Sur le premier point, s'il fallait faire une seule réforme, ce serait à mon avis celle de l'impôt sur les sociétés dont sont redevables les PME, à la fois urgente et simple – je ne parle pas ici de ses conséquences sur le budget de l'État. Il faudrait diminuer notablement le taux de l'IS pour l'amener à un niveau comparable à celui qui est en vigueur dans les grands pays industriels, soit environ 25 %. C'est l'essentiel car les PME sont dépourvues des moyens des grands groupes, mais ce sont elles qui forment le tissu industriel français. Contrairement à ce que l'on croit parfois, elles ne délocalisent pas leurs profits pour des raisons fiscales : leurs motivations sont principalement industrielles. Une telle réforme satisferait beaucoup d'entrepreneurs.
Il y aurait évidemment beaucoup à faire par ailleurs. Voici quelles pourraient être les autres priorités.
S'agissant des plus-values des particuliers, la grande difficulté est l'application de la CSG. Celle-ci constitue une imposition de toute nature puisqu'elle possède toutes les caractéristiques d'un impôt, abstraction faite de son affectation. En revanche, les règles d'abattement qui s'appliquent aujourd'hui à l'imposition à l'impôt sur le revenu des plus-values réalisées par les particuliers lors de cessions de valeurs mobilières ou de droits sociaux, mais aussi des plus-values immobilières, ne valent pas pour les prélèvements sociaux. Cela suscite une certaine incompréhension.
Par ailleurs, aux termes de l'article 4 B du code général des impôts, l'un des critères pour être domicilié fiscalement en France est d'y avoir le centre de ses intérêts économiques. Autrement dit, une personne qui serait dans cette situation alors qu'elle quitte le pays – sans que ce soit nécessairement pour des raisons fiscales – a toutes les raisons d'être exposée à un contrôle fiscal tendant à remettre en question son changement de résidence. Cela décourage le réinvestissement dans l'activité économique.
Il est exact que les chefs d'entreprise qui consultent mon cabinet sont plus nombreux qu'auparavant, notamment ceux qui souhaitent développer leur activité et se demandent s'ils doivent créer leur structure en France ou à l'étranger. La question se pose d'autant plus que dans le monde actuel il est assez facile de travailler à partir de n'importe quelle structure, dans n'importe quel pays.
Si l'ISF ne pose pas à mon sens un véritable problème financier, c'est qu'il existe bien des moyens de le contourner et que, pour beaucoup, le montant en jeu est relativement peu significatif. On le voit lors des contrôles fiscaux. Voilà pourquoi j'ai pu dire que sa portée était plutôt psychologique. En revanche, il peut être considéré comme néfaste dans la mesure où il suscite une forme de gesticulation du législateur : ne pouvant, pour des raisons politiques, y mettre purement et simplement fin, celui-ci crée divers mécanismes d'abattement ou d'exonération plus complexes les uns que les autres, qui sont mal interprétés et peuvent, contre son intention, susciter le recours à des schémas de fraude fiscale. On l'a vu à propos du bouclier fiscal. En outre, les services fiscaux passent un temps considérable à gérer les contrôles en matière d'ISF, car la jurisprudence sur la valorisation des biens conduit l'administration à faire appel, à juste titre, à divers comparables, ce qui est très long et fastidieux. Les contrôles eux-mêmes sont assez complexes, pour des montants en définitive très bas. Bref, pour un effet fiscal plutôt faible, l'ISF est un impôt assez « polluant ».
Pour ma part, je n'ai pas de position arrêtée sur l'opportunité d'y mettre fin, mais les entrepreneurs en parlent systématiquement et le sujet devient très prégnant lorsque l'on aborde l'éventualité d'une stricte redéfinition des notions de biens professionnels et de holding animatrice. C'est souvent en expliquant à nos clients que cette dernière notion est pérenne et les protège que l'on parvient à les dissuader de quitter le pays lorsqu'ils projetaient de le faire à cause de l'ISF. Ils nous objectent volontiers que la loi française change sans cesse mais, sur ce point du moins, les faits semblent parler en notre faveur. De sorte que si le projet d'instruction fiscale tendant à en définir les contours devait se concrétiser, cela provoquerait très vraisemblablement des départs.