Il ne s’agit pas de polémiquer inutilement. Je laisse cela à nos collègues de l’opposition. Toute la mauvaise foi du monde, qu’ils ont portée à un degré exceptionnel tout à l’heure, ne suffira pas à faire croire le contraire de la réalité : ce sont eux qui ont voté lors de la précédente législature le règlement qui a été appliqué, et pas nous.
Ce projet de loi dessine un constat. Il est le fruit d’une conviction et le signe d’une volonté politique forte. Je sais que vous voulez en séance, madame la ministre, rattraper cette journée particulière de la commission. Il devrait d’ailleurs réunir bien au-delà de tous les clivages politiques puisque nous sommes tous, ou presque, déterminés à prendre à bras-le-corps une révolution écologique et énergétique incontournable. Tous les rapports scientifiques le confirment : l’évolution du climat est préoccupante et appelle le renouvellement de nos modes de production et de consommation, de nos habitudes, de nos processus de décisions, de notre mode de construction, de transport et de production agricole.
Qu’il s’agisse des matières premières, de l’eau, de l’air, du carburant, ou du climat stable, le temps dans la croyance des ressources infinies et renouvelées est bel et bien terminé. Notre société fondée sur l’exploitation des ressources fossiles, où, depuis cinquante ans, les besoins énergétiques ont été multipliés par quatorze, a fait son temps. Les alertes se multiplient, à la fois sur les conséquences économiques et sociales de l’après-pétrole, sur l’impossibilité pour les grands pays émergents de fonder leur croissance sur le même modèle ou sur la responsabilité des pays industriels de montrer l’exemple. Crises alimentaires, problèmes de ressources en eau, étalement urbain, augmentation constante de la production des déchets, nouvelles migrations climatiques… Face à tous ces défis, il serait complètement irresponsable de continuer seulement à accompagner le changement.
Pour y répondre, madame la ministre, le projet de loi que vous soumettez à notre examen avance des objectifs avec des chiffres ambitieux et volontaristes. Le groupe RRDP approuve globalement ses grandes lignes, la décarbonation de l’économie, l’adoption de mesures concrètes pour faire face aux changements climatiques, la réduction de la facture énergétique. Mais permettez aux députés qui ont un peu d’ancienneté dans la maison d’être prudents face à des horizons de moyen et long terme… Nous n’en sommes pas à notre premier projet de loi ambitieux, et pour donner un seul exemple, nous proposerons un amendement pour mettre en place en 2019 la tarification incitative pour l’enlèvement des déchets. Savez-vous que cette disposition est inscrite dans l’article 46 de la loi du 3 août 2009 et qu’elle devait s’appliquer au plus tard le 4 août 2014 ? Nous ne comptons plus les lois qui se révèlent au final un catalogue de déclarations de bonnes intentions.
Les questions qui se posent sont toujours les mêmes : comment allons-nous évaluer, contrôler et surveiller concrètement les évolutions, et comment pourrons-nous ajuster les mesures pour se rapprocher des trajectoires prévues ? Le risque est réel pour ce projet de loi, et pour le limiter, nous tenterons d’apporter des améliorations au cours de nos débats, par exemple sur la collecte des données. Nous proposerons ainsi plusieurs amendements visant à fixer des seuils intermédiaires par décret. Beaucoup d’autres sujets appellent des améliorations et nous avons déjà effectué de nombreux progrès en commission.
S’agissant de la micro hydro-électricité, je tiens à remercier Marie-Noëlle Battistel, notre rapporteure experte du sujet – et ma voisine de circonscription qui turbine de chez elle l’eau qui part de mes sources – car plusieurs amendements communs ou similaires aux nôtres ont été adoptés sur la révision du classement des cours d’eau ou encore sur la prise en compte de la spécificité des installations modestes. Nous allons dans le bon sens, même s’il reste quelques points à préciser que nous aborderons par voie d’amendements.
Au sujet de la précarité énergétique, qu’il s’agisse du chèque énergie, de l’extension de la trêve hivernale pour l’énergie, harmonisée sur la trêve hivernale du locatif, des tarifs sociaux, et notamment de l’installation du compteur déporté – et vous pouvez compter sur nous pour proposer de l’étendre à tout le monde ! – ou encore des précisions et de l’ajout de la mention « sans coût excessif », nous avons déjà adopté en commission des amendements importants, dont plusieurs émanant des radicaux, qui nous ont fait beaucoup progresser. Mais de nouveau, comptez sur nous, madame la ministre, pour vous aider à aller un peu plus loin au cours de nos débats.
Concernant les déchets, le débat fut intense et nous nous félicitons de la réécriture de l’article 19. Il nous reste encore des progrès à accomplir pour lutter contre le tri mécano-biologique et pour instaurer une responsabilisation et une tarification incitative. Les amendements que nous présenterons, madame la ministre, pourraient nous faire passer un cap dans la politique de lutte contre l’augmentation des déchets.
Au sujet du bâtiment, la rénovation thermique est une vraie question : en l’état actuel du texte, nous risquons de financer beaucoup de rénovations limitées au détriment des consommateurs et des deniers publics. Aujourd’hui, les travaux de rénovation ou de construction se fondent sur des calculs théoriques de performance énergétique exprimés en énergie primaire et la prise en charge des défauts d’économies d’énergie n’est assurée par aucune des parties prenantes. Nous proposerons donc des amendements pour mettre en place un système assurantiel simple, aux risques limités, combiné avec une opposabilité sur les allégations mentionnées sur les performances et le retour sur investissement. Cela permettrait de responsabiliser et de rassurer l’ensemble des acteurs pour prévenir les risques de contournement et pour garantir la qualité de la rénovation thermique.
Enfin, nous vous proposerons de consolider et de compléter les amendements radicaux adoptés au sujet du gaspillage d’énergie lié à une surconsommation de l’éclairage extérieur. C’est une question importante, qui nous permettrait d’économiser plus de 3 milliards de kilowatts-heure, facilement et sans aucune conséquence pour nos concitoyens. L’éclairage public représente dans le budget des communes 20 % de la facture globale d’énergie et 38 % de la facture d’électricité, et 48 % de la consommation électrique des collectivités locales en kilowatts-heure. Le potentiel d’économies budgétaires varie de 25 % à 50 %. En France, près de 7 milliards de kilowatts-heure sont utilisés pour l’éclairage extérieur.