La jeune bénévole de MSF est hospitalisée à l'hôpital Bégin. Son état de santé s'améliore et nous sommes confiants.
Depuis la découverte du virus Ebola en 1976, au Soudan, une trentaine d'épidémies ont été identifiées dans sept pays d'Afrique subsaharienne. L'épidémie la plus importante avant celle que nous connaissons aujourd'hui, est celle qui a touché l'Ouganda en 2000, avec 425 cas recensés et 200 morts.
Au printemps 2014, une épidémie de maladie à virus Ebola a été détectée en Guinée, grâce à l'expertise du centre national de référence de Lyon, le laboratoire de haute sécurité de niveau 4 Inserm-Pasteur. Le point de départ de l'épidémie, ce que l'on appelle le « cas index », pourrait être un enfant atteint dans la région de Gueckedou, dès décembre 2013, après avoir consommé des chauves-souris.
Désormais, nous avons à combattre une épidémie massive et inédite, qui a déjà touché près de 7 000 personnes et fait plus de 3 000 morts. C'est plus que toutes les épidémies précédentes et davantage que lors des épidémies de grippe aviaire et de coronavirus. Nous sommes aujourd'hui à un moment clé, confrontés à une épidémie d'une gravité exceptionnelle, qui progresse désormais de manière exponentielle : 150 cas par jour, 20 000 malades possibles d'ici à la fin octobre, 60 000 décès qui pourraient survenir dans les prochains mois. Une urgence de santé publique internationale a été décrétée le 8 août dernier.
Ebola est un virus de catégorie 4, donc à risque maximal : un malade diagnostiqué porteur du virus fait l'objet d'un signalement à l'Organisation mondiale de la santé dans les vingt-quatre heures, en application du Règlement sanitaire international. Le sous-type à l'origine de l'épidémie actuelle est le plus virulent. Le réservoir naturel du virus est mal connu ; il pourrait s'agir de chauves-souris ou de déjections infectieuses contaminant d'autres animaux de la forêt tropicale, notamment des mammifères comme les grands singes, chimpanzés et gorilles.
Le virus est transmis par contact direct avec le sang, les tissus ou les liquides biologiques – vomissement, diarrhée, urine – de personnes infectées, notamment lors des rites funéraires. Ces derniers ont un rôle particulièrement important dans la propagation de la maladie, car il est extrêmement difficile, pour des raisons culturelles, d'empêcher qu'ils soient pratiqués. Le virus se transmet également par la consommation de viande de brousse, d'animaux infectés.
Il n'y a pas de transmission respiratoire chez l'homme ; il y a donc peu de risque de contracter le virus lors d'un voyage en avion. L'incubation est de deux à vingt et un jours : durant cette période, le malade n'est pas contagieux. La contagiosité apparaît avec les symptômes et augmente avec le temps et la gravité des signes, lorsque surviennent vomissements et hémorragies.
La létalité observée est très élevée : plus de 50 %, avec des variations assez fortes selon les pays. Il n'existe ni vaccin ni traitement curatif antiviral efficace et disponible. Néanmoins, le traitement symptomatique, dès lors qu'il est administré en urgence, permet de réduire significativement la mortalité. Ce traitement comprend des soins intensifs, une réhydratation adaptée et une surveillance rapprochée. Des traitements expérimentaux sont actuellement testés pour être utilisés dès que possible.
L'épidémie peut être maîtrisée. Elle touche une vaste région peuplée, démunie et à très faible densité médicale. Le risque de propagation aux pays limitrophes est élevé. Il faut composer avec une difficulté majeure d'accès aux soins, un système de surveillance très insuffisant et une capacité de réponse modeste. En effet, de nombreux points faibles sont identifiés : les infrastructures sanitaires et la capacité à tracer les cas contacts sont très insuffisantes, en particulier au Liberia et en Sierra Leone mais aussi en Guinée forestière ; le tri et l'orientation des patients sont inefficaces, tout comme le suivi des cas contacts ; il n'y a pas suffisamment de coordination, de formation des personnels et d'évaluation, puisqu'il n'existe aucune base de données centralisée ; le nombre de centres dédiés au traitement est insuffisant ; les équipes manquent de matériel d'hygiène : il n'y a, par exemple, pas de gants dans les hôpitaux publics au Liberia ; les professionnels de santé sont épuisés et très exposés – on recense parmi eux 395 cas de contamination et 211 décès –, et refusent de plus en plus de travailler dans ces conditions. J'ajoute ici que la situation devient également problématique pour les autres malades qui, soit contractent la maladie à l'hôpital, soit refusent désormais de s'y faire soigner. Il faut enfin souligner, d'une part, que les échanges transfrontaliers sont nombreux et les contrôles à l'embarquement encore insuffisants, d'autre part, que les mesures prises sont parfois contestées par les communautés traditionnelles.
Il faut donc accepter les mesures fortes de confinement de la zone touchée pour réduire les contacts et éviter la dispersion des foyers épidémiques. Il faut également isoler strictement les personnes malades et suivre au quotidien celles qui ont été en contact avec des malades, pendant trois semaines. Il faut également informer les populations des modes de transmission, car de nombreuses fausses rumeurs circulent. Il faut enfin mettre fin aux rituels funéraires à risque en organisant des inhumations rapides par des équipes formées et protégées.
La communauté internationale se mobilise car, comme l'a souligné le Président de la République, seule une très forte mobilisation internationale permettra la maîtrise de l'épidémie. Un centre opérationnel de crise pour l'Organisation des nations unies a été mis en place, sous la coordination du Dr David Nabarro, que j'ai déjà rencontré à deux reprises. Des moyens importants sont nécessaires : environ 1 milliard de dollars ainsi que 1 000 experts et 1 000 lits supplémentaires, selon l'ONU et l'OMS.
L'OMS a installé un poste de commandement à Conakry, et sa directrice générale, le Dr Chan, a rencontré les quatre chefs d'État de Guinée, de Sierra Leone, du Liberia et du Nigeria, même si, dans ce dernier pays, l'épidémie est aujourd'hui sous contrôle. Ils ont tous décrété l'état d'urgence sanitaire, et un cordon sanitaire a été mis en place autour de l'épicentre de l'épidémie, qui concentre 70 % des cas. Par ailleurs, les points d'entrée et de sortie du territoire sont davantage contrôlés.
L'OMS n'a jamais recommandé de restriction des voyages ou des échanges. Un filtre médical à l'embarquement, partiellement efficace, a été mis en place en avril. Face à l'aggravation observée, plusieurs compagnies aériennes ont suspendu leurs vols. La France, l'Allemagne et les États-Unis déconseillent les voyages non indispensables vers les pays touchés.
L'OMS demande l'envoi d'hôpitaux de campagne et l'organisation de procédures de rapatriement vers les pays occidentaux des humanitaires qui seraient contaminés sur place. Si nous voulons combattre l'épidémie, nous devons envoyer des personnels soignants sur place. Et pour que ceux-ci acceptent de se rendre là-bas, ils doivent avoir la certitude de pouvoir être rapatriés rapidement dans un pays occidental en cas de contamination. C'est grâce à ce type de procédure que nous avons pu rapatrier rapidement la jeune Française qui a contracté le virus Ebola au Liberia.
Les États-Unis ont engagé 750 millions de dollars et envoient un hôpital de campagne de vingt-cinq lits, ainsi que 3 000 militaires au Liberia. La Grande-Bretagne va envoyer un hôpital de campagne de quatre-vingts lits en Sierra Leone. La Chine et Cuba envoient respectivement 160 et 450 personnels de santé en Sierra Leone.
La réponse européenne s'organise progressivement pour une régulation des rapatriements, pour définir l'accès aux traitements innovants et mettre en place des renforts. L'Union européenne a d'ores et déjà mobilisé 140 millions d'euros. Il faut souligner l'engagement de la France dans cette mobilisation, puisque nous avons été à l'initiative de deux réunions qui se sont tenues, l'une à Bruxelles, l'autre à Milan.
Notre pays a dégagé 9 millions d'euros pour permettre la création d'un centre de recherche de l'Institut Pasteur, par ailleurs déjà présent en Guinée depuis le début de l'épidémie. Elle répond à la demande guinéenne de création d'un troisième centre de traitement Ebola de plus de cinquante lits, qui sera définitivement installé en zone forestière à Macenta, début novembre et pour une durée de neuf mois, pour un coût d'environ 50 millions d'euros. Une mission de reconnaissance est partie le 17 septembre dernier. Ce centre fonctionnera en collaboration avec Médecins sans frontières, qui gère déjà un centre de tri à Macenta et transmettra son expérience et son dispositif de formation. C'est la Croix-Rouge française qui mettra en oeuvre le centre, avec un important appui des services de l'État français. J'attire votre attention sur le fait que nous avons choisi d'aller là où l'on a le plus besoin de nous, à la demande de la Guinée et de MSF. Mais c'est une zone d'accès difficile, en plein milieu de la forêt, ce qui pose des problèmes logistiques considérables.
La France tient toute sa place dans la mobilisation internationale de la communauté scientifique. L'Institut Pasteur monte en urgence une task force, avec l'appui de son réseau international pour la recherche clinique et virologique. De nombreux experts français, membres de l'Institut Pasteur, du Centre national de référence de Lyon, de l'Inserm, du service de santé des armées, de MSF, de la Croix-Rouge française et de la fondation Mérieux, sont partis sur place afin de déployer des équipes mobiles avec l'aide de l'Union européenne. Par ailleurs, de nombreux volontaires français, recensés par l'EPRUS, sont partis ou prêts à partir pour des missions d'environ trois semaines sur place. Une première mission est partie pour la Guinée le 4 septembre dernier, afin de préciser les besoins sur place et de soutenir les autorités locales. Elle a été complétée, le 17 septembre, pour identifier plus spécifiquement la manière de mettre en place un centre de traitement à Macenta. À terme, le dimensionnement prévu est de vingt à vingt-cinq experts sur place, pour une période de plusieurs mois.
Nous avons d'emblée pris des mesures pour protéger nos concitoyens, notamment les personnes les plus exposées séjournant ou se rendant en zone épidémique. Les résidents français, les humanitaires et les voyageurs sont exactement recensés et reçoivent des conseils précis. Les voyages vers les pays touchés sont déconseillés. L'information des voyageurs a été renforcée par la remise de documents à l'embarquement, au départ et au retour. Un audit des procédures de contrôle sanitaire à l'embarquement est en cours, et des procédures médicalisées vont être mises en place pour les cas d'accident d'exposition au sang.
Sur le territoire français, une alerte nationale a été lancée immédiatement. Mes services ont rappelé, dès le mois d'avril dernier, à l'ensemble des établissements de santé français la conduite à tenir en cas de suspicion de maladie d'Ebola. La Direction générale de la santé a placé le centre opérationnel de réponse et de régulation des urgences sanitaires, le CORRUSS, en niveau d'alerte renforcé, et le plan « ORSAN Bio » a été activé. Une lettre a été adressée aux directeurs généraux des agences régionales de santé et aux préfets le 1er août. Un nouveau message a été adressé aux établissements, avec les recommandations du Haut Conseil de la santé publique et du groupe d'experts « Coordination du risque épidémique et biologique ».
Une procédure écrite a été diffusée le 6 août à toutes les compagnies aériennes et tous les aéroports, en lien avec la Direction générale de l'aviation civile. Le contrôle sanitaire à l'arrivée n'a pas été mis en place, compte tenu de la faible probabilité d'importation, de la complexité des vols multi-escales et du faible rendement des portiques de détection. Le contrôle attentif à l'embarquement est le plus important.
Le risque pour l'Europe reste limité et, à ce jour, aucune importation accidentelle du virus n'a été observée. L'élément clé est la surveillance épidémiologique. L'Institut de veille sanitaire (InVS) est en vigilance renforcée et coordonne l'ensemble des signalements. Il a été demandé à la Direction générale de la santé et à l'InVS de procéder à des retours d'expérience à chaque nouvelle alerte pour améliorer en temps réel le dispositif national d'alerte. À ce jour, 350 signalements ont été effectués auprès de l'InVS, dont dix ont été considérés comme des cas possibles. Ces cas dits possibles ont été testés, ils se sont tous révélés négatifs. Tout professionnel de santé, qu'il travaille en établissement ou en libéral, peut prendre contact sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec l'InVS, qui procède alors à un interrogatoire approfondi et à une analyse de la situation pour évaluer les risques de contamination par le virus Ebola.
L'analyse biologique est actuellement faite par le Centre national de référence des fièvres hémorragiques virales de Lyon, disponible sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il a été demandé à ce centre de préparer l'exportation de la technique de confirmation biologique vers les laboratoires de virologie des CHU référents.
Pour la prise en charge, tout cas possible ou confirmé doit être hospitalisé dans un établissement de santé de référence. Le transfert se fait par SAMU, sous la responsabilité de personnels équipés de tenues de protection. Les examens biologiques ainsi que le nombre de contacts doivent être réduits au minimum. Une équipe d'intervention de l'EPRUS se tient prête avec deux caissons de confinement pour procéder à l'évacuation des malades vers ces établissements de santé de référence, qui sont au nombre de douze : les CHU de Bichat et Necker à Paris, de Lyon, Lille, Strasbourg, Marseille, Bordeaux, Rennes, La Réunion, Rouen, Nancy et l'hôpital d'instruction des armées Bégin. Tous ces établissements ont été analysés et inspectés. Ils sont opérationnels et pré-alertés pour un isolement de haut niveau de sécurité en maladie infectieuse ou en réanimation, avec une capacité respectivement de vingt-trois et dix-huit lits. Des efforts importants sont déployés pour la mise à niveau des laboratoires de biologie et pour l'harmonisation des équipements et procédures. L'hôpital d'instruction des armées Bégin est sanctuarisé pour le rapatriement d'un cas avéré ou la prise en charge d'un cas hautement probable.
Le 18 septembre, après avis de la Direction générale de la santé, de l'Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé ainsi que des experts de l'Inserm, j'ai autorisé l'accès aux innovations thérapeutiques et permis aux prescripteurs d'avoir recours, le cas échéant, à quatre médicaments expérimentaux : le TKM, en provenance du Canada, le Z Mabs, proche du Z Mapp – autorisé mais actuellement indisponible – et le Favipiravir, développé au Japon. À l'occasion de cette crise majeure, la recherche avance à grands pas, et la France y tient toute sa place.
Comme vous le savez, une infirmière de MSF a été contaminée au Liberia et rapatriée le 19 septembre dernier. Elle est hospitalisée à l'hôpital d'instruction des armées Bégin. Les médecins lui ont administré plusieurs traitements expérimentaux et son état clinique s'est nettement amélioré.
Les professionnels de santé étaient préparés puisqu'un important exercice en situation réelle a eu lieu, à ma demande, le 14 août dernier, qui a permis de tester la coordination des équipes, les équipements de protection et la fiabilité des circuits hospitaliers en isolement.
En conclusion, je souligne qu'aucune importation accidentelle n'a été détectée en France ou en Europe. L'accent est mis sur la surveillance épidémiologique, et la procédure de prise en charge des cas suspects est connue et maîtrisée par les douze établissements de santé de référence. À l'heure actuelle, le virus est en Afrique et il frappe fort. C'est là-bas que la communauté internationale doit se mobiliser pour maîtriser l'épidémie. La France apporte son savoir-faire à cette mobilisation et toute son expertise dans la recherche scientifique.