Je me prête toujours avec plaisir à l'exercice des auditions par votre Commission, d'autant que, comme le COM a été signé il y a presqu'un an, le moment semble bien choisi pour en dresser un premier bilan.
Ce COM affichait deux priorités : la première était la relance éditoriale, dans un contexte de dégradation continue de l'image et de l'audience de la chaîne, en particulier depuis l'apparition de la télévision numérique terrestre (TNT). Nous nous sommes engagés à inverser cette tendance, tout en cultivant notre singularité de chaîne franco-allemande et européenne, de chaîne de la culture privilégiant les oeuvres de création et de patrimoine.
Nous avons été surpris de la rapidité avec laquelle nous avons commencé à observer des résultats positifs : nous avons mis en place notre nouvelle grille de programmes à partir du mois de janvier 2012, dans le but de permettre au téléspectateur de s'y retrouver plus facilement et de mettre l'accent sur des programmes davantage tournés vers le présent. Pendant vingt ans, nous avons contribué à la construction d'une mémoire franco-allemande, nous tâchons désormais de nous tourner vers l'avenir.
Une étude d'image réalisée au premier trimestre de 2012 établit que les téléspectateurs ont perçu une inflexion vers plus de modernité et d'humour, ce qui faisait partie de notre objectif consistant à associer culture et plaisir.
Nous avons également commencé à percevoir un frémissement de l'audience ; si nous avons pu concevoir quelques inquiétudes cet été, du fait de la présence de programmes sportifs forts sur les chaînes concurrentes, nous avons finalement plutôt bien résisté. Nous avons connu une belle rentrée, conforme à nos souhaits, grâce à des programmes documentaires comme ceux consacrés à Nestlé et Goldmann Sachs ou celui, plus classique, sur l'Orient et l'Occident. Nous avons également récolté les fruits d'un important travail sur les programmes de fiction, et la série « Ainsi soient-ils » a reçu un accueil positif tant de la presse que du public : comportant huit épisodes de cinquante-deux minutes, elle a réuni 1,3 million de téléspectateurs.
Nous avons donc franchi une étape puisque notre part d'audience est passée de 1,5 % en 2011 à 1,8 % sur les dix premiers mois de l'année 2012, ce qui représente une hausse de 20 %. Nous devons ces résultats à notre nouvelle grille et nous sommes confortés dans la conviction que plus nous affirmons notre spécificité, plus les téléspectateurs nous suivent.
La deuxième priorité affichée dans le COM était le développement du numérique. J'ai toujours eu la conviction que les nouveaux supports de diffusion sont une chance pour ARTE, car ils rendent possible une meilleure exposition de ses programmes.
ARTE +7 est notre télévision de rattrapage ; efficace et simple, elle voit son audience croître de 60 % par an, alors même que l'ensemble de nos programmes y sont mis à disposition depuis longtemps déjà, ce qui témoigne que cette hausse n'est pas imputable à un simple développement de l'offre. Tous les sites d'ARTE connaissent d'ailleurs une croissance à deux chiffres.
On a même pu constater pour certains programmes comme le documentaire sur Goldmann Sachs un nombre de spectateurs sur ARTE +7 presque équivalent à celui constaté lors de la diffusion télévisée.
Mais nous conduisons également une réflexion plus globale avec l'ensemble de nos partenaires sur le développement d'une diffusion plus ambitieuse, sur les priorités programmatiques d'ARTE sur internet.
Nous souhaitons développer une « galaxie ARTE » afin que, dans le cadre de la télévision connectée, le téléspectateur puisse passer facilement de l'antenne linéaire classique à des programmes enrichis sur internet. Ceux qui ont déjà quitté le « menu obligatoire » de l'antenne classique ont ainsi la possibilité de découvrir ARTE.
Le coeur de cette « galaxie » est l'antenne, qui est notre vitrine essentielle. Nous développons également des services autour de l'antenne, avec par exemple ARTE +7 ou la personnalisation des programmes.
Nous développons en outre des plateformes thématiques, avec des programmes plus exhaustifs, comme ARTE Live web, sur le spectacle vivant, ou ARTE Creative, autour des arts numériques et des avant-gardes dans le domaine des arts plastiques, qui nous permettent d'atteindre une diffusion mondiale. Nous travaillons pour 2013 à une nouvelle plateforme autour de l'environnement et des sciences.
Nous menons un important travail avec nos partenaires pour qu'une unanimité émerge autour de ces projets au niveau du groupe ARTE.
Nous avons également mis de l'ordre dans notre organigramme, des réformes importantes ayant notamment été conduites à Strasbourg. Les équipes qui travaillent sur des thématiques ont ainsi été formées à le faire selon une approche classique, mais aussi pour internet. Nous pensons éviter de cette façon une segmentation et une concurrence malsaines entre les équipes. Il s'agit d'une stratégie fédératrice mais aussi d'une stratégie d'économie des crédits.
2013 sera par ailleurs une année importante, marquée par le cinquantième anniversaire du Traité de l'Élysée. Nous avons déjà accompagné les manifestations organisées dans le cadre des célébrations de cet anniversaire, notamment les cérémonies de Reims et de Ludwigsburg, les discours étant retransmis en direct et doublés sur notre site. Nous avons également eu une importante programmation cinématographique, rendant hommage à l'école de cinéma franco-allemande de Ludwigsburg.
Les célébrations organisées à Berlin au mois de janvier trouveront également une large place sur notre antenne, ainsi qu'une programmation sur la relation franco-allemande – y compris des documentaires sur les étapes délicates qui ont marqué la construction de l'Europe.
Nous organiserons également des événements de notre propre initiative, et nous avons commandé avec Radio France et la radio publique allemande une vaste enquête sur les relations franco-allemandes dont les résultats seront présentés en janvier. Un forum se tiendra en outre à Strasbourg début avril avec de nombreux partenaires, afin de dégager des perspectives d'utopie et des projets d'avenir pour l'Europe.
Le troisième chantier est celui de l'imaginaire. Si le champ de la mémoire a été bien « labouré », nous avons du mal à construire un imaginaire commun. Aussi les fictions allemandes ou françaises ont-elles peu de succès chez le pays partenaire qui ne l'a pas produite. Ce rapprochement doit avoir lieu, comme ce fut le cas pour les cinématographies allemandes et françaises qui s'ignoraient il y a vingt ans. Aujourd'hui, le plus grand partenaire de la France dans le domaine du cinéma, c'est l'Allemagne.
Cette ambition doit être réalisée au travers de ce genre majeur qu'est aujourd'hui la télévision, notamment par le biais des mini-séries. Nous essayons de convaincre, à cet effet, les structures administratives compétentes pour s'appuyer sur ce nouveau socle, qui permettra ainsi de faire avancer une construction européenne plus politique et plus culturelle.
J'évoquerai maintenant deux autres objectifs, en commençant par la consolidation de la relance éditoriale. Il faut maintenir la dynamique engagée en 2012, ce qui n'est pas facile dans un contexte budgétaire relativement contraint. Mais notre petite spécificité – ARTE étant une entreprise modeste, qui soutient fortement la création et notre patrimoine culturel – a été prise en compte de manière bienveillante par l'État. Je rappelle que nos programmes sont à 85 % européens et que nous diffusons 83 % de films d'art et d'essai, autant d'axes qui nous distinguent. La réduction des crédits qui vous est proposée n'est donc que de 0,3 %, soit 800 000 euros, cette baisse mineure de notre budget devant être comparée aux efforts demandés à France Télévisions.
Ce contexte budgétaire s'ajoute à une concurrence accrue. Ainsi D8 consacre d'importants moyens à l'achat de films, ce qui renchérit leur coût. Je pense aussi aux six nouvelles chaînes de la TNT qui seront lancées dans quinze jours, l'une d'entre elles se spécialisant dans le documentaire alors que ce genre représente 42 % de l'antenne d'ARTE.
Au vu de tous ces éléments, et même si, encore une fois, cette chaîne a été épargnée par rapport à d'autres acteurs, on ne peut donc s'empêcher d'éprouver une petite inquiétude, ce qui est normal lorsqu'on tient compte du fait que l'année qui se termine a été plutôt bonne grâce au travail de l'ensemble des équipes. C'est pourquoi, en ce qui concerne le financement du service public de l'audiovisuel, si des initiatives parlementaires permettaient d'assurer un meilleur rendement de la redevance, nous en serions ravis !
Le deuxième objectif, que j'ai déjà évoqué, est la poursuite du développement de notre axe numérique. Il nous faut être présents sur toutes les plateformes, de façon à pouvoir « récolter » de meilleures audiences, non seulement sur les antennes classiques, mais aussi sur les nouveaux supports de diffusion.