Intervention de Jean-Pierre Vigier

Réunion du 8 octobre 2014 à 9h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Vigier, rapporteur :

Monsieur le Président, Chers collègues, en préambule, nous voudrions tout d'abord remercier la Commission et son Président d'avoir accepté de créer une mission d'information sur les zones de revitalisation rurale (ZRR) et de nous en avoir confié la responsabilité. Au cours de nos travaux qui ont duré près de dix mois, nous avons auditionné plus de soixante personnes dont vous trouverez la liste en annexe et nous avons sollicité le commissariat général à l'égalité des territoires (CGET, ex-DATAR), que nous remercions tout particulièrement pour sa collaboration.

Je rappelle que les ZRR sont issues depuis 1995 de la volonté du législateur d'introduire une forme de « discrimination positive » en faveur de territoires ruraux confrontés à des difficultés particulières. Des aides spécifiques ont donc été apportées aux communes classées en ZRR depuis 20 ans. En 2013, les ZRR couvraient 14 290 communes. Le dernier arrêté de classement du 30 juillet 2014 a porté ce nombre à 14 691, soit près de 40 % du total des communes françaises et plus de 6 millions d'habitants.

Lors de la présentation de notre communication, le 25 février dernier, nous avions évoqué le contexte dans lequel cette mission intervenait. Notre réflexion initiale était ainsi formulée : quel pouvait être l'avenir des territoires affaiblis et éloignés des métropoles, au moment où s'accentuent les inégalités territoriales et où des contraintes pèsent sur les mécanismes de solidarité financière ?

C'est pourquoi nos premiers travaux se sont attachés à examiner le dispositif en faveur des ZRR sous deux angles : les critères de classement sont-ils pertinents pour appréhender la situation de fragilité des territoires ruraux ? Les aides ont-elles un impact sur le développement économique des territoires bénéficiaires ?

Nous ne reviendrons donc pas sur les éléments que nous avons développés il y a quelques mois. Nous souhaiterions axer notre exposé d'aujourd'hui sur les propositions que nous soumettons autour de 5 thèmes : le zonage des communes, les aides sociales et fiscales, la solidarité financière, les dispositions dérogatoires, l'animation et l'évaluation du dispositif.

Le zonage actuel obéit à des critères fixés en 2005, qui sont au nombre de trois : un critère institutionnel, un critère de faible densité démographique et un critère socio-démographique.

La première conclusion à laquelle nous sommes arrivés est la nécessité de réviser les critères de classement en ZRR qui ne sont plus pertinents, et ce pour de multiples raisons, qui aboutissent à une dilution des aides et qui sont fragiles sur le plan juridique. De plus, le principe d'une révision tous les cinq ans du classement en ZRR n'est plus appliqué depuis 2005. C'est pourquoi, nous proposons un dispositif resserré, en faveur des communes rurales les plus fragiles, moyennant un mécanisme de sortie progressive pour les communes exclues.

Des travaux de simulation, sollicités auprès du commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), ont permis de dégager des pistes de réflexion pour la révision du zonage sur la base de nouveaux critères simples et cumulatifs. Au cours de cette démarche, nous avons conclu à la nécessité : d'abandonner le critère institutionnel d'appartenance à un EPCI à fiscalité propre, qui n'est plus pertinent du fait de l'obligation généralisée d'appartenance des communes à un EPCI ; de ne plus retenir d'indicateur dynamique qui mesure l'évolution démographique ; et de ne pas retenir de nouveaux critères socio-économiques dans la mesure où ils ciblent un seul type de ruralité.

Nous avons donc choisi deux critères, simples et « lisibles » par nos concitoyens, correspondant à la réalité des territoires : la densité démographique et la richesse des habitants. Ces deux critères sont fondés sur une même approche intercommunale.

Pour le critère de densité démographique, seraient zonées toutes les communes d'un EPCI à fiscalité propre dont la densité est inférieure à 50 % de la densité moyenne nationale (soit 58 habitants au km2). Le calcul serait fait sur la base d'un EPCI « fictif » ou « théorique ». Deux solutions sont proposées : soit l'EPCI « fictif » comporte toutes les communes sauf celles de plus de 10 000 habitants ; soit il comporte toutes les communes sauf celles de plus de 10 000 habitants et leurs communes contiguës de plus de 2 500 habitants. Cette seconde hypothèse vise les cas d'une commune urbaine, dotée d'une première couronne de communes qui bénéficient des services du « bourg-centre », mais entourée d'une seconde couronne de communes plus éloignées et à caractère rural affirmé.

Pour le critère de richesse du territoire, seraient zonées les communes dont les habitants ont des revenus inférieurs ou égaux à la médiane des revenus nationaux (soit 19 120 euros par an).

Il n'est pas possible d'indiquer exactement le nombre d'EPCI, de communes et d'habitants qui seraient visés par ces deux critères. Sur la base des estimations disponibles, seraient concernés entre 12 000 et 13 000 communes et près de 5 millions d'habitants.

En ce qui concerne le zonage, deux cas particuliers méritent d'être évoqués. Pour les communes dispensées d'appartenir à un EPCI, notamment les îles composées d'une seule commune, on pourrait imaginer que les critères ne sont pas cumulatifs ou qu'ils sont évalués au niveau communal. En ce qui concerne les départements d'outremer, compte tenu de leur spécificité et de l'hétérogénéité des données relatives aux revenus, les ZRR pourraient y être caractérisées par des critères sociaux, démographiques ou économiques qui tiennent compte de la spécificité des territoires.

L'établissement d'un zonage suppose que soit prévue la sortie progressive des communes. C'est pourquoi, nous proposons que le nouveau zonage soit établi au 1er janvier 2015, pour une période de six ans, avec une révision au 1er janvier 2018, et que soit prévu un délai de deux ans pour une sortie progressive des communes « déclassées ».

Par ce système, les communes sortantes du dispositif continueraient à bénéficier des effets du classement pour une durée de deux ans à partir du 1er janvier 2015 pour celles qui ne seront pas retenues dans le futur zonage et pour une durée de huit ans pour celles non retenues dans la prochaine révision du zonage fin 2020.

Pour que le classement soit mis en application au 1er janvier 2015 et reste cohérent avec les mandats communautaires, il est nécessaire de modifier la loi avant le 31 décembre 2014. Par ailleurs, il faut prévoir une révision du classement à mi-parcours (c'est-à-dire en 2018) pour prendre en compte les modifications de périmètre des EPCI. Cette révision ne concernerait que l'entrée de communes dans le dispositif jusqu'à la fin de la période de classement (2015-2020).

J'en viens à la deuxième série de propositions relatives aux aides sociales et fiscales.

Les ZRR sont connues pour les exonérations fiscales et sociales auxquelles elles ouvrent droit et qui constituent le coeur du dispositif. Au terme de nos investigations, nous avons recensé au total 18 exonérations fiscales et 3 exonérations sociales. Nous vous invitons à vous reporter aux tableaux de synthèse dans les annexes du rapport.

En ce qui concerne les exonérations sociales, nous proposons : d'une part, de supprimer l'exonération de cotisations sociales pour l'embauche à partir du 1er janvier 2015 (sauf pour les embauches conclues en 2014), compte tenu de son faible intérêt par rapport aux mesures de droit commun, notamment le pacte de responsabilité ; d'autre part, de poursuivre l'exonération de cotisations sociales en faveur des OIG jusqu'à extinction naturelle du dispositif. En effet, il faut reconnaître le manque d'attractivité du dispositif pour les nouvelles embauches et le risque qu'il ne concerne plus que les OIG ayant atteint la taille critique pour ne pas en avoir besoin dans leur décision de recruter.

En ce qui concerne l'extinction naturelle pour l'exonération de cotisations sociales en faveur des OIG, nous avons évolué sur cette question : il est apparu qu'il n'était pas envisageable de supprimer le dispositif en raison des conséquences immédiates sur les organismes bénéficiaires et sur les collectivités ; de plus, la réduction de la taille des OIG bénéficiaires de cette exonération ou la suppression de l'exonération par paliers successifs sur une durée réduite auraient également des conséquences dommageables.

Nous proposons de proroger les mesures d'exonérations fiscales, pour une période d'au moins six ans, notamment le dispositif d'exonération sur les bénéfices et l'exonération de plein droit de la contribution économique territoriale. Le délai de six ans (soit de début 2015 à fin 2020) correspond à la durée du classement en ZRR proposé précédemment. La prorogation concernerait avant tout les mesures qui n'ont été reconduites que pour un an, jusqu'au 31 décembre 2014, soit l'exonération IR-IS et l'exonération pour la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; mais également certaines mesures qui sont, pour l'instant, sans limite temporelle comme l'exonération de droits de mutation à titre onéreux et de cotisation foncière.

Ces dispositifs pourront être complétés par des exonérations facultatives, décidées par les communes ou les intercommunalités et non compensées par l'État, car elles relèvent de la liberté de gestion des collectivités.

En conclusion, j'estime qu'il ne faut pas se focaliser sur le nombre de communes mais qu'il faut prendre en considération leur typologie.

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