Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues de l’Assemblée, « La transition énergétique pour une croissance verte », tel est l’intitulé du projet de loi que nous avons à examiner. L’objectif à atteindre est clairement défini. Tout le corps du texte est truffé de recommandations-sommations tels que « maîtriser et ne pas induire d’augmentation des émissions de gaz à effet de serre ». Madame la ministre, vos récentes déclarations sont venues conforter en tout point votre démarche toujours rectiligne. C’est ma première remarque.
Ma deuxième remarque porte sur un constat et une accusation. Le constat : la Martinique se classe au dernier rang de la production d’énergies renouvelables. En effet, son taux de dépendance aux énergies fossiles avoisinerait les 96 %. Dès lors, tout nouveau projet remplaçant une énergie fossile par une autre énergie fossile n’est certainement pas la solution à retenir. Les coupables désignés sont les collectivités, qui n’auraient pas été suffisamment réactives, vigilantes et audacieuses. C’est une accusation sans fondement. J’en donnerai un seul exemple, parmi tant d’autres : le projet de production d’électricité à partir de l’énergie thermique des mers. C’est suite à un appel d’offres international, lancé par le conseil régional de l’époque, que ce projet a vu le jour. Le promoteur Nicholson s’était engagé, documents à l’appui, à produire, gratuitement dans un premier temps, les dix premiers mégawats. Mais le gouvernement et EDF ont mis leur veto ! Le promoteur a dû plier bagage. Que ce dossier, qui avait été torpillé – pas par vous, madame la ministre ! – soit repris aujourd’hui, je ne peux que l’approuver, mais à condition que les résultats soient probants et pas prohibitifs.
Il existe un second projet, baptisé « mix énergétique biomasse-charbon » : celui-là est, par contre, un leurre et une aberration. Tous les documents officiels que j’ai consultés expriment de la réserve, voire de la méfiance à son sujet. Je rappelle que le rapport d’enquête public précise que « le charbon sera le principal combustible de cette unité de co-génération. » Voilà un déni de logique d’autant plus malvenu que son lieu d’implantation, et donc d’émissions de gaz mortifères, se trouve sur la trajectoire des vents alizés soufflant de la côte vers l’intérieur des terres. On ressuscite un projet qui avait déjà été recalé. Il serait dommage de soutenir un projet aussi… dommageable. Comment peut-on vouloir classer cette mixture délétère dans la catégorie des énergies renouvelables ?
Madame la ministre, le show médiatique donné par les porteurs de ce projet lors de votre visite en Martinique était consternant. Vous êtes une personne avisée : je veux donc croire que l’on a cherché à abuser de votre bonne foi.
Ce projet n’est même pas amendable, il avance à reculons. Le maintenir serait donner un coup de chaud supplémentaire à la planète au moment où les effets dévastateurs du réchauffement sont déjà visibles.
Ma troisième remarque concerne l’affirmation selon laquelle les outre-mer, étant des zones non interconnectées, souffriraient de ce fait d’un handicap majeur pour lequel il n’existerait pas de solution. Mais non interconnectées par rapport à quoi ? Là encore, une telle vision fait l’impasse sur les projets destinés à développer la géothermie avec nos voisins de la Caraïbe, par exemple avec la Dominique, île qui possède une indéniable potentialité en ce domaine.
La France s’était engagée puis s’est retirée. Elle s’est réengagée puis s’en est allée définitivement, portant ainsi préjudice au projet d’interconnexion électrique qui desservirait par câbles sous-marins la Guadeloupe et la Martinique.
D’autres pays se sont donc mis sur les rangs. La Nouvelle-Zélande vient ainsi de signer avec la Dominique et aussi avec Sainte-Lucie, autre île voisine, des accords de coopération en matière de géothermie.
Au nom de quel principe ou de quel dogme devrions-nous pour notre part rester recroquevillés sur nous-mêmes ?
Avant de conclure, je voudrais à nouveau appeler votre attention sur les zones économiques exclusives. Ces fameuses ZEE restent complètement occultées dans le débat, alors que, dans un document intitulé « Le défi maritime français », le Président de la République a souligné la volonté de la France de faire de la mer un enjeu majeur de la croissance économique.
Je réitère donc ma proposition du 12 juin 2012 en faveur d’une redistribution des responsabilités et des richesses et d’un développement endogène.
À cet effet, et au moment même où nous opérons une « transition institutionnelle » vers la future collectivité de Martinique, je propose que les compétences définies par les articles L. 611-31 et L. 611-32 du code minier soient étendues bien au-delà du domaine public maritime et qu’elles concernent également la ZEE de la Martinique.
Martinique « île durable », telle est l’intention affichée. Pour la concrétiser, pour qu’elle soit une chance, comme vous l’avez martelé, madame la ministre, encore faudrait-il faire preuve de la cohérence appropriée.