Intervention de Kader Arif

Réunion du 1er octobre 2014 à 18h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Kader Arif, secrétaire d'état aux Anciens combattants et à la mémoire :

Je me félicite, en préambule, de l'état d'esprit de tous les groupes politiques au cours de cette année 2014, à l'occasion des grands événements qui ont ponctué le cycle commémoratif que nous avons lancé. Le 6 juin, le 14 juillet, le 15 août, le 12 septembre sont autant de moments qui ont donné de la France une image à la hauteur de ce qu'en attendaient non seulement nos compatriotes, mais aussi, si l'on en juge par le nombre de chefs d'État présents, les visiteurs étrangers. Ce cycle mémoriel aura contribué à renforcer l'unité nationale en dépit des engagements politiques qui nous séparent. La manifestation du 11 novembre à Notre-Dame-de-Lorette conclura ces commémorations autour du thème de la paix : sur le mémorial seront gravés les 600 000 noms des soldats tombés pendant la Grande Guerre dans le Nord-Pas-de-Calais, sans distinction d'origine ni de grade, afin que tous soient mis sur un pied d'égalité.

Pour 2015, le budget des Anciens combattants s'élève à 2,64 milliards d'euros sur mon périmètre de responsabilité. Il baisse de 5,4 % par rapport à 2014, mais l'augmentation des dépenses fiscales ramène cette diminution à 3,3 %. Ces 5,4 % correspondent à la baisse du nombre des bénéficiaires. J'ai néanmoins veillé à la fois à la stabilisation de la dépense moyenne par ancien combattant, autour de 2 994 euros annuels, et à la définition de mesures nouvelles concernant d'une part les populations les plus en difficulté et d'autre part la 4e génération du feu.

Je commencerai par la refonte de l'action sociale, dont je rappelle que l'Office national des Anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) est désormais le seul opérateur. Le budget de cette action sociale est de 23,4 millions d'euros, en hausse de 1,5 million d'euros, soit plus 16,5 % depuis 2012. L'aide différentielle en faveur des conjoints survivants, portée de 900 à 932 euros dans le budget 2014, sera cette année transformée en aide complémentaire spécifique aux conjoints survivants et amenée à 987 euros, soit l'équivalent du seuil de pauvreté. Nous aurons ainsi, en deux ans, satisfait une attente ancienne et légitime. Il s'agit également de sécuriser cette aide sur le plan juridique, en résolvant, en particulier, la question des veuves ne vivant pas sur le territoire métropolitain. Enfin, la refonte de l'aide sociale permet plus globalement de venir en aide aux Anciens combattants les plus démunis, aux soldats en opération extérieure (OPEX) ou à leur famille.

Deuxième mesure nouvelle, la majoration spéciale de pension prévue à l'article L. 52-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) qui peut être attribuée sous certaines conditions aux conjoints survivants des plus grands invalides de guerre – ceux qui sont pensionnés à 85 % et plus – sera revalorisée. Dans le budget 2014, certaines pensions avaient déjà été revalorisées de 360 points PMI (pension militaire d'invalidité) par l'abaissement du seuil d'accès de 11 000 à 10 000 points. Plusieurs options ont été étudiées cette année par le groupe de travail que j'ai mis en place. Partant du principe que la pension des veuves des invalides de guerre n'est pas un revenu de substitution mais un droit à réparation, la proposition de reverser 25 % de la pension du grand invalide de guerre a été écartée, sachant que ces pensions peuvent atteindre, pour les plus importantes, 191 000 euros, non fiscalisés, par an. Il a également été proposé lors des débats du PLF 2014, par le biais d'un amendement de Mme Paola Zanetti, d'augmenter toutes les pensions de conjoints survivants d'invalides de plus de 2000 points de 150 à 400 points PMI en fonction des situations, pour un coût de huit millions d'euros en année pleine.

La proposition que je vous soumets est une augmentation de la majoration de l'article L.52-2 de 50 points PMI à partir du 1er janvier 2015, suivie d'une augmentation de 50 points supplémentaires à partir du 1er janvier 2016. Ces 100 points correspondent à 116 euros par mois, soit 1 394 euros par an – l'équivalent d'un SMIC mensuel brut. Je ne souhaite pas, en procédant ainsi, refermer le dossier mais plutôt engager une dynamique pour répondre à une véritable interrogation en termes de droit à réparation. Le groupe de travail s'est déjà réuni à plusieurs reprises et continuera sa réflexion.

Afin d'augmenter le nombre de bénéficiaires, la durée de soins nécessaire pour pouvoir toucher la majoration passera de quinze à dix ans. Cette disposition représente 650 000 euros pour 2015 et 1,3 million d'euros en 2016, compte tenu des 50 points supplémentaires d'augmentation.

La troisième mesure nouvelle concerne les OPEX. Aujourd'hui, pour pouvoir bénéficier de la carte du combattant, il faut avoir passé quatre-vingt-dix jours en unité combattante ou mené cinq actions de feu individuelles ou neuf collectives. Des différences existent toujours entre armées ; par exemple, les marins ne sont pas traités de la même manière que les terriens. La question des soldats engagés dans la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) n'est toujours pas réglée. Je vous propose donc d'appliquer le régime des anciens d'Algérie, à savoir justifier de 120 jours cumulatifs en OPEX pour pouvoir bénéficier de la carte du combattant et donc de la retraite du combattant, de la demi-part fiscale et de la retraite mutualiste. Cette mesure, si vous la votiez, entrerait en vigueur le 1er octobre 2015 et représenterait 400 000 euros en 2015. Puis, en 2016, nous passerions à 6,3 millions d'euros et à 6,9 millions en 2017, le dispositif montant en charge sur plusieurs décennies. Il s'agit de répondre ici à une demande des associations d'Anciens combattants de faire des soldats concernés, engagés dans des conflits d'autre nature, des ressortissants de l'ONAC. J'ai pu me rendre compte auprès du chef d'état-major des armées que les armées elles-mêmes acceptaient fort bien une telle proposition.

Nos compatriotes harkis sont l'objet de la quatrième proposition. Vous le savez, mon histoire personnelle me rend sensible à cette question. Je suis favorable à la reconnaissance mais opposé à la repentance. Pour avancer, nous nous sommes appuyés sur les réalisations des gouvernements précédents. Si la fonction publique d'État a créé des postes, les fonctions publiques territoriale et hospitalière accusaient un certain retard en la matière, les élus n'étant pas forcément bien informés. Désormais, les choses avancent crescendo : quelques postes ont ainsi été créés dans la fonction publique hospitalière des Bouches-du-Rhône.

La première disposition concernant les harkis est l'augmentation de 167 euros de l'allocation de reconnaissance telle qu'elle existe depuis 2005. Les bénéficiaires touchant de 2 150 à 3 250 euros par an, la hausse que je vous soumets est de 5 à 8 %, autrement dit le plus gros « coup de pouce » depuis 2005. Avec les services du ministère des Affaires sociales, nous avons aussi étudié la possibilité, pour ceux qui ont vécu dans les camps entre seize et vingt et un ans, de racheter quatre trimestres, à raison de 4 000 euros par trimestre, l'État en prenant 2 000 à sa charge, soit 8 000 euros au total. C'est, à ma connaissance, la participation la plus importante de l'État en matière de rachat de points.

La reconnaissance passe certes par les mots, mais aussi par d'autres actions comme l'établissement, en lien avec le ministère de l'Agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, d'une sorte de parcours mémoriel dans les 75 hameaux de forestage où a été placée une grande partie des harkis arrivés en France.

Le budget consacré à la politique mémorielle sera de 22,7 millions d'euros, en baisse de 500 000 euros par rapport à 2014, année la plus chargée en grands événements. Je vous proposerai de consacrer un peu plus de 11 millions d'euros de ce budget à la rénovation des grands monuments, des grandes nécropoles, des grands cimetières, des hauts lieux de la mémoire nationale ; par rapport aux 4,6 millions de 2014, cela représente une hausse de 145 %. Le tourisme mémoriel bénéficiera également d'une augmentation de 10 %, ses crédits passant de 1,5 million d'euros à 1,65 million. Le président de la République devrait, à l'occasion des cérémonies du 11 novembre prochain, souligner l'importance de ce tourisme mémoriel pour nos collectivités et notre économie. Même si nous ne disposons pas encore de données pour 2014, il semble que cette activité ait pas mal profité aux collectivités de Normandie et, selon Hubert Falco, Toulon aurait accueilli le 15 août 200 000 personnes de plus que d'habitude.

L'an dernier, un budget de 700 000 euros était consacré au financement de l'extension du régime d'imputabilité aux incorporés de force dans l'armée allemande et ensuite détenus par les Soviétiques à l'ouest de la ligne Curzon. Onze personnes seulement ont déposé un dossier pour bénéficier des mesures proposées.

Certains d'entre vous restent très sensibles à la question de la campagne double qui, du reste, ne relève pas du budget du secrétariat d'État aux Anciens combattants. Je rappelle que l'attribution de la campagne double signifie que chaque jour de service effectué par le militaire est compté pour trois jours dans le calcul de sa pension, contre deux jours dans le cas de la campagne simple. En dépit de tout le respect que j'ai pour les fonctionnaires et assimilés, j'ai du mal à admettre qu'on touche une pension plus élevée pour le seul fait qu'on a été fonctionnaire, au détriment d'un soldat provenant, lui, du secteur privé. Un soldat est un soldat. Même si le coût de cette mesure attendue par certains n'est que de 2,4 millions d'euros l'année de sa mise en oeuvre, je considère cette mesure comme sectorielle et je n'en fais pas une priorité.

Autre question, très sensible en fonction des régions, l'élargissement de l'indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes de la barbarie nazie, prévue par les décrets de 2000 et 2004, à tous les orphelins de la Seconde guerre mondiale. Au-delà du coût de la mesure, que je veux bien envisager, se poserait aussitôt la question des autres conflits : quelle réponse apporter, par exemple, aux orphelins de la guerre d'Algérie ? Est-il plus difficile d'être un orphelin du second conflit mondial que des autres ? Peut-être faudrait-il relancer le groupe de travail qui s'était penché sur le sujet et étudier la possibilité d'un examen au cas par cas.

Permettez-moi, pour finir, de revenir un instant sur la campagne double, en particulier sur la question de la rétroactivité. Cette mesure a été accordée dès lors que le Législateur a reconnu, en 1999, que ce qu'on appelait jusque-là les événements d'Algérie avait été une guerre. Donc tous ceux qui ont déposé un dossier après 1999 ont pu bénéficier de la campagne double. La difficulté juridique de ce dossier tient à la demande de l'application rétroactive de cette disposition pour ceux qui ont commencé de percevoir une pension avant 1999.

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