Intervention de Ségolène Royal

Séance en hémicycle du 10 octobre 2014 à 9h30
Transition énergétique

Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie :

Cette intervention ne peut pas rester sans réponse et je voudrais donner quelques éléments.

Tout d’abord, je n’ai pas choisi de faire une annonce. Rappelons le contexte : l’expérimentation de l’écotaxe devait débuter au 1er octobre. La responsabilité de tout décideur politique est de regarder si les choses sont en place et si elles peuvent fonctionner, avec bon sens et détermination.

Or ce dispositif nécessite d’abord que tous les camions soient équipés d’un boîtier, puis que tous les systèmes informatiques de toutes les entreprises soient revus, puisque le système Ecomouv’ allait entraîner une modification de la facturation, avec la possibilité, en plus, de répercuter sur ceux qui ont besoin de faire transporter leurs marchandises le coût de l’Ecomouv’. Nous étions donc déjà bien éloignés du système pollueur-payeur.

Ce système nécessitait donc de prendre une décision au vu du seul critère de l’emploi. Appliqué dans des conditions inapplicables, ce dispositif allait-il créer ou détruire des emplois ?

C’est selon ce seul critère que cette décision de suspension a été prise, en raison de l’incapacité à appliquer, étant donné la complexité du système, un dispositif inapplicable.

Les travaux vont recommencer dès la semaine prochaine, avec, autour de la table, l’ensemble des transporteurs routiers, qui n’ont pas nié qu’il fallait trouver une solution. Ils ont été particulièrement responsables dans ce domaine. Nous devons trouver une solution qui ne détruise pas des emplois mais qui en crée.

J’ajoute que les transporteurs routiers ont été particulièrement exaspérés lorsqu’ils ont pris connaissance, tout comme nous, tout comme vous, des résultats des sociétés autoroutières, qui, comme vous le savez, ont été privatisées dans des conditions exorbitantes en 2005.

Selon le rapport de l’Autorité de la concurrence, ces sociétés autoroutières ont fait des profits qui sont payés, là aussi, par les camions et par les automobilistes. Sur 100 euros payés à une autoroute, 22 constituent un profit net. Cela veut dire, premièrement, que les prix de l’usage des autoroutes sont trop élevés par rapport à leur coût d’usage et, deuxièmement, que tous ceux qui les utilisent ont déjà largement payé de quoi faire les investissements sur les infrastructures.

Vous proposez que la commission spéciale se penche sur ce sujet. Je suggère qu’elle se penche aussi sur la question des sociétés autoroutières.

Monsieur le député, je suis convaincue que vous verrez vous aussi un problème – un problème qui appelle des décisions, et de l’autorité exécutive et du Parlement –, dans le fait étonnant que les sociétés autoroutières aient pu verser, depuis leur privatisation, 15 milliards d’euros à leurs actionnaires. Quinze milliards d’euros à leurs actionnaires ! Et il faudrait qu’aujourd’hui, ce soient les petites et moyennes entreprises qui paient de quoi entretenir et créer les infrastructures routières ? Il y a là quelque chose qui ne va pas.

Nous devons regarder cela de très près, à un moment où les petites entreprises ont des marges très étroites, que ce soient les producteurs qui ont besoin de camions ou les sociétés de transport par camion. Il n’y a aucune raison que nous ne mettions pas à plat ce problème, qui ne peut perdurer.

J’ajoute que si nous trouvons un système pour faire contribuer les autoroutes aux travaux d’infrastructure, il faudra bien évidemment que cela ne se traduise pas par une hausse supplémentaire de l’usage des autoroutes. Déjà, le prix est au-dessus du prix normal de fonctionnement. L’excès de rentabilité des autoroutes est dû à leur situation monopolistique.

Il y a là un préalable à régler, ce que les entreprises de transport routier ont demandé. J’ai trouvé, avec Alain Vidalies, que cette demande était parfaitement légitime. J’y ai donc répondu, et je l’assume.

Il s’agit d’abord de remettre à plat les flux financiers, de qui paie quoi en termes d’usage des infrastructures, pour que nous trouvions une solution à la fois juste, équitable et pérenne.

Enfin, dernier élément important, compte tenu des valeurs qui vous animent : il est très étrange, pour ne pas dire anormal, que le gouvernement de droite ait privatisé le prélèvement de l’impôt. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, puisque 40 % du produit de l’écotaxe est destiné à la fois à rémunérer les actionnaires d’une entreprise privée et à payer un coût de fonctionnement exorbitant.

Quarante pour cent de la taxe échappe à l’investissement dans les infrastructures ! Je puis vous dire que cet élément-là, aussi, a contribué à ce que les entreprises de transport posent des questions sur la légitimité de payer 40 % de dividendes à une entreprise privée chargée de prélever de l’impôt, sachant que, lorsque c’est la puissance publique qui prélève l’impôt, le coût administratif de fonctionnement est de 2 %. On est donc passé de 2 % à 40 %, pour renflouer les caisses d’une entreprise qui, en plus, n’est pas une entreprise française…

J’ai vu l’anomalie de ce dispositif dès ma prise de fonction. Je l’ai dit, ce qui ne m’a pas valu que des amitiés. J’ai dit des choses de bon sens. A un moment, il faut lever la tête du guidon, regarder ce qui se passe, faire les choses avec bon sens, avec justice, avec équité, et faire en sorte que les décisions que nous prenons ne détruisent pas, je le répète parce que c’est le critère principal, plus d’emplois qu’elles n’en créent, et ne créent pas plus d’injustices qu’elles n’en réparent.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion