Intervention de Ségolène Royal

Séance en hémicycle du 6 octobre 2014 à 21h30
Transition énergétique

Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie :

Je tiens à apporter deux éclaircissements à mes propos.

Tout d’abord, et je l’ai dit moi-même, il faudra bien évidemment fixer un prix au carbone. Cependant, cela ne devra se faire que lorsque les consommateurs auront vraiment le choix de bouger propre, de se transporter propre, de consommer propre, qu’ils auront pu faire des économies d’énergie et fait la dépense des dispositifs de performance énergétique. Je ne souhaite pas donner aux Français, avec cette loi de transition énergétique, un signal qui indiquerait que ce dispositif se traduit par des taxes et des impôts supplémentaires. Ce serait prendre les consommateurs en otage et cela freinerait la transition énergétique.

Le prix du carbone doit être l’une des conséquences de la réussite de la transition énergétique, car les citoyens et les consommateurs payent déjà très difficilement leurs factures – un Français sur cinq, je le rappelle, a du mal à payer sa facture d’énergie. La transition énergétique doit faire le pari positif qu’on investira suffisamment dans les filières de la croissance verte et qu’on donnera assez de moyens – notamment avec les crédits d’impôts, les prêts à taux zéro et le tiers financeur qui sera créé par ce texte avec l’accord du Gouvernement et que certaines régions sont prêtes à expérimenter, ainsi qu’avec l’accès des collectivités locales à des prêts très avantageux de la Caisse des dépôts et consignations – pour mener à bien le travail est de performance énergétique sur les logements et les bâtiments, et permettre la montée en puissance des acquisitions de véhicules propres par les consommateurs. C’est alors seulement que pourra intervenir une montée en puissance du prix du carbone.

En deuxième lieu, contrairement à ce qui vient d’être dit, le projet de loi de finances ne comprend pas de contribution climat énergie : cette taxe est appelée « taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques » et correspond à l’ancienne taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers, ou TIPP. Il est trop facile de faire porter le poids d’une nouvelle fiscalité – je l’ai toujours dit, et suis donc cohérente avec moi-même. Je suis du reste la seule présidente de région à n’avoir pas pris la TIPP, car je considérais que, dans une région rurale qui impliquait de nombreux déplacements, il fallait d’abord monter en puissance dans le domaine de la voiture électrique – c’est du reste ce que j’ai fait, dans ce domaine comme dans celui des trains, où j’ai instauré des déplacements à un euro – avant de taxer les gens, notamment ceux qui ont des revenus modestes et sont obligés de se déplacer. En effet, en milieu rural, le recours à la voiture est le seul choix.

Je ne suis donc pas hostile au prix du carbone, mais il faut faire les choses dans le bon ordre si l’on veut que les Français se sentent être parties prenantes et acteurs de la transition énergétique. Les signaux doivent donc être positifs.

Je le répète : il n’est pas acceptable d’utiliser le combat pour le climat pour expliquer un impôt. Dans la loi de finances, cette taxe ne s’appelle pas « contribution climat énergie » et je ne veux donc pas qu’elle soit appelée ainsi : elle porte le nom de « taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques », ce qui correspond à l’ancienne TIPP, et ses recettes vont directement au budget de l’État. Elle ne sert pas à financer les énergies renouvelables – ce qui aurait déjà un autre sens. Il faudra voir, lors des prochains projets de loi de finances, si une taxe sur le carbone doit venir financer la transition énergétique, ce qui n’est actuellement pas le cas, car tel est le choix qui a été fait par le Gouvernement.

Ma responsabilité de ministre de l’environnement consiste à dire clairement ce qui va au financement de la transition énergétique. Si cette taxe est désignée comme « contribution climat énergie », les Français pourront croire qu’elle est destinée au financement de la transition énergétique et des énergies renouvelables ou de la performance énergétique, ce qui n’est pas vrai. Cette « contribution énergie climat » ne s’appelle pas ainsi dans le projet de loi de finances, ne sert pas à financer la transition énergétique et va directement au budget de l’État.

Par conséquent, le projet de loi ne comportait pas cette intention de monter tout de suite en puissance sur la taxation, non parce que j’y serais hostile sur le principe mais parce qu’au moment où l’on met en place un nouveau modèle énergétique, c’est de l’incitation positive qu’il faut donner.

C’est également la raison pour laquelle je me suis mobilisée pour obtenir des moyens d’accompagnement permettant d’inciter les gens à entrer positivement dans cette transition. Si en effet on leur annonce qu’ils seront taxés à cette fin, ils ne feront plus d’efforts, car ils considéreront qu’ils le font déjà en payant une taxe supplémentaire et qu’un effort supplémentaire n’est pas nécessaire pour sortir leur épargne et faire des travaux d’isolation ou abandonner leur vieux diesel, poser des compteurs individuels ou mobiliser les artisans de proximité pour qu’ils s’engagent dans ces travaux. La dynamique positive de la transition consiste à ce que les gens s’engagent volontairement, qu’ils se sentent parties prenantes, qu’ils soient citoyens et qu’ils se sentent responsables, et non pas pris au piège d’une taxe « climat » qui n’a rien à voir avec le financement de la transition climatique.

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