Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, je voudrais tout d’abord souligner combien il était pertinent d’installer une commission spéciale pour examiner un texte qui, à l’évidence, couvre un champ beaucoup plus large que celui de telle ou telle de nos commissions permanentes. Je souhaite ensuite remercier les rapporteurs et le président pour l’écoute et la disponibilité dont ils ont fait preuve au cours d’un débat auquel les délais impartis ont donné une particulière intensité. Je veux enfin mettre en exergue l’aspiration, de la part de nos concitoyens, à un débat de fond sur la transition énergétique.
Ce débat de fond est d’ailleurs revendiqué sur tous les bancs de notre assemblée, même si les efforts pesants de certains de nos collègues pour faire durer l’expression de leur attente nuit quelque peu à leur sincérité. Mais je vois qu’ils nous ont quittés ; espérons que la nuit réparatrice leur portera conseil.
Madame la ministre, le texte qui nous est présenté suite aux travaux de la commission a un caractère à la fois stratégique et pragmatique. Il offre une opportunité politique exceptionnelle, celle de faire partager à l’ensemble de nos concitoyens les enjeux de la transition, en permettant à chacun d’en apprécier les effets concrets dans la vie quotidienne, par exemple en matière de logement ou de transport.
Ces mesures auront un impact vertueux sur le climat, mais aussi un effet favorable en termes de pouvoir d’achat. Comment mieux faire toucher du doigt par chacun l’intérêt d’un engagement collectif en faveur de la transition ?
J’insisterai aussi sur le rôle que le projet donne aux collectivités. Leur intervention est en effet essentielle pour prendre les mesures opérationnelles les plus adaptées à chaque contexte et consolider la mobilisation de tous les acteurs porteurs d’initiatives pour une nouvelle croissance.
Je l’ai dit, ce texte a un double aspect. Permettez-moi d’appeler votre attention sur deux points qui me tiennent à coeur et relèvent à l’évidence de son volet pragmatique.
Le premier concerne les carburants renouvelables issus de la production agricole. Le texte proposé indique clairement que le développement de ces produits ne doit pas avoir lieu par extension des surfaces agricoles affectées à des cultures dédiées. Cela me paraît tout à fait pertinent pour éviter des dérives.
Cependant, je souhaiterais que vous puissiez me confirmer que la rédaction qui nous est soumise permet bien de poursuivre la valorisation de certaines cultures de protéagineux présentes dans les assolements actuels aux côtés des céréales.
Ces cultures telles que le colza, très présentes dans ma circonscription, étaient autrefois destinées à la production d’huile alimentaire, avec un résidu protéique que l’on valorisait comme on pouvait. Désormais, elles s’orientent prioritairement vers la production de protéines alimentaires, et l’huile devient un sous-produit dont la valorisation industrielle, sous forme de carburant par exemple, est indispensable pour l’équilibre économique de la filière.
J’ajoute que le développement de la production de protéines végétales est un moyen de lutter contre la dépendance de notre pays aux importations de soja, souvent génétiquement modifié.
Il est donc nécessaire de favoriser la valorisation industrielle de ce sous-produit, qui me semble correspondre à la rédaction adoptée, et qui permettrait de faire progresser la recherche sur les carburants avancés, sans toutefois remettre en cause les investissements déjà consentis. L’enjeu est important pour nos campagnes et notre agriculture.
Le second point concerne le rôle de la biomasse, en particulier forestière, dans le développement des énergies renouvelables et la transition énergétique.
Comme vous le savez, cette ressource représente 60 % du futur mix énergétique hors électricité, soit presque la moitié du total – sachant que l’électricité, dont nous parlons beaucoup, ne représente, tout compte fait, que 20 % du problème.
Quant à la biomasse issue de la forêt, elle représente la moitié du potentiel de cette source d’énergie. L’enjeu est donc considérable. Or pour s’assurer que la biomasse forestière sera disponible de façon durable et respectueuse des diverses fonctions environnementales et sociales exercées par la forêt, il faut investir.
Oui, madame la ministre, il faut replanter, favoriser les régénérations naturelles, éclaircir, conduire les peuplements, cloisonner les exploitations pour éviter le tassement anarchique des sols, empêcher les dégâts causés par le gibier, desservir les massifs par des voies adaptées – car, à défaut, nous concentrerons les prélèvements sur des zones restreintes, au risque de rompre les équilibres nécessaires et d’aviver les conflits d’usage entre bois énergie et bois d’oeuvre.
La forêt publique et privée peut contribuer largement à la transition énergétique. Les montants nécessaires ne sont pas hors de portée, car la forêt rend largement les soins qu’on lui prodigue.
Compte tenu de la contribution majeure de la biomasse forestière à la transition énergétique, il me semble donc cohérent d’affecter à l’investissement en forêt une part du produit de la vente des quotas carbone et une part du fonds chaleur.
Je souhaite également que, par des mesures fiscales appropriées, l’épargne privée de long terme puisse contribuer à des investissements profitables à la forêt.
Je sais, madame la ministre, que ces questions relèvent en partie de la loi de finances, mais compte tenu de leur importance, il n’est jamais trop tôt pour les évoquer.
Je compte donc sur votre engagement et votre appui pour que dès 2015, année de la conférence de Paris sur le climat, de nouvelles orientations permettent de dynamiser l’investissement en forêt, au bénéfice de la lutte contre le dérèglement climatique et de la transition énergétique. Shakespeare nous l’avait dit : la mise en mouvement de la forêt annonce toujours des événements marquants !