Intervention de Philippe Vitel

Réunion du 7 octobre 2014 à 16h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vitel, rapporteur :

Je remercie à mon tour Madame Geneviève Gosselin-Fleury, avec qui j'ai eu le plaisir de travailler en bonne entente, comme je l'avais fait avec notre collègue François André, pour aboutir à une vision la plus objective possible.

En premier lieu, malgré la diminution des effectifs, la masse salariale est encore insuffisamment maîtrisée en 2013.

Nous avons constaté que la cible de réduction d'effectifs en équivalents temps plein fixée par la précédente LPM a certes été dépassée sur la période 2009-2013. La réduction nette sur la période allant de 2009 à 2013 a ainsi été de 38 928 équivalents temps plein, soit 502 de plus que prévu par la loi de programmation militaire 2009-2014.

De la même façon, les réductions d'effectifs se sont poursuivies en 2013. Néanmoins, les réductions d'effectifs en ETP n'ont pas atteint en 2013 la cible de la LPM précédente (- 165 par rapport à la cible) et les réductions d'effectifs en ETPT sont inférieures en 2013 à la prévision de la loi de finances pour 2013 (-258 ETPT), cet écart expliquant en partie le dépassement des dépenses de titre 2 par rapport à la prévision de la LFI. L'écart à la prévision résulte en partie des défauts de construction du schéma d'emploi qui n'avait pas intégré certaines mesures pourtant prévues (par exemple le recrutement de 100 personnels civils au titre de la fiabilisation de LOUVOIS au CHRS de Nancy) et qui avait mal anticipé les flux de départ des personnels civils.

Principalement, la prévision de dépense de personnel pour 2013 n'a pas été respectée. Les dépenses de titre 2, quoiqu'en diminution par rapport à 2012, continuent de dépasser les prévisions de la loi de finances initiale. L'écart en 2013 entre les crédits prévus en loi de finances initiale (y compris les attributions de produits et fonds de concours) et l'exécution atteint 235,2 millions d'euros, soit une surconsommation de 1,2 %. Cet écart par rapport à la prévision est toutefois le plus faible par rapport aux trois dernières années et il faut donc souligner cette amélioration de la qualité de la prévision budgétaire, même si, au total, le résultat n'est pas parfait. Dans le même sens d'une amélioration, il faut se féliciter que la masse salariale hors pensions et hors OPEX diminue enfin sensiblement en 2013. Cette diminution des dépenses de personnel hors surcoût OPEX et CAS « Pensions » s'explique à la fois par un effet de périmètre dû à la poursuite de la suppression d'emplois en 2013, à la réduction de mesures catégorielles et aux mesures correctrices des dysfonctionnements du logiciel LOUVOIS. Dans ce cadre plutôt encourageant, nous ne pouvons que soutenir la poursuite des réformes engagées par le ministère pour optimiser la maîtrise et le pilotage de la masse salariale que nous détaillons dans le rapport.

En second lieu, le surcoût des OPEX continue de dépasser la prévision budgétaire.

En prévoyant une dotation de 630 millions d'euros, la loi de finances pour 2013 a respecté la précédente programmation militaire. À ces 630 millions d'euros, se sont rajoutés 47,3 millions d'euros de recettes non fiscales (de l'ONU par exemple) et 2,6 millions d'euros en provenances du programme 205 au titre de la protection des navires de pêche dans le cadre de la lutte contre la piraterie dans l'océan Indien, soit un total de 49,9 millions d'euros. Cette prévision initiale pour 2013 s'appuyait sur le retrait programmé des forces d'Afghanistan ainsi que sur la réduction du dispositif au Liban.

Or, les crédits effectivement consommés en 2013 ont atteint la somme de 1 250 millions d'euros, soit un dépassement de 570,1 millions d'euros par rapport à la prévision (+83,8 %).

L'analyse du surcoût des opérations extérieures pour 2013 met en évidence le fort impact de l'opération Serval au Mali (649,9 millions d'euros) ainsi que la persistance d'un montant encore élevé de dépenses liées à la présence de forces françaises en Afghanistan (le retrait du dispositif français, dont le surcoût se situait depuis trois ans aux alentours de 500 millions d'euros, a été ramené à 250 millions d'euros).

Si l'on isole le surcoût de l'OPEX au Mali, de l'ordre de 650 millions d'euros pour l'année 2013 (qui représente donc à elle seule plus de la moitié des surcoûts OPEX de cet exercice), difficilement prévisible puisque l'intervention a été lancée le 11 janvier, le surcoût OPEX pour 2013 aurait été de 600 millions d'euros, soit un montant légèrement inférieur à la prévision de 630 millions d'euros. Force est de constater que l'opération Serval, à laquelle nous avons tous souscrit, a fait doubler le montant du surcoût OPEX.

En 2013, le surcoût OPEX, hors opération ponctuelle par définition difficilement prévisible, est ainsi en diminution par rapport aux années antérieures : 870 millions d'euros en 2009, 860 millions d'euros en 2010, 878 millions d'euros en 2011 (hors opération Harmattan) et 873 millions d'euros en 2012.

Le montant de la provision budgétaire prévue pour financer le surcoût des OPEX a été ramené de 630 millions d'euros en 2013 à 450 millions d'euros en 2014, pour tenir compte, d'une part, de la diminution des contrats opérationnels décidée dans le nouveau Livre blanc et, d'autre part, des choix stratégiques subséquents prévoyant le retrait ou la restructuration de plusieurs théâtres majeurs d'opérations (Afghanistan, Kosovo, Mali, Côte d'Ivoire).

Il est toutefois hautement probable que la dotation de 450 millions d'euros pour 2014 s'avère de nouveau insuffisante, avec les nouvelles opérations en RCA ou en Irak et la mise en place de l'opération Barkhane.

En troisième lieu, les recettes exceptionnelles ont été au rendez-vous en 2013.

Selon l'article 3 de la précédente LPM, des recettes exceptionnelles, provenant notamment de cession de bandes de fréquences et d'emprises immobilières, devaient venir compléter les crédits de paiement de la mission « Défense » pour un montant assez limité de 0,1 milliard d'euros pour 2013.

Du fait que les recettes issues de cessions de fréquences ont été encaissées plus tardivement que prévu, mais pour un montant supérieur aux hypothèses retenues, les recettes exceptionnelles effectivement utilisées sur le CAS « Fréquences », d'un montant de 1,07 milliard d'euros, ont été bien supérieures à la prévision de la LPM mais conforme à la loi de finances initiale. Comme le souligne la Cour des comptes, « les dépenses financées en 2013 l'étant à partir de recettes déjà encaissées les années précédentes, le risque de sous-exécution était quasi inexistant ».

Pour ce qui concerne les recettes du CAS « Immobilier », les cessions immobilières encaissées en 2013, d'un montant de 104 millions d'euros, ont atteint moins de 30 % de l'objectif de cessions.

L'équilibre financier de la nouvelle loi de programmation militaire 2014-2019 repose, nous le savons tous, en grande partie sur l'obtention de ces ressources exceptionnelles. Or, ces ressources sont incertaines dans leur montant et, surtout, dans leur calendrier de réalisation.

Deux éléments incitent en effet à la prudence. Premièrement, l'exécution de la précédente LPM a été profondément affectée par l'écart constaté entre la date d'encaissement réel des produits de cessions immobilières, de fréquences et de matériels, et les dates prévues. En 2009 et 2010, premières années de la programmation, le manque à gagner s'élevait à près de 2,14 milliards d'euros. Deuxièmement, les ressources exceptionnelles pour les années 2014, 2015 et 2016 forment près de 5,4 % des crédits consacrés à la mission « Défense », soit 4,8 milliards d'euros (sur un total de 6,1 milliards d'euros de ressources exceptionnelles prévues). Leur poids est donc particulièrement important pour le début de la programmation.

Il faut donc souligner tout l'intérêt de l'introduction, à l'article 3 de l'actuelle LPM, d'une clause de sauvegarde concernant les ressources exceptionnelles. Dans l'hypothèse où leur montant, ou leur calendrier, feraient l'objet d'une modification substantielle ayant une conséquence significative sur le respect de la programmation, cette clause prévoit ainsi que d'autres recettes exceptionnelles, ou des crédits budgétaires obtenus sur la base d'un financement interministériel, soient mobilisées. Cette disposition vise à garantir la sincérité de la programmation financière en s'assurant que les recettes exceptionnelles affectées à la mission « Défense » seront bien réalisées au montant et au moment prévus et, qu'à défaut, elles seront intégralement compensées.

Pour finir, nous avons également, comme les années précédentes, souhaité explorer deux thématiques plus spécifiques qui ne se limitent pas à l'examen de la seule exécution des crédits et qui nous apparaissent réellement stratégiques : la dissuasion nucléaire et la cyberdéfense.

En ce qui concerne la dissuasion nucléaire dont nous avons beaucoup parlé au sein de la commission, je vous renvoie directement au rapport.

S'agissant de la cyberdéfense, c'est de notre point de vue un satisfecit qu'il faut adresser au ministère de la Défense pour son action.

Il faut dire aujourd'hui que le développement de notre capacité de cyberdéfense fait l'objet d'une planification marquée par une grande continuité, d'une LPM à l'autre. En ce domaine, l'exécution budgétaire est conforme à la programmation, et la programmation correspond parfaitement aux besoins exprimés par les acteurs de ce secteur – notamment l'état-major des armées (EMA), l'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) et le pôle « sécurité des systèmes d'information » de la direction générale de l'armement (DGA).

Du point de vue des effectifs, on crée 350 postes supplémentaires, et on soulignera notamment une augmentation de 30 % des effectifs d'agents spécialisés en cyberdéfense au sein de l'EMA et de la DGA.

Du point de vue des équipements, la LPM prévoit une augmentation de 360 millions d'euros des crédits d'investissement. Au total, les ressources consacrées à la cyberdéfense par le ministère de la Défense s'élèvent à près d'un milliard d'euros sur la période 2014-2019.

La consolidation de ces capacités, d'ailleurs, ne tient pas qu'aux leviers financiers. Elle tient aussi, en effet, à nos capacités industrielles. Il y a des secteurs entiers dans lesquels l'industrie française a, pendant des années, « raté le coche » – par exemple, les routeurs. Dans ces cas de dépendance technologique, on ne peut mettre en place que des solutions palliatives. Mais pour éviter de rater d'autres coches, il importe de savoir mobiliser nos industriels pour qu'ils sachent désormais développer à temps les technologies de demain.

Ce sont 2 000 agents environ qui travaillent aujourd'hui à nos capacités de cyberdéfense, mais leurs statuts sont encore trop souvent cloisonnés, en fonction de leur statut – civil ou militaire – ou de leur employeur – EMA, ANSSI, DGA. Pour offrir des carrières plus attractives, et faire circuler l'expérience et les savoirs, il reste un chantier de décloisonnement statutaire à mener.

Enfin, le Livre blanc prévoit la création d'une réserve ad hoc, un peu sur le modèle de la réserve sanitaire. Elle serait très utile pour la gestion des crises en aval, qui nécessite beaucoup de personnels, mais pas forcément des qualifications de pointe. Il est temps qu'elle soit mise en place. Je vous renvoie une fois encore au rapport pour des éléments plus détaillés.

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