Plus de quatre-vingts collègues de l'UMP ont signé avec moi cette proposition de loi, et notre groupe, soutenu par son président, Christian Jacob, a décidé d'inscrire ce texte, très important pour la vie de nos concitoyens et des comptes publics, dans sa niche parlementaire. À l'heure où le plafond de notre dette atteint un sommet historique, à plus de 2 000 milliards d'euros, et où le déficit de notre système de sécurité sociale dépasse 11 milliards d'euros cette année, le plein-emploi s'avère essentiel pour drainer des cotisations sociales. Or notre société est marquée par un chômage de masse, blessure qui touche les plus de 5 millions de personnes qui y sont confrontées. Nous devons tout mettre en oeuvre pour régler ce problème.
Je ne souhaite pas ici remettre en cause les efforts de la majorité actuelle qui, en raison de tensions internes, ne peut aller aussi loin qu'il le faudrait. Néanmoins, nous devons tout mettre en oeuvre pour que la situation actuelle ne perdure pas et nous attaquer à certains tabous bien ancrés dans la société française. La population y est prête, y compris parmi les militants de gauche. Cette proposition de loi entend briser ces tabous, afin de libérer les forces créatrices d'emplois de notre pays, de donner une place plus importante aux partenaires sociaux et aux acteurs du terrain dans les entreprises – ou à défaut dans les branches –, et de faciliter la formation des jeunes à travers l'apprentissage et les stages.
Cette proposition de loi souhaite apporter une réponse à des problèmes présents dans le débat public depuis de nombreux mois, voire de nombreuses années. Son examen permettra à chacun de se positionner, de sortir des postures et de démontrer sa volonté réformatrice au profit de notre pays. À travers cette loi, je souhaite donner toute leur place aux partenaires sociaux, que j'ai d'ailleurs reçus au cours de nombreuses auditions. La droite possède une forte tradition en la matière, la loi Larcher du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social ayant donné tout son poids au dialogue social. Prolongeant cet héritage, de nombreux articles de ce texte donnent davantage d'importance aux négociations ayant lieu dans les entreprises. Les négociateurs nationaux connaissent évidemment la réalité du terrain, mais ils ne peuvent pas apporter de réponses à l'ensemble des problèmes qui se posent dans toutes les entreprises du pays.
Faisant confiance à la négociation collective, je souhaite associer les partenaires sociaux à la rédaction d'un nouveau code du travail et leur confier la définition de la future représentativité territoriale pour les entreprises de moins de cent salariés. Ces deux mesures, situées aux articles 1er et 7, revêtent une grande importance. Le code du travail est passé de 600 articles en 1973 à 12 000 actuellement ; cette situation n'est plus tenable, ni pour les employeurs ni pour les salariés. Elle crée une insécurité juridique et des tensions dans les entreprises. De nombreux acteurs politiques et économiques appellent de leurs voeux la réforme du code du travail qui s'avère essentielle.
Je ne souhaite toutefois pas une réforme venant d'en haut, c'est-à-dire du pouvoir exécutif ou législatif, car un sujet d'une telle envergure mérite la constitution d'une commission dédiée spécialement à ce sujet et chargée de proposer un nouveau code du travail dont le Parlement déciderait l'adoption. Cette commission disposerait d'un an pour élaborer ce nouveau code, car le temps presse ; sa composition variée serait le gage de la qualité du dialogue social. Certaines lignes directrices, comme la mise en place de seuils sociaux simplifiés à partir de cent salariés, d'un contrat de travail à droits progressifs ou de la création d'une instance unique de représentation des salariés sont précisées pour la proposition de loi. Il revient au législateur de fixer les grandes lignes à une telle commission ; c'est d'ailleurs la méthode adoptée par le Gouvernement lorsqu'il adresse aux partenaires sociaux une lettre d'orientation contenant les sujets de négociation.
Tout le monde réclame l'harmonisation des seuils sociaux, les effets de ces derniers s'avérant néfastes pour la création d'entreprises. Il ne s'agit pas d'affirmer que cette mesure créera 10 000, 50 000 ou 100 000 emplois, mais nous devons l'adopter dès lors qu'elle simplifie la vie des entreprises. Il existe actuellement plus de trente seuils différents : comment les chefs d'entreprise pourraient-ils s'y retrouver ?
La représentation ne constitue pas une entrave aux embauches ; la proposition de loi prévoit un système dans lequel tous les salariés seront représentés, y compris ceux travaillant dans des structures de moins de dix employés. Elle constitue donc une avancée, et non une régression. Certes, les entreprises comprenant entre cinquante et cent salariés n'auront pas de comité d'entreprise, mais les salariés bénéficieront bien d'une représentation. L'article 7 dispose qu'une représentation territoriale leur sera assurée.
Nous devons faire confiance aux partenaires sociaux, et cet article propose l'organisation d'une négociation interprofessionnelle dont les résultats seraient transcrits par le Parlement dans la loi.
La disposition visant à revenir à la durée de 39 heures travaillées hebdomadairement dans le privé et dans le public, portée par l'article 2 du texte, ne fera probablement pas consensus. Nous dénonçons les 35 heures depuis de nombreuses années : le temps de travail ne constitue pas un gâteau à partager, et il convient de créer le travail, car c'est lui qui engendre la richesse. Ce n'est pas parce que neuf salariés travaillent quatre heures de moins que cela crée un poste pour une personne supplémentaire. Si tel était le cas, le débat aurait été tranché alors qu'il ne s'est jamais éteint. Les 39 heures travaillées seront payées 39 heures, et les salariés qui bénéficient actuellement d'une meilleure rémunération grâce à leurs heures supplémentaires conserveront leur situation, car ils n'ont pas à payer les erreurs du passé.
L'objectif n'est pas de perturber la vie des entreprises, et certaines d'entre elles se sont bien organisées sous le régime des 35 heures, quand d'autres ont négocié avec les représentants des salariés pour travailler moins de 35 heures. Dans certaines branches touchées par la crise, nous ne pouvons pas demander aux entreprises de travailler 39 heures, si bien que le texte prévoit que les conventions existantes resteront en vigueur ; elles devront être renégociées au bout d'un an, en prenant en compte le changement de législation, mais rien ne les empêche de négocier à l'identique. Nous devons donner de la souplesse aux entreprises, car toutes n'ont pas besoin de 39 ou de 35 heures ; en fonction du carnet de commandes, elles peuvent négocier pour augmenter ou diminuer le nombre d'heures travaillées. Cette possibilité existe déjà, mais elle s'avère compliquée à mettre en oeuvre. Nous proposons donc, à l'article 4, de simplifier le recours à ce type de convention.
Nous devons également abroger le seuil de 24 heures hebdomadaires. Les reports successifs de la mise en oeuvre de cette mesure démontrent qu'elle est inapplicable dans les faits : nous sommes ainsi le seul pays où il s'avère impossible de travailler moins de 24 heures et difficile de le faire plus de 35 heures par semaine. Les salariés et les employeurs souhaitent disposer d'une plus grande liberté dans leurs relations de travail, même si on ne doit pas écarter la question du temps partiel subi, notamment pour les femmes, les plus touchées par ce phénomène. Par ailleurs, nous devons accepter que certains salariés souhaitent ne travailler qu'à temps très partiel. Ainsi, le passage contraint de ces contrats à 24 heures détruira des emplois, et certains salariés passeront du temps partiel subi au chômage subi.
Enfin, la proposition de loi contient tout un chapitre sur les formations en alternance et les stages. L'avenir de notre pays passe par la jeunesse : alors même que l'apprentissage représente un véritable tremplin pour l'emploi – sept jeunes sur dix signant un contrat dans les six mois suivant l'obtention de leur diplôme –, le Gouvernement actuel l'a laissé péricliter. Le nombre d'entrées dans l'apprentissage s'est contracté de 8 % en 2013 – soit 24 000 jeunes en moins – et la tendance semble s'accélérer cette année pour atteindre une baisse de 14 %. Nous revenons ainsi au niveau de 1993, et nous devons donc collectivement sauver l'apprentissage. Certes, les mesures proposées dans ce texte ne seront pas suffisantes, mais elles participeront de sa réhabilitation. Il est de notre devoir de revenir sur la loi du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires, et de proposer une alternative avant qu'il ne soit trop tard, car le recul du nombre de stages suivrait celui des contrats en apprentissage, et les jeunes éprouveraient davantage de difficultés pour acquérir une expérience professionnelle.
Cette proposition de loi ne réglera pas à elle seule le problème du chômage dans notre pays : on doit l'accompagner de mesures fiscales – notamment en matière de baisse du coût du travail – et de simplification de nombreux dispositifs, trop complexes pour être utilisés par les chefs d'entreprise. Elle offre toutefois des solutions et s'attaque à des tabous ; la situation de notre pays est telle que nous devons tout envisager, dans le respect des salariés et des employeurs. Pour reprendre les mots du Premier ministre, prononcés le 29 septembre, « je compte sur l'intelligence collective ».