Intervention de Denys Robiliard

Séance en hémicycle du 9 octobre 2014 à 9h30
Simplification et développement du travail de la formation et de l'emploi — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenys Robiliard :

C’est l’Assemblée qui a décidé de se donner cette obligation.

Vous savez que l’opposition avait saisi le juge constitutionnel sur la première loi Aubry, estimant que faute de négociation préalable, celle-ci portait atteinte à l’alinéa 8. Le Conseil a rejeté ce recours dans sa décision du 10 juin 1998.

Les partenaires sociaux eux-mêmes, dans une position commune datée du 16 juillet 2001, qui a réuni la totalité des syndicats d’employeurs et de salariés, à l’exception de la CGT, mais non de Force ouvrière – FO –, avaient souhaité une autre articulation du travail parlementaire avec celui des interlocuteurs sociaux. Je les cite : « Il conviendrait de prévoir que les interlocuteurs sociaux puissent, au niveau national interprofessionnel, prendre, s’ils le souhaitent, le relais d’une initiative des pouvoirs publics dans leur champ de compétence, et que les accords auxquels ils parviendraient dans une telle hypothèse, ou encore, à leur propre initiative, dans un domaine qui requiert des modifications législatives, puissent entrer en vigueur dans le respect de leur équilibre. » C’est ce qui s’est passé avec l’Accord national interprofessionnel – ANI – du 11 janvier 2013, étant précisé qu’entre la position commune du 16 juillet 2001 et l’ANI de 2013, Force ouvrière a changé d’avis sur cette position commune.

Comme vous le savez, le Parlement est saisi d’un projet de loi constitutionnelle relatif à la démocratie sociale qui mettrait pleinement en oeuvre ce que le protocole Accoyer a unilatéralement décidé pour l’Assemblée. Encore une fois, je fixe bien les limites qui sont données au respect du dialogue social auquel nous nous sommes obligés.

Constitutionnellement, le législateur ne peut être contraint : il a le droit de choisir de respecter l’équilibre, mais il ne peut être contraint de le faire. Cela tombe sous le sens, puisque c’est lui que l’article 34 de la Constitution charge de la définition des principes fondamentaux du droit du travail, et qu’il ne peut renoncer à l’exercice de cette prérogative – ce serait une incompétence négative. Vous en avez d’ailleurs fait les frais récemment sur les dispositions concernant le portage social.

Le législateur reste entravé, s’agissant de l’alinéa 8 du Préambule de la Constitution de 1946, par l’obligation qui est la sienne. C’est ce que nous appelons la jurisprudence cliquet, qui ne s’est pas appliquée, à ma connaissance, en matière de droit du travail, mais en matière d’entreprises de presse, dans une décision du 29 juillet 1986. Je vous lis le deuxième considérant, qui fixe la mesure de ce que peut faire le Parlement : « Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l’article 34 de la Constitution, de modifier les textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions ; il ne lui est pas moins loisible d’adopter, pour la réalisation ou la conciliation d’objectifs de nature constitutionnelle, les modalités nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité, et qui peuvent comporter la modification ou la suppression de dispositions qu’il estime excessives ou inutiles. Cependant, l’exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garantie légale des exigences de caractère constitutionnel. » Or à la hauteur à laquelle vous fixez le premier niveau d’IRP dans l’entreprise, vous ne substituez pas aux garanties qui existent aujourd’hui, et qui sont fort anciennes s’agissant des délégués du personnel et du comité d’entreprise, puisque liées à notre histoire – le Front populaire, la Libération…

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