Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte est l’aboutissement d’un dialogue renforcé avec tous les acteurs de la mutation énergétique et de la croissance verte : les associations, les entreprises, les scientifiques, les élus locaux, les organismes consultatifs. Je tiens à saluer le travail de concertation qui a été fait et la volonté d’impliquer la société civile dans ce vaste débat : c’est suffisamment rare pour être signalé.
Il était indispensable d’engager notre pays dans une transition énergétique durable, pour notre écologie, notre santé, notre climat. Mais cette transition ne peut se faire sans le développement de notre économie. Pour nous, le groupe RRDP, il n’y a pas l’environnement d’un côté et l’économie de l’autre, mais un développement conjoint : l’un ne va pas sans l’autre. Tel est l’objectif que nous devons nous assigner.
À ce propos, je tiens à signaler aux collègues de l’opposition que, d’après une étude d’Harris Interactive publiée le 30 septembre, 74 % des chefs d’entreprise français considèrent que la transition énergétique aura un impact positif sur la croissance et l’ouverture de nouveaux marchés.
Le texte prévoit de plafonner la capacité nucléaire à celle actuellement installée, soit 63,2 gigawatts, d’augmenter d’un tiers la part des énergies renouvelables et de réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Il vise en outre à améliorer la transparence des prix de l’énergie, à soutenir activement la recherche, l’innovation et la diversification des sources d’approvisionnement en énergie, et comporte de premières aides financières à la baisse de la consommation énergétique. Qui peut être contre des orientations aussi raisonnables ?
N’oublions pas que l’énergie la moins chère est celle qui n’est pas consommée. Peut-être serait-il judicieux de lancer une vaste campagne de sensibilisation sur le sujet, sur le modèle de « la chasse au gaspi » des années 1970. Appeler nos concitoyens à la sobriété, c’est vouloir non pas la décroissance, mais une autre croissance, qui ne reposerait pas essentiellement sur l’énergie fossile et le nucléaire. Voilà des propositions qui nous semblent très raisonnables.
Il y a certes des points qui font débat, ou qui, du moins, posent problème sur la forme. Sans revenir sur ce qu’a dit Joël Giraud, nous avons ainsi le sentiment que nous sommes passés à côté des débats de fond, et c’est dommage : débat sur la motivation climatique, avec les impératifs de décarbonation, mais aussi remise à plat de l’ensemble de notre modèle énergétique, dans ses différentes composantes, techniques, économiques et sociales.
Et puis, comment est-il possible que nous ne puissions pas aborder la question du nucléaire plus largement et en toute transparence, tant en commission qu’en séance publique ? J’estime pour ma part que notre assemblée devrait engager un débat sur le sujet : nous ne pouvons laisser cette question sans réponse. Il est de notre responsabilité d’élus de faire face aux défis du futur de façon sereine et apaisée sur des aspects aussi essentiels.
Bien évidemment, vu la façon dont s’engage la discussion, je mesure la difficulté de la tâche ! Il conviendrait que nous changions les uns et les autres de logiciel, de manière à obtenir la sérénité indispensable à ce débat.
Je regrette que notre collègue Julien Aubert soit parti, car la remarque suivante l’aurait intéressé. Comment peut-on vouloir engager à nouveau le débat sur les gaz et huile de schiste ? Pourquoi demander l’exploration de ces ressources ? L’exemple américain devrait nous en dissuader : hier considérée comme le moteur de la croissance américaine, l’économie des hydrocarbures non conventionnels s’essouffle aujourd’hui – à tel point que les gisements sont remis en cause –, sans compter les dégâts écologiques et sociaux.
Je salue donc, madame la ministre, la position que vous avez réaffirmée ce week-end. J’aimerais cependant avoir quelques précisions sur les permis de recherche accordés pour des zones situées dans le sud de l’Aisne, particulièrement à Château-Thierry.
J’aborderai à présent le sujet de l’agriculture, qui est trop souvent vue comme une source problèmes et de contraintes, alors que c’est la seule activité qui combine à la fois des emplois non délocalisables et la possibilité de solutions structurelles aux enjeux environnementaux : stockage du carbone, maintien de la fertilité des sols, gestion des eaux, préservation de la biodiversité. Elle garantit en outre l’autonomie alimentaire de la nation, maintient la vitalité économique de nos campagnes, et contribue positivement à la balance commerciale.
Certains de nos amendements ont d’ores et déjà été adoptés en commission spéciale, mais nous devons aller plus loin. C’est pourquoi notre groupe a déposé des amendements visant à reconnaître l’agriculture comme un véritable partenaire de la transition énergétique, et non comme un frein.
Nous devons aussi tirer les enseignements des expériences menées à l’étranger. Ainsi, au-delà de l’obligation d’effectuer des travaux de rénovation, ce qui compte avant tout, c’est l’exigence de résultat. Je suis intervenu en commission sur ce sujet : il ne faut pas se focaliser sur les moyens, mais porter aussi attention à l’exécution et au contrôle des travaux effectués par des professionnels. Nous devons aussi veiller à l’articulation entre la réglementation thermique applicable aux logements existants et aux logements neufs. C’est pourquoi il est nécessaire de renforcer et de favoriser encore davantage les travaux de performance énergétique lors de la rénovation générale du bâtiment. C’est ce que nous faisons dans mon territoire, à Château-Thierry et dans le sud de l’Aisne : nous réhabilitons le coeur de ville ancien, mais aussi des bâtiments qui, bien que récents, sont déjà vétustes et sont de vraies passoires énergétiques. C’est surtout le cas dans l’habitat collectif : les bailleurs publics ont souvent des difficultés à effectuer ces travaux de rénovation.
Oui, il faut rénover nos villes d’une manière durable, grâce à la récupération des fluides, à l’installation de panneaux photovoltaïques, et la création de réseaux de chauffage. À ce sujet, nous sommes intervenus auprès de vos services, madame la ministre, pour dire que ces réseaux de chauffage ont des aspects vraiment sociaux et écologiques. Mais leur emploi dépend de la façon dont nous allons mettre en place la filière biomasse sur le territoire. Nous devrions soutenir financièrement le développement de ces filières locales, faute de quoi nous manquerions une occasion de créer de nouveaux emplois.
Pour réaliser ces travaux, les collectivités ont besoin d’aide, en fonction du niveau de performance atteint. N’oublions pas que la réussite économique et sociale de la transition énergétique, à moyen comme à long terme, dépend de l’adéquation des outils de financement aux besoins d’investissement. Nous savons tous que la sphère publique n’a plus les moyens de financer seule la transition énergétique. Nous devons donc attirer des financements privés, et pour cela, nous avons besoin de règles claires et stables. Il faut encourager les initiatives du marché. Les investisseurs se mobilisent autour des « obligations vertes » : comment l’État compte-t-il accompagner ce mouvement ? Comment s’assurer que ces « obligations vertes » financent bien des projets liés à la transition énergétique ?
Annoncé comme l’un des projets de loi les plus importants du quinquennat, ce texte fait le choix de ne pas opposer les énergies les unes aux autres, mais d’organiser leur complémentarité, et de veiller à leur sobriété. Cela nous semble être un atout majeur. Cependant, si des objectifs chiffrés volontaristes sont nécessaires, l’expérience – cela a été dit tout à l’heure à propos du Grenelle de l’environnement – incite à la prudence, que ce soit pour les objectifs de long terme, de moyen terme, et même de court terme.
Le groupe RRDP – et notamment mon collègue Joël Giraud – a été très fortement impliqué tout au long des cinquante heures de débat en commission spéciale, malgré le rythme imposé.