux producteurs, le texte ne prévoit pas de mesures de soutien spécifiques. Pourtant, aujourd’hui, le système de défiscalisation a été supprimé et le tarif de rachat par EDF n’est pas très élevé, ce qui handicape la filière. Il serait donc souhaitable de prévoir la mise en place, sans tarder, d’un tarif de rachat plus attractif, seul moyen d’effectuer une relance réelle de la production.
Pour ce qui est de la biomasse, la bagasse utilisée à La Réunion et à la Guadeloupe pour produire de l’électricité – pour ne parler que de ce type de végétal – pose un réel problème. L’Union européenne prévoyant de supprimer les quotas de production pour le sucre en 2017, on risque d’assister à une chute de la production de la filière. Il est indispensable d’accroître l’aide issue du POSEI – le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité – pour les planteurs et d’améliorer les conditions de rachat par EDF de la bagasse utilisée par les producteurs d’électricité.
Le troisième point a trait aux expérimentations. Les articles 56, 58 et 59 du projet de loi prévoient en effet la réalisation d’expérimentations, au sein des collectivités locales, pour le développement des énergies renouvelables. C’est là une idée excellente. Il faudra s’assurer cependant que, sur la base d’articles de loi relativement ouverts, les décrets d’application n’en viennent pas à prévoir des protocoles trop complexes qui excluraient, de ce fait, les collectivités territoriales d’outre-mer. Il faudra aussi s’assurer que les expérimentations pourront être étendues à d’autres zones régionales, indépendamment de la France continentale. Ainsi, des expérimentations réunissant, par exemple, l’Afrique du Sud, La Réunion et Mayotte, ou encore le Canada et Saint-Pierre-et-Miquelon, ou bien les Antilles, Haïti, la Guyane et le Brésil pourraient être riches d’enseignements. Enfin, il convient de noter que la région de la Martinique est très désireuse de réaliser des expérimentations dans le domaine de l’énergie, sous l’égide de son conseil régional. Cela pourrait nécessiter une extension de l’habilitation du conseil régional à légiférer, habilitation visée à l’article 62 du projet de loi.
Le quatrième point consiste à donner à Mayotte une meilleure visibilité sur les composantes de sa future politique énergétique. C’est la raison pour laquelle la délégation a adopté, à mon initiative, une proposition visant à demander au Gouvernement une étude tarifaire concernant les productions électriques de Mayotte susceptibles d’être éligibles à la CSPE – la contribution au service public de l’électricité. Dans cette même étude, il lui serait également demandé d’établir une prévision des prix de revient correspondant aux différentes énergies renouvelables qui pourraient être développées prochainement dans ce département. J’espère, madame la ministre, que cette proposition recevra un accueil favorable de votre part.
Enfin, le dernier point de l’analyse de la délégation a trait aux collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution. Au cours de son examen du projet de loi, la délégation s’est aperçue qu’aucune mesure du texte – à l’exception de l’institution d’une programmation pluriannuelle de l’énergie pour Saint-Pierre-et-Miquelon prévue à l’article 61 – ne les concernait. Bien entendu, ces collectivités bénéficient de l’autonomie en matière environnementale. Cependant, sans une aide spécifique, du fait de la fragilité de leurs finances publiques, elles ne pourront pas appliquer dans le cadre de leur réglementation locale, même si elles le souhaitent, les prescriptions édictées par le projet de loi.
Par conséquent, il a paru souhaitable à la délégation que le Gouvernement prévoit un plan spécifique d’accompagnement pour la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna permettant à ces trois collectivités territoriales d’appliquer les principaux dispositifs du projet de loi et tendant, tout particulièrement, à les faire bénéficier de la CSPE pour leurs productions locales. Un amendement à l’article 63 quinquies a été déposé à cet effet.
Pour conclure, on peut dire que le climat, spécialement le climat tropical, n’a pas toujours aidé les outre-mer au cours de leur histoire. Mais aujourd’hui, avec la transition énergétique, nous pouvons assister à un retournement au terme duquel les rigueurs du climat seraient transformées, grâce à l’ingéniosité humaine, en énergies renouvelables.
Madame la ministre, les outre-mer comptent bien sur vous pour les accompagner dans le cadre de ce changement de paradigme. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et UDI.)