Sincèrement, j’aimerais tellement qu’il en fût ainsi ! Cela nous aurait évité les difficultés dans lesquelles nous sommes.
Au-delà de cette remarque, votre texte comporte bien évidemment des propositions qui méritent d’être étudiées et, peut-être, mises en oeuvre. Ainsi voulez-vous simplifier le bulletin de paie. Je vous l’accorde, le bulletin de paie actuel comporte beaucoup trop de lignes – cela a déjà été dit et répété. C’est donc une proposition intéressante, mais vous serez d’accord avec moi pour reconnaître que c’est plus une proposition de forme que de fond – comme le disait si bien Voltaire, la forme, c’est le fond qui remonte à la surface. Une simplification est d’ailleurs engagée par ce gouvernement. Bien sûr, il faut continuer d’avancer, il faut aller plus loin, monsieur le ministre, sans pour autant remettre en cause les fondements des droits des salariés. Nous ne sommes pas opposés, cependant, à une réflexion sur les seuils salariaux, dès lors que le dialogue dans l’entreprise n’est pas menacé.
Cela dit, si cette proposition de loi comporte certains points intéressants, force est de constater que l’un de ses principaux objectifs est de revenir sur les 35 heures – c’est l’objet de l’article 2 – et sur les dispositions relatives à la durée minimale de 24 heures – l’article 5 de cette proposition de loi a pour objet de les abroger. Vous le savez, les radicaux ont le sens du dialogue. Nous avons donc bien étudié cette proposition de loi. Toutefois, notre groupe, qui a voté la loi sur la sécurisation de l’emploi en 2013 ainsi que la loi sur les stages et la démocratie sociale au début de cette année ; se demande pourquoi vous n’avez pas vous-mêmes pris ces dispositions lorsque vous étiez aux affaires – j’y reviendrai.
La durée minimale de 24 heures hebdomadaires pour le temps partiel a été instaurée par l’article 8 du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi. Cet article a donc mis fin à ce que l’on appelait le temps partiel subi et instauré une majoration des heures complémentaires. Même si vous le contestez, c’est un nouveau droit pour les salariés. Pour nous, c’est une avancée réelle et, par conséquent, nous rejetons les dispositions de l’article 5 de votre proposition de loi.
Vous proposez à l’article 14 de rendre obligatoire la présence de salariés et de chefs d’entreprise dans les collèges et les lycées, alors que leur présence est actuellement facultative. Si la présence des représentants du monde du travail dans les lycées peut effectivement être une bonne idée, je doute que rendre leur présence obligatoire dans les collèges soit pertinent. Nous reconnaissons qu’il faut rapprocher le monde du travail qui attend les futurs salariés et employeurs et le monde éducatif ; mais il nous semble qu’une présence facultative reste, comme à l’heure actuelle, suffisante. D’ailleurs, certaines entreprises n’hésitent pas à tisser elles-mêmes des partenariats avec des collèges. En tant que maire de Château-Thierry, j’ai d’ailleurs eu le plaisir d’accueillir Mme la ministre de l’éducation nationale et une classe de troisième dans une entreprise, GEA, dont je reparlerai.
De plus, les dispositions de l’article 24 ne nous satisfont aucunement puisque ce dernier abroge la limitation des stagiaires en entreprise. Ce qui va rendre encore plus difficile de trouver des terrains de stages déjà insuffisants.
Nous avons eu de longs débats à ce sujet lors de nos travaux concernant la proposition de loi concernant les stages et nous rejetons avec force votre proposition. Si certains entreprises, notamment des petites entreprises spécialisées dans l’innovation, recrutent et forment un grand nombre d’apprentis, il faut garder à l’esprit que ces derniers sont là pour se former à un métier, à un savoir-faire et pour gagner en compétences avec tout ce que peut offrir une entreprise.
Certes, la formation d’un jeune ne produit pas un gain immédiat. Mais l’un des objectifs de l’entreprise, au-delà de dégager des marges auxquelles nous sommes très sensibles, n’est-il pas aussi de fabriquer une plus-value humaine, un épanouissement ? C’est à mon sens par-là que passe également le rayonnement de l’entreprise. Aussi, je souscris aux propos tenus tout à l’heure : une entreprise, c’est aussi et d’abord les salariés.
Alors oui, la formation d’un jeune est un investissement pour l’avenir.
Personne ne peut remettre en cause la plus-value incontestable que représente une période de stage dans la formation des étudiants : elle est incontestable. Le stage permet de découvrir le monde du travail, de construire son projet d’orientation, et favorise la future insertion professionnelle. La plupart des chefs d’entreprise respectent la finalité des stages ; la pratique a toutefois révélé des dérives, détournant ainsi la vocation première du stage : être un outil au service de la formation de l’étudiant, dans son cursus pédagogique.
Nous sommes pour une formation de qualité, afin d’empêcher des emplois au rabais cachés par le statut du stagiaire. C’est pourquoi nous sommes fermement opposés aux dispositions que vous avez introduites dans cet article.
Dans le même temps, vous expliquez, dans la partie de l’exposé des motifs consacrée à l’article 25, que les stagiaires ne sont pas des salariés et qu’ils ne doivent en aucun cas être considérés comme tels. C’est la raison pour laquelle vous proposez d’abroger les congés salariaux pour les stagiaires. Le groupe des radicaux de gauche et apparentés avait fait adopter, lors de nos travaux en commission et au sein de cet hémicycle, la possibilité pour les stagiaires de bénéficier des services de l’entreprise. En effet, nous avions obtenu en commission que la possibilité de bénéficier de congés et d’autorisations d’absence soit systématiquement inscrite dans les conventions de stages de plus de deux mois. Vous comprendrez donc aisément que nous ne pouvons aucunement souscrire à de telles dispositions, qui représentent un véritable recul social.
Enfin, je voudrais aborder la question du serpent de mer de la fin des 35 heures. Dès sa création, vous n’avez cessé de critiquer le système des 35 heures, sans jamais le remettre en cause réellement, au-delà des déclarations. Déjà, en 2002, Jacques Chirac lui-même ne souhaitait plus la fin de ce dispositif. Nicolas Sarkozy, lorsqu’il était ministre de l’économie, avait plaidé pour un système à deux vitesses : « Deux systèmes pourraient cohabiter dans les entreprises : un pour le salarié qui veut rester aux 35 heures, un pour celui qui souhaite travailler plus. »
En 2007, pendant sa première campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy n’a cessé de critiquer les 35 heures, en appelant à la revalorisation de la valeur travail : c’était le sens du fameux slogan « travailler plus pour gagner plus ». Son objectif était de détricoter la loi, voire de supprimer totalement le dispositif.