Intervention de Geneviève Gosselin-Fleury

Réunion du 7 octobre 2014 à 16h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeneviève Gosselin-Fleury, rapporteure :

La présentation de ce rapport d'information sur le contrôle de l'exécution des crédits de la Défense pour l'année 2013 s'inscrit dans un exercice désormais traditionnel depuis une dizaine d'années, puisque c'est en 2003 que la commission de la Défense, à l'initiative de son précédent président, M. Guy Tessier, a souhaité créer des modalités spécifiques de contrôle des conditions de l'exécution des crédits du budget de la Défense.

Depuis cette date, les missions d'information successives sur ce contrôle ont rendu sept rapports visant à s'assurer, année après année, du respect des engagements financiers pris dans la loi de programmation militaire (LPM) et la loi de finances et du bon emploi de ces crédits par le ministère de la Défense. Le dernier rapport, de nos collègues Philippe Vittel et François André, intitulé « LPM : divergences entre prévisions et exécutions. Quelles causes pour quels remèdes ? » était ainsi consacré aux exercices 2011 et 2012 et nous a permis utilement d'aborder les travaux législatifs de la dernière LPM avec un éclairage précieux.

Qu'il me soit d'ailleurs ici permis de remercier M. François André, à qui j'ai eu l'honneur de succéder comme co-rapporteure, qui a suivi le début des travaux de cette mission d'information avec toute l'énergie qu'on lui connaît avant de rejoindre la commission des Finances, ainsi que mon collègue Philippe Vitel pour la bienveillance qu'il a constamment manifesté envers moi tout au long de nos travaux qui se sont toujours déroulés en bonne intelligence.

La publication au printemps 2013 d'un nouveau Livre blanc définissant les principes, les priorités, les cadres d'action et les moyens qui assureront dans la durée la sécurité de la France, ainsi que la loi du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019, destinée à mettre en oeuvre les orientations de la politique de défense française pour les six prochaines années, ont fait de l'année 2013 une année emblématique de transition entre deux lois de programmation militaire.

En conséquence, nous avons souhaité ne pas nous limiter à un bilan purement rétrospectif de l'exécution de la loi de finances pour 2013 mais explorer, comme cela s'est d'ailleurs déjà fait par le passé, des thématiques plus spécifiques, qui ne se limitent pas à l'examen de la seule exécution des crédits, qu'il s'agisse :

– des recettes exceptionnelles liées aux cessions de bandes de fréquence et de biens immobiliers, dont l'importance est accrue dans la nouvelle loi de programmation militaire ;

– du niveau insuffisant de crédits prévus pour faire face aux besoins en titre 2, en dépit de la poursuite de la baisse des effectifs ;

– des modalités spécifiques de budgétisation et financement du surcoût des opérations extérieures (OPEX) ;

– de la dissuasion nucléaire, pour laquelle le président de la République, chef des armées, a décidé le maintien des deux composantes ;

– de la cyberdéfense, priorité de la dernière loi de programmation militaire.

Comme je le soulignais à l'instant, 2013, à la croisée de deux lois de programmation militaire, a été une année de transition pour la Défense.

Le premier constat que nous avons établi est que l'exécution budgétaire de la mission Défense a été en 2013 globalement satisfaisante, malgré de fortes contraintes levées tardivement.

La loi de finances pour 2013 prévoyait, pour les quatre programmes de la mission « Défense », un montant de 38,60 milliards d'euros d'autorisations d'engagements (AE) et de 38,12 milliards d'euros de crédits de paiement, hors fonds de concours et attributions de produits. La loi de finances autorisait par ailleurs à compléter les crédits budgétaires par des recettes exceptionnelles d'un montant de 1,27 milliard d'euros (1,07 milliard d'euros sur le compte d'affectation spéciale « Fréquences » et 0,2 milliard d'euros sur le CAS « Immobilier »).

Au final, les crédits consommés sur la mission « Défense », y compris la contribution au CAS « Pensions », se sont élevés à 38,33 milliards d'euros d'AE et 38,96 milliards d'euros de CP. Par ailleurs, les recettes exceptionnelles ont été normalement consommées en 2013.

S'agissant de la masse salariale (titre 2), l'écart entre les crédits prévus au titre de la loi de finances pour 2013, y compris les attributions de produits et fonds de concours, et l'exécution atteint un montant de 235,2 millions d'euros, soit une surconsommation de 1,2 %. Si cet écart démontre certes que la masse salariale n'est toujours pas complètement maîtrisée, nous y reviendrons, il convient toutefois de souligner que l'écart par rapport à la prévision est en forte diminution par rapport à 2012.

La comparaison entre les prévisions et l'exécution des crédits de la mission « Défense » en 2013 met donc en évidence une exécution globale satisfaisante des crédits.

Nous avons néanmoins noté que l'écart par rapport à la prévision a nécessité des mesures d'ajustement en cours de gestion et des ouvertures de crédits tardives, qui ont entraîné des effets d'éviction sur les dépenses d'équipement de la mission. Ainsi, la réserve de précaution s'élevait initialement à 97 millions d'euros en titre 2 et 1 112 millions d'euros hors titre 2. Elle a été augmentée de 374 millions d'euros hors titre 2 en cours de gestion. 89 millions d'euros ont été dégelés sur des crédits de titre 2 et 765 millions d'euros de crédits hors titre 2, les crédits résiduels étant annulés.

Concernant les OPEX, les surcoûts de l'opération Serval au Mali ont conduit à des ouvertures de crédits à hauteur de 578 millions d'euros par décret d'avance. Hors OPEX, le ministère de la Défense a par ailleurs fait l'objet d'annulations de crédits à hauteur de 560 millions d'euros en fin de gestion.

Le deuxième constat que nous avons fait est que la relative stabilité dans l'exécution des crédits de la Défense pour 2013 recouvre des mouvements de tendance opposée, des annulations de crédits sur le programme 146 « Équipement des forces » ayant en particulier permis de financer des dépassements sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces ».

Globalement les CP consommés ont dépassé la prévision de 90 millions d'euros (0,23 %) tandis que les AE ont été sous consommées à hauteur d'environ un milliard d'euros (3 %). Comme le souligne la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire pour 2013, cette sous-exécution des AE par rapport à la loi de finances traduit « les arbitrages de la LPM qui ont conduit à réduire les cibles ou à reporter certains engagements en 2014. Ils reflètent aussi les choix de gestion du ministère qui met en gage les dépenses d'investissements gelées afin de financer les dépassements des autres dépenses de la mission en application du principe d'autoassurance », qu'il s'agisse du dépassement des OPEX ou de la masse salariale.

Ces mouvements de tendance opposée nous ont conduits à approfondir notre contrôle par un examen de l'exécution des crédits de la mission « Défense » par programme dont vous trouverez le détail dans le rapport. Pour s'en tenir aux constats les plus saillants, on peut noter les points suivants.

Contrairement à la tendance générale des effectifs de la mission « Défense », le programme 144 « Environnement et prospective de défense » a connu une hausse de ses effectifs, en pleine cohérence avec la priorité accordée à la fonction « Connaissance et anticipation ».

S'agissant du programme 178 « Préparation et emploi des forces », si les crédits ouverts en AE n'ont été consommés qu'à hauteur de 98 %, les dépenses exécutées ont dépassé la prévision en CP de près de 759 millions d'euros, soit 3,3 % d'augmentation par rapport à la prévision, dont 271,8 millions d'euros sur les seules dépenses de personnel. L'exécution 2013 se situe ainsi largement au-delà des crédits inscrits en LFI, ce qui n'est pas vraiment une nouveauté, dans la mesure où ce programme fait usuellement l'objet d'abondements importants en cours d'exercice, du fait de l'insuffisance des ressources prévues en loi de finances initiale pour financer les augmentations de la masse salariale et les opérations extérieures. Le décret d'avance du 28 novembre 2013 a en conséquence autorisé la consommation de crédits supplémentaires avec, en contrepartie, des annulations de crédits d'équipements sur le programme 146. Il convient de souligner que c'est le programme 178 qui porte l'essentiel des dépenses en matière de cyberdéfense, qui sont en 2013 en augmentation par rapport à 2012, nous y reviendrons quand nous aborderons la partie thématique consacrée à la cyberdéfense.

Pour le programme 212 « Soutien de la politique de la défense », les crédits ouverts n'ont été consommés qu'à 73 % en AE et 99,3 % en CP, la sous exécution des AE s'expliquant par le ralentissement de certaines opérations d'infrastructure, notamment la tranche conditionnelle 2 de l'hôpital d'instruction des armées Begin.

S'agissant du programme 146 « Équipement des forces », les crédits ouverts ont été consommés à hauteur de 54,1 % en AE et 99,9 % en CP. Comme l'a souligné M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement, l'exécution 2013 s'est en fait déroulée en deux temps. Le premier trimestre s'est caractérisé par une gestion très prudente et un ralentissement volontaire des engagements afin de préempter le moins possible les choix politico-stratégiques qui étaient en cours d'examen dans le cadre de l'élaboration de la LPM. Le second trimestre a été l'occasion de mettre en oeuvre, en anticipation du vote de la LPM, les décisions prises en conseil de défense, avec notamment le début des renégociations des grands contrats, dont une grande partie était terminée fin 2013. Cela explique que l'engagement des crédits de programmes d'armement a été repoussé vers la toute fin de l'année 2013. Force est de constater qu'en 2013, à nouveau, l'annulation de dépenses d'équipement a en partie servi à financer le dépassement des OPEX et de la masse salariale. Nous détaillons dans notre rapport les principales commandes et livraisons réalisées en 2013, ainsi que les décalages de programmes devant initialement être lancés en 2013, qu'il s'agisse des programmes de système de lutte anti-mine futur (SLAMF), d'avion militaire de transport et de ravitaillement (MRTT), des bâtiments de soutien et d'assistance hauturiers (BSAH) ou d'évolution du missile Aster.

Le troisième constat que nous avons fait est que l'exécution budgétaire 2013 a confirmé le non-respect de la trajectoire budgétaire de la LPM 2009-2014 et donc la nécessité de la loi de programmation militaire 2014-2019.

La LPM 2009-2014 prévoyait au titre de 2013 33,22 milliards d'euros de crédits de paiement budgétaires (hors CAS) ainsi qu'un très faible niveau de recettes exceptionnelles (environ 100 millions d'euros). Les CP consommés sur la mission « Défense » en 2013 (hors CAS) ont finalement représenté 31,03 milliards d'euros, soit 2,29 milliards d'euros de moins que la trajectoire prévue. Même en ajoutant les recettes exceptionnelles très élevées consommées en 2013 sur les deux CAS (1,27 milliard d'euros), l'écart à la précédente LPM reste pour l'année 2013 supérieur à un milliard d'euros.

Dans sa note d'exécution budgétaire pour 2013, la Cour des comptes estime ainsi que l'écart cumulé par rapport à la précédente LPM sur les exercices 2009 à 2013 s'élève en définitive à - 3,99 milliards d'euros.

Pour ne pas nous limiter à une analyse purement statistique, nous avons souhaité, au travers des auditions des chefs d'état-major des armées, recueillir l'appréciation des armées sur les conditions de l'exécution de la précédente LPM et du budget 2013.

Pour l'armée de terre, « la gestion 2013 s'est déroulée de façon très satisfaisante malgré de fortes contraintes levées tardivement ». L'état-major de l'armée de terre fait valoir que « le besoin en titre 2 s'est avéré supérieur à la programmation et l'accroissement des besoins de maintien en condition opérationnel des matériels avait été sous-estimé ». Ainsi, « la priorité posée pour les forces terrestres en équipements majeurs a été remise en cause faute de ressource. Les commandes et livraisons des programmes d'équipements majeurs ont été globalement respectées jusqu'à 2011, au prix de quelques décalages ». En 2012 et 2013, l'armée de terre estime avoir « été particulièrement touchée par les mesures de transition entre les deux LPM en subissant un tiers des mesures prises au PLF 2013, en CP comme en AE, pour un poids relatif de 20 % environ du programme 146 ».

De son côté, l'état-major de la marine nous a indiqué que « l'année 2013 a été marquée par une incertitude sur le niveau définitif des ressources et une mise à disposition tardive des dernières ressources (levée de la réserve, déblocage du surgel, remboursement des surcoûts OPEX) ». Selon lui, « entre 2009 et 2012, les commandes et livraisons prévues ont été globalement respectées ». Ainsi, « la mise à disposition en 2009 des crédits du Plan de relance de l'économie, conformément à la LPM 2009-2014, a permis le lancement de commandes auprès de l'industrie de défense afin de diminuer les effets de la crise. De ce fait la marine a bénéficié d'un troisième BPC en 2012, quatre engins de débarquements amphibies rapides et quatre aéronefs de surveillance maritime ».

Pour l'état-major de l'armée de l'air, « une sous-dotation notable en entretien programmé des matériels (EPM) a touché directement l'activité de l'armée de l'air et a conduit à une baisse de l'activité régulière sur toute la période de la LPM ». Celui-ci met en évidence « une érosion des stocks, une paupérisation globale des moyens, une préparation opérationnelle dégradée et une baisse sensible de l'activité ». L'exécution de la LPM se serait traduite par « une baisse de l'activité aérienne, tant quantitative (diminution des heures de vols des pilotes) que qualitatives (objectifs d'entraînements non satisfaits, exercices qualifiants comme « Red Flag » aux États-Unis annulés en raison de contraintes financières), et un report de programmes structurants pour l'armée de l'air, dont le MRTT ».

Le quatrième constat que nous avons fait est que l'exécution des crédits de la Défense pour 2013 confirme certaines difficultés dans l'exécution budgétaire dont la résolution rapide conditionne le succès de la nouvelle LPM.

Il est en effet essentiel que la LPM 2014-2019 soit intégralement respectée dans son contenu et son calendrier. À ce titre l'exécution budgétaire 2013 soulève plusieurs points d'attention. Je laisse à mon collègue Philippe Vitel le soin de vous les exposer, ainsi que de détailler les deux aspects thématiques qui ont retenu notre attention.

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