Intervention de Amiral Bernard Rogel

Réunion du 8 octobre 2014 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Amiral Bernard Rogel, chef d'état-major de la marine :

La frégate Nivôse, construite, comme toutes les frégates de surveillance, selon des normes civiles et ne disposant pas à ce titre de redondances d'un bâtiment militaire, a subi un incendie la semaine dernière. Ce feu, qui s'est déclaré dans le compartiment des machines, a atteint très rapidement le PC de propulsion. L'équipage, privé de propulsion et d'électricité, a combattu l'incendie pendant quatre heures, victorieusement, et le bâtiment a été remorqué par la deuxième frégate de La Réunion, le Floréal. Il est revenu vendredi matin à La Réunion et est à présent en sécurité. Il n'y a ni morts ni blessés.

Une enquête de type C – le plus haut niveau – a été confiée à l'inspecteur de la marine nationale, l'amiral Marc de Briançon. Il est encore un peu tôt pour parler des causes. Les hypothèses, non consolidées, sont un départ de feu dans un tableau électrique ou bien une rupture de circuit d'huile, vaporisée sur des points chauds. Le bateau a subi des dommages, dont j'ignore encore l'ampleur s'agissant de l'appareil propulsif, mais dont je sais qu'ils sont importants sur les câblages. Les réparations, qui devront avoir lieu à La Réunion ou à l'île Maurice, prendront du temps ; il faut sans doute prévoir plusieurs mois, ce qui créera une contrainte supplémentaire sur les forces de l'océan Indien.

En ce qui concerne les ressources humaines, il est important que le chiffre de 1 800 suppressions, qui découle directement du Livre Blanc, ne soit pas dépassé. Il importe également que cet effort soit lissé dans le temps. Le calcul de cette réduction a pris en compte l'arrivée d'équipages optimisés, avec le passage de frégates de 250 personnes à des frégates de cent ou cent vingt personnes. Ces frégates aux équipages optimisés arriveront plutôt en fin de période ; il ne faut donc pas exiger tous les efforts dès le début.

Les crédits d'EPM pour la marine augmentent de 1 %. C'est l'application stricte de la LPM. J'appelle votre attention sur le niveau important d'autorisations d'engagement que nous prévoyons cette année afin de mettre en place les nouveaux contrats de maintenance pluriannuels avec les industriels, qui nous permettront de relancer l'activité à partir de 2016.

Comme le ministre, monsieur le député Candelier, je prends acte de la décision de la Cour européenne et nous allons l'étudier. L'arrêt de la Cour parle de droit d'association, non de syndicats, de droit de retrait ou de droit de grève. Nous avons créé ces dernières années des dispositifs de concertation de plus en plus élaborés – le ministre a mené une action importante l'an dernier –, et nous poursuivrons dans cette voie. Je ne suis pas particulièrement inquiet quant à cet arrêt.

Sur le futur sous-marin nucléaire lanceur d'engins, il faut poser la question au directeur général de l'armement (DGA), qui pilote les crédits d'études amont. La commande du quatrième Barracuda a été signée par le ministre en juillet. Le nombre, à terme, de ces sous-marins doit être de six.

Vous m'avez en outre interrogé sur le remplacement du matériel. Les BSAH, bâtiments de soutien de nos forces mais aussi de lutte contre la pollution en cas de sinistre, arrivent en bout de course, les plus vieux d'entre eux ayant plus de quarante ans. Votre question est très pertinente, car nous subissons un certain nombre de réductions temporaires de capacité, et singulièrement outre-mer. Or, si nous ne prenons pas soin de notre zone économique exclusive, elle sera pillée. Le programme B2M, qui doit remplacer les bâtiments légers amphibies en train d'être désarmés, et celui des patrouilleurs légers guyanais seront opérationnels en 2016 ou 2017. Il est important que les matériels soient livrés en temps et en heure : c'est aujourd'hui le cas des FREMM, un peu moins celui des Caïman. Nous sommes en flux tendus et tout retard entraîne des réductions temporaires de capacité.

Je serais tenté de dire, monsieur le député Laffineur, que 100 % des bâtiments, à l'exception du Nivôse, sont en état de marche. Un bâtiment de la marine nationale peut passer par trois états : il est soit en grande réparation, soit en réparation courante, soit en état de naviguer. Nos bâtiments sont, par nature, multi-missions. Une frégate peut s'impliquer dans la lutte anti-sous-marine comme dans la lutte anti-aérienne, elle peut déployer des commandos, elle peut intervenir contre l'immigration clandestine. Si un voyant rouge s'allume sur un des bâtiments, cela ne signifie pas que celui-ci n'est pas en état de marche, mais seulement que l'une de ses missions doit être temporairement suspendue. L'analyse est alors faite avec le service de soutien de la flotte, qui est dirigé par un inspecteur général de l'armement, qui dépend directement de moi. Cela marche remarquablement bien.

Le nombre moyen de jours de mer annuel en 2014 est de quatre-vingt-six, ce qui est le même niveau qu'en 2013. Cette moyenne sera la même en 2015. Comme nous l'avons prévu avec le ministre de la Défense, nous commencerons à remonter vers les normes OTAN – 110 jours pour les grands bâtiments et cent jours pour l'ensemble de la flotte – à partir de 2016.

Il n'y a aucune inquiétude à avoir sur le Charles de Gaulle, qui entretient actuellement sa capacité opérationnelle et est prêt à partir.

Dans le golfe de Guinée, monsieur le député Rouillard, la marine française intervient avec le Quai d'Orsay et représentante spéciale pour la piraterie, Mme Roger-Lacan, dont je souligne l'excellent travail. Les actions de coopération dépendent davantage de la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du Quai. L'opération Corymbe a quant à elle évolué en ajoutant à la prévention des risques – 75 000 de nos compatriotes vivent le long du golfe de Guinée et nous avons à plusieurs reprises conduit des missions d'évacuation – et de la lutte contre la piraterie – je ne rappelle pas l'épisode du pétrolier Adour – un volet de coopération désormais renforcé sous l'appellation d'opération NEMO : avant chaque départ de mission Corymbe, nous demandons à nos partenaires africains leurs besoins en matière d'entraînement et de formation, et nous adaptons l'équipage du bâtiment en fonction des souhaits exprimés. Cela marche très bien. Le but est l'appropriation de la sécurité du golfe de Guinée par les marines africaines.

Nous travaillons davantage avec les pays francophones, que nous connaissons bien. Les Américains, autres acteurs dans le jeu, ont créé l'Africa Partnership, qui vient d'être transféré au commandement des forces américaines à Naples. En accord avec le secrétaire d'État américain à la Navy, nous travaillons pour connecter les deux systèmes afin d'assurer une continuité entre pays anglophones et francophones sur le golfe.

Avec la montée en puissance des centres d'action maritime, nous souhaitons connecter le centre de notre commandant en chef pour la zone atlantique (CECLANT), responsable du golfe de Guinée, et qui bénéficie d'excellents renseignements du fait de la collaboration des armateurs français, avec les centres de crise africains, pour leur délivrer l'information qui leur permette d'employer leurs ressources à bon escient.

Votre question sur le golfe arabo-persique, monsieur le député Guilloteau, aurait dû être posée hier au chef d'état-major des armées. Je pense que l'opération en Irak s'inscrira dans la durée. C'est en tout cas ce à quoi nous nous préparons. Au large de la Syrie, nous positionnons un bâtiment depuis trois ou quatre ans. Le Charles de Gaulle, en Libye, a passé 257 jours en mer dans l'année, avec le même équipage et le même groupe aérien. Nous savons nous organiser pour durer sur une zone.

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