On a rarement vu sous la cinquième République celui-là même qui instruit le texte pour le compte de la majorité aller manifester sa solidarité envers ceux qui le contestent ! C’est tout de même fort de café !
Le temps de parole programmé en séance la semaine prochaine entraînera les mêmes dérives : nous n’aurons pas le temps de tout examiner correctement, et il n’y aura pas de deuxième lecture. Pourquoi nous bâillonner ainsi ? Quel fiasco ! Qu’avons-nous donc fait pour qu’il ne soit pas possible d’échanger sereinement autour d’un texte qui paraissait pourtant stratégique pour nous tous ? La transition énergétique ne saurait se réduire à un simple coup de communication. Tout cela commence décidément à devenir insupportable.
Depuis le début de nos débats, le groupe UDI s’était pourtant montré constructif, tentant de faire évoluer un texte qui lui paraissait bien fade. Revenons d’abord sur la dimension européenne. Après l’échec de Copenhague en 2009, le sommet climat de New York qui a eu lieu la semaine dernière semblait nous redonner enfin l’espoir de créer, un jour, une véritable politique climatique internationale commune. Dans cette perspective, la transition énergétique est devenue pour de nombreux pays un enjeu central, figurant la prochaine étape pour espérer construire un nouveau modèle énergétique durable et surtout innovant.
Dans ce contexte, la France doit absolument se positionner comme l’un des chefs de file de cette transition énergétique. À la veille de la Conférence sur le climat, qui aura lieu fin 2015 à Paris, la France et l’Union européenne devaient à nouveau montrer leur implication et afficher des ambitions fortes.
Comment ne pas rappeler que c’est grâce au Grenelle de l’environnement que la France a pu jouir d’un crédit de confiance non négligeable et être moteur dans les négociations, notamment européennes ? L’adoption du paquet climat-énergie de l’Union européenne en 2008, avec trois objectifs précis pour 2020, arrachés par la présidence française, en fut une illustration. Cela n’a pas été aisé. Que François Hollande fasse aussi bien, et nous en reparlerons !
La France a un rôle important à jouer dans l’élaboration d’une ligne européenne. Notre pays doit en effet continuer à être un modèle pour nos voisins européens. Alors que l’Union européenne s’est toujours positionnée en première ligne de l’action mondiale contre le réchauffement climatique, elle éprouve aujourd’hui de nombreuses difficultés à promouvoir des actions communes ambitieuses et durables. La controverse liée à la nomination du commissaire européen à l’énergie l’illustre, tout comme le recul sur la question essentielle du prix des quotas carbone.
Madame la ministre, tout le monde le dit, ce n’est pas votre texte qui va insuffler la volonté d’instaurer une politique énergétique européenne commune. La dimension européenne y a été totalement obérée, et nous aurions préféré débattre d’abord sur les moyens nécessaires à l’atteinte de nos objectifs de 2020, alors que tous les indicateurs décrochent, plutôt que nous fixer des ambitions d’autant plus importantes qu’elles sont lointaines. Pour résumer votre texte à la manière du président d’une grande organisation environnementale, c’est génial pour 2050, correct pour 2030 et ridicule pour ces prochaines années. C’est un peu comme si nous chevauchions une Harley Davidson avec un moteur de solex…
Nous devons créer un terreau favorable au développement d’une ligne européenne commune, et surtout montrer que nous savons mener cette transition énergétique réalisable et raisonnable. Alors que ce texte était l’occasion pour la France de redevenir le leader sur une problématique d’avenir, nous devons nous rendre à l’évidence : ce projet de loi est un grand rendez-vous manqué.
Madame la ministre, depuis 2012 s’est produit un coup d’arrêt terrible pour la croissance verte. Alors que le Président de la République a promis de verser un milliard de dollars au Fonds vert des Nations Unies, le groupe UDI vous demande de réorienter la fiscalité afin qu’elle ne soit plus perçue comme une seule contrainte mais redevienne un instrument puissant au service d’un grand intérêt commun : le développement apaisé de notre société.
Ce projet de loi plusieurs fois bâti et rebâti, construit et démoli, comporte aujourd’hui huit grands titres, ou plutôt huit petits titres, remplis d’objectifs ambitieux mais malheureusement bien éloignés des réalités. La plupart de ses dispositions resteront des chimères faute de financement suffisant, nous le savons tous. Chers collègues rapporteurs, je sais que vous êtes tous attachés à une véritable transition énergétique. Dans un an, demandez donc, comme notre Règlement le permet, à faire le point sur l’exécution de ce texte : vous verrez combien il y avait loin de la coupe aux lèvres.
J’en viens au fond. Dans le catalogue de bonnes intentions figure la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % d’ici 2030 : un bel objectif, totalement irréalisable et qui est aussi dangereux pour notre sécurité énergétique. La consommation énergétique ne va pas diminuer – ce texte fait d’ailleurs l’apologie des véhicules électriques. La progression des énergies renouvelables s’essouffle, et notre trajectoire nous mène plutôt vers 17 % d’énergies renouvelables en 2020, alors que nous nous étions fixé un objectif de 23 %. Quelle farce !
Le plafonnement de la capacité de production à son niveau actuel, soit 63 gigawatts, est évidemment prématuré. Pouvez-vous nous dire ce qui se passera lors du démarrage de l’EPR de Flamanville ? Selon les mesures inscrites dans le projet de loi, deux réacteurs devront fermer leurs portes, sans compter que la centrale de Fessenheim a maintenant de beaux jours devant elle, suite au rapport parlementaire qui révèle publiquement ce que tout le monde savait depuis longtemps.