Intervention de Denis Baupin

Réunion du 30 septembre 2014 à 15h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Baupin :

Malgré votre modestie, monsieur Abadie, vous semblez parfaitement connaître l'établissement et vous avez bien résumé les défis essentiels auxquels il fait face. Je me réjouis que vous ayez mentionné l'enjeu souvent oublié des matières radioactives disséminées sur le territoire ; en effet, les missions de l'ANDRA – dont le groupe écologiste salue la compétence des équipes – ne se résument pas au seul projet CIGEO.

La mission qui vous incombe apparaît quasiment impossible dans la mesure où il s'agit d'essayer de faire croire, à la population, à la résolution d'un problème auquel on n'a toujours pas, quarante ans après le lancement du programme nucléaire, trouvé le moindre début de solution. Loin de traiter les déchets, nous nous apprêtons à creuser un grand trou pour les y enfouir le plus profondément possible en espérant qu'ils ne remontent jamais à la surface. Procéder de cette manière pour les déchets chimiques serait considéré comme contraire à tout principe de précaution et à toute forme d'éthique. Il suffit d'imaginer ce qui se passerait si tous les pays du monde imitaient notre exemple pour enfouir les déchets polluants dans la croûte terrestre, les laissant aux bons soins des générations futures.

Mme Marie-Claude Dupuis a reconnu devant la commission d'enquête sur les coûts de la filière nucléaire que le projet CIGEO n'était pas mûr ; le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a également confirmé, devant la commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique, que l'inventaire des déchets qui devraient être stockés dans le cadre de CIGEO restait à effectuer. Le projet – qui s'étend sur un siècle et demi – doit être capable d'évoluer pour pouvoir prendre en charge des combustibles usés issus des réacteurs si jamais un pouvoir politique décidait d'arrêter le retraitement. Les capacités de stockage prévues par le programme ne valent d'ailleurs que si l'on fait fonctionner les réacteurs jusqu'à quarante ans ; en cas de prolongement de leur durée de vie, la taille de CIGEO posera problème.

Depuis le rapport de la Cour des comptes de 2012, le coût de ce projet reste inconnu, variant du simple au double entre l'évaluation de l'ANDRA et celle des producteurs. À ce jour, ces derniers – EDF, mais également Areva et le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) – ont provisionné dans leurs comptes le coût le plus bas, qui s'élève à 14 et non à 28 milliards d'euros. Si l'on dépasse ce montant, qui paiera la différence ? Plutôt qu'au contribuable ou aux générations futures, cette tâche devrait légitimement nous incomber à nous, consommateurs, responsables de ces déchets. Il faut donc pouvoir évaluer précisément le coût de cette facture. La loi prévoit enfin la récupérabilité des déchets ; la procédure n'a pourtant pas été définie et le législateur devra s'y attacher.

Si, comme l'a affirmé Bertrand Pancher, son territoire était d'accord pour accueillir CIGEO, il s'agissait à l'époque d'y construire un laboratoire et non un site de stockage de déchets radioactifs. La population ne s'est jamais déclarée volontaire pour devenir la poubelle de la France.

À l'issue de la phase pilote – instaurée par le débat public – qui verra la recherche se poursuivre, le site d'enfouissement devenant pour cette période une sorte de laboratoire à taille réelle, le pouvoir politique devra se prononcer sur l'avenir du projet. Les parlementaires sont très attentifs au problème des déchets radioactifs et c'est à eux que reviendra la décision finale de créer ou non CIGEO.

Dans son rapport adopté à la majorité, la commission d'enquête sur les coûts de la filière nucléaire préconisait de mener, en parallèle des études sur l'enfouissement des déchets, une recherche sur l'entreposage en subsurface – à vingt ou trente mètres au-dessous du sol –, qui rend les déchets beaucoup plus accessibles. Que pensez-vous de cette recommandation ?

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