Intervention de Mego Terzian

Réunion du 7 octobre 2014 à 16h00
Commission des affaires étrangères

Mego Terzian, président de Médecins Sans Frontières :

Je précise qu'une personne sur dix infectées est un personnel médical ou paramédical. MSF vient d'annoncer son seizième cas déclaré et son dixième mort depuis le début de l'épidémie. Il ressort des enquêtes réalisées sur chaque décès que, dans la majorité des cas, la contamination s'est produite en dehors du lieu de travail, sauf pour l'infirmière française.

L'OMS joue traditionnellement le rôle de conseiller technique des ministères de la santé. En cas d'événement majeur ou de catastrophe, l'OMS n'est pas censée organiser des opérations de secours ; au demeurant, elle n'en a pas les moyens. Elle se cantonne généralement au conseil technique ; elle peut être amenée à faire de la coordination, mais ce n'est pas son rôle.

Dès les premiers jours, l'organisation a tenté d'organiser des réunions de coordination et d'installer des centres de traitement en liaison avec les ministères de la santé. Mais la réaction a été lente et insuffisante.

Je ne veux pas stigmatiser l'OMS. Mais je regrette qu'elle ait mis tant de retard à annoncer que l'épidémie était hors de contrôle, l'annonce étant intervenue plus de deux mois après celle de MSF. Or, l'OMS est davantage prise au sérieux par la communauté internationale. Sa voix porte plus que celle d'une petite association de médecins qui a de surcroît la réputation d'être grande gueule… Cette annonce tardive de la part de l'OMS est l'une des raisons pour lesquelles la communauté internationale a réagi avec retard.

MSF ne dispose pas de toutes les informations sur la situation en France. Nous savons qu'une dizaine d'hôpitaux ont été identifiés pour recevoir des patients atteints d'Ebola. S'agissant de l'infirmière française, les autorités ont rapidement acheminé les traitements, qui provenaient d'Allemagne.

Je reste pessimiste, je l'ai dit, pour plusieurs raisons : premièrement, les promesses des gouvernements en matière de secours ne sont pas honorées. Onze centres de traitement d'Ebola devaient être installés au Liberia ; il faudra encore plusieurs semaines pour qu'ils soient opérationnels. Le déploiement est très lent. Les activités externes, comme le transport de patients, restent problématiques. En Guinée, cent cinquante ambulances supplémentaires seraient nécessaires.

Vous avez évoqué le rôle des coutumes, notamment lors des enterrements. Les problèmes de sensibilisation et d'éducation des populations demeurent. Je ne suis pas sûr que la réponse autoritaire du gouvernement sierra-léonais soit appropriée : on ne peut pas changer en quelques semaines les traditions et les habitudes de ces populations.

Même si la feuille de route est miraculeusement respectée et malgré les mesures autoritaires, je reste pessimiste ; je place mes espoirs dans la mise au point d'un vaccin dans les semaines à venir pour parvenir à contrôler la situation.

Les Cubains ont annoncé l'envoi de 296 médecins et infirmiers en Guinée et en Sierra Leone, mais ils ne sont pas encore arrivés. Les Chinois ont les moyens d'apporter leur aide – ils ont déjà montré leurs capacités de réaction, impressionnantes, face aux situations d'urgence dans leur pays. Mais pour l'instant, malgré les promesses, ils ne se sont pas déployés de manière significative.

À l'exception des États-Unis, les réactions des autres pays sont timides et lentes. J'espère que les choses vont s'améliorer dans les jours à venir.

Ebola capte l'attention mais, au Liberia notamment, la situation sanitaire générale est dramatique : 90 % des hôpitaux et plus de 50 % des centres de santé sont fermés à Monrovia par peur de la contamination sur le lieu de travail. La Sierra Leone semble prendre le même chemin. Sans disposer de chiffres exacts, nous estimons que le nombre de morts à cause d'autres pathologies, faute de soins – ruptures de traitement, interruption du suivi des maladies chroniques, absence de chirurgie d'urgence – en vient à dépasser significativement le nombre de victimes d'Ebola.

Pour le virus de Marburg, comme pour Ebola, il n'existe ni traitement ni vaccin disponible. MSF procède exactement de la même manière : installation de centres d'isolement et traitement symptomatique – lutte contre la fièvre, la déshydratation, etc., en espérant que le patient s'en sortira. La section française de MSF a traité une épidémie de Marburg pour la dernière fois en Angola en 2005 : la grande majorité des patients – pratiquement 90 % – sont décédés.

En Ouganda, MSF a commencé à organiser les secours. Nous avons mis en place un suivi des 80 personnes ayant été en contact avec les patients décédés. Nous espérons que la situation n'évoluera pas de manière aussi dramatique qu'en Afrique de l'Ouest, d'autant que le cas rapporté se trouvait à Kampala : on sait que les risques sont très élevés en milieu urbain.

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