Intervention de Amiral Bernard Rogel

Réunion du 8 octobre 2014 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Amiral Bernard Rogel, chef d'état-major de la marine :

L'opération Atalante, dans sa partie maritime, est un succès. Les pays européens ont compris qu'ils avaient un intérêt commun à préserver les flux maritimes dans la zone, et nous sommes parvenus à monter et lancer très rapidement une opération européenne dans la durée.

Il est certain qu'il existe désormais une relation entre la piraterie et le terrorisme, celui-ci étant financé par celle-là. Dans le golfe de Guinée, la piraterie se professionnalise : des bateaux sont kidnappés au mouillage pour être vidés dans des bateaux pirates au large, ce qui s'appelle du soutage illégal, bunkering en anglais, et ce n'est plus du travail d'amateur. Le phénomène voit de nouveau le jour à Malacca, d'où il avait disparu. Ce sont, il convient de le souligner, des actes très violents, avec des pertes dans les équipages de ces pétroliers. Dans le golfe de Guinée, il faudra surveiller la liaison entre cette piraterie et Boko Haram. D'une manière générale, tous les trafics qui passent par la mer, cigarettes, armes, drogue, immigration illégale, alimentent les foyers d'insurrection ou le terrorisme à terre.

S'il se produit encore des attaques, épisodiquement, dans la zone Atalante, aucune n'a réussi cette année. Nous en avons tiré les conséquences en réduisant un peu notre participation à l'opération, de laquelle nous étions, de loin, le premier contributeur, mais nous restons vigilants.

Toute perte des Shebab sur le terrain sera bénéfique pour la lutte contre la piraterie en mer. Mais ce n'est pas des ports, mais des plages, que partaient les pirates. Je ne vois donc pas de liaison directe entre la perte du dernier port qu'occupaient les Shebab et le niveau des actes de piraterie. C'est surtout la vigilance militaire sur la zone, ainsi que notre relation étroite avec les armateurs, assurant le développement de bonnes pratiques telles que l'installation de filets anti-abordage ou la vitesse élevée, qui ont permis de diminuer le niveau d'insécurité.

Le taux de disponibilité pour la flotte de surface est de l'ordre de 90 % pour les bâtiments de projection et de commandement (BPC) et de 76 % pour les frégates. Les résultats sont moins bons pour les SNA, en raison du vieillissement du matériel : si ces SNA ont été prévus pour durer vingt ans, le Rubis en aura trente-huit lorsqu'il sera désarmé. Nous ne pouvons pas faire de miracles, mais nous savons encore entretenir les bâtiments anciens. Les industriels sont naturellement tournés vers l'avenir et le vieillissement, accepté dans le programme, nous oblige à conserver nous-mêmes une capacité d'entretien de nos vieux équipements. Je ne cesse de souligner l'importance du service logistique de la marine, qui concentre désormais toute l'expertise des vieux bâtiments. Vous ne pouvez pas demander à des industriels de s'intéresser aux « armoires normandes » électroniques d'il y a trente ans – même si ce propos est un peu exagéré, les bâtiments se modernisant tout au long de leur vie.

Notre difficulté porte davantage sur le MCO aéronautique. Alors que nous battons déjà tous les records d'ancienneté avec l'Alouette 3, le programme de nouveaux hélicoptères légers ne s'engagera qu'à l'horizon 2030. Les Lynx ont commencé à être remplacés mais, du fait de l'étalement du programme FREMM, les NH90 ne pouvant apponter sur les frégates F70 dont la plateforme n'est pas dimensionnée pour cela, nous sommes obligés de garder des Lynx. Nous travaillons avec les organismes sous tutelle de l'armée de l'air pour faire remonter le niveau de disponibilité.

Je ne prendrai aucun risque avec la sécurité de mes marins. Je suis allé inspecter personnellement, à fond de cale, la frégate De Grasse que nous faisions durer dans l'attente des FREMM, car je trouvais qu'elle vieillissait. Si j'ai un doute sur la sécurité, j'arrêterai les bateaux et il y aura des réductions temporaires de capacité.

S'agissant des choix opérationnels, je vous renvoie au chef d'état-major des armées. Nous sommes déjà déployés sur quatre zones, au lieu de deux. Ce n'est pas non plus une nouveauté. Quand nous sommes intervenus en Libye, nous avons dû désarmer, ponctuellement, des missions de l'action de l'État en mer ainsi que certains concours sur le théâtre atlantique. C'est ce que le Livre blanc appelle la mutualisation. Ces choix, qui pourront être douloureux, appartiennent au chef d'état-major des armées, et je n'interviens qu'à titre d'expert technique.

Les réserves, monsieur le député Vitel, c'est chaque année la même chose : plus elles sont levées tard, plus cela nous met en difficulté. En outre, si les autres armées sont affectées, la marine le sera aussi, car il s'agit d'un équilibre financier global.

Le format du programme BSAH est de quatre navires militaires, pour des missions militaires spécifiques, et de quatre navires civils, en particulier pour la lutte contre la pollution et les missions de l'action de l'État en mer. Le contrat devrait être notifié à la fin de l'année, pour une arrivée des bâtiments fin 2016 ou début 2017. C'est un an plus tard que ce que j'avais souhaité, et cela nous oblige à prolonger le service des remorqueurs Malabar et Tenace, ainsi que des bâtiments de soutien Élan et Gazelle, qui ont tous un âge très respectable.

Les opérations d'infrastructures pour l'accueil des FREMM et des Barracuda sont actuellement menées à Brest et Toulon. Les quais et la station électrique dont nous avons besoin pour ces bâtiments très consommateurs d'électricité impliquent un redimensionnement de nos ports, qui a été prévu au moment où les programmes ont été lancés.

L'IPER du Charles de Gaulle n'est pas encore actée en conseil ministériel d'investissement (CMI) mais je n'ai pas d'inquiétude sur son financement, qui figure dans la LPM.

En ce qui concerne, Monsieur le député Dhuicq, l'utilisation des Atlantique 2 au profit de la dissuasion, nous sommes confrontés à une difficulté ponctuelle, du fait que ces avions, aussi bons pour la surveillance maritime que pour la surveillance de théâtres terrestres, sont très sollicités. Je ne peux que me féliciter de la modernisation programmée de quinze Atlantique 2 sur vingt-deux. L'entretien de ces matériels vieillissants a été compliqué par la défaillance du logiciel Saphir du SIAé ; nous sommes en train d'y remédier, mais la modernisation est pressante. Les sept autres Atlantique 2 ne seront plus utilisés comme avions de patrouille maritime mais comme avions de surveillance maritime.

L'utilisation de ces avions renvoie à la question de la mutualisation. En cas de surchauffe, il faut opérer des choix, et cela relève du chef d'état-major des armées. On ne peut même pas mutualiser au plan européen ces moyens qui sont très rares. Les Britanniques ont par exemple renoncé à leurs avions de patrouille maritime.

La mission en mer Noire est tout autant orientée vers l'Irak que vers l'Ukraine.

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