En effet, c’était eux qui avaient recours aux heures supplémentaires. Or ces différentes mesures avaient permis aux Français de surmonter la crise. La France a été le seul pays où le pouvoir d’achat n’avait pas baissé alors qu’en 2013, il a reculé pour la première fois depuis trente ans. C’est dire que votre politique fiscale a non seulement raté ses cibles, ses objectifs et qu’elle pose aujourd’hui un véritable problème économique.
Quels sont ceux qui ont subi cette hausse de la fiscalité ? Les 2 % des ménages les plus fortunés dont on parlait tout à l’heure ont vu leurs impôts progresser de 8 % par rapport à 2011. Quant aux foyers qui gagnent moins de 50 000 euros par an, ils ont vu leurs impôts augmenter en moyenne de 17 %, soit plus du double. C’est dire si l’impôt sur le revenu est une véritable question.
Vous le savez puisque vous avez décidé, à grand renfort de publicité, de supprimer la première tranche d’imposition alors même qu’avec l’imputation de la décote, peu de ménages y étaient assujettis, ce qui est tout de même un comble.
En fait, comme le démontre Mme la rapporteure générale, la véritable réforme que vous proposez porte sur la décote qui devient beaucoup plus généreuse, et représente un coût de 2,2 milliards d’euros. Elle touche quasiment tous les revenus et sera financée chaque année par la dette. Jusque-là, le mécanisme serait simple. Mais la suppression de la première tranche entraînant un manque à gagner de CSG, vous avez dû modifier la modalité de déclenchement du taux réduit de CSG qui aura un impact à la hausse sur l’impôt de près de 460 000 ménages. Je vous laisse imaginer la réaction de ces contribuables lorsqu’ils découvriront leur feuille d’impôt en septembre 2015.
Au final, les recettes attendues sur l’impôt sur le revenu progresseront de 600 millions. C’est curieux pour un impôt qui devait baisser de 3,2 milliards d’euros. En vérité, tout le monde se perd dans les simulations sur l’impôt sur le revenu. Par construction, les modèles mathématiques de prévisions de recettes – on l’a découvert lors de l’audition des services responsables des prévisions – ne tiennent pas compte des changements de comportement des contribuables. Si les prévisions des modèles diffèrent tant de la réalité, c’est que les changements sont sans doute profonds et considérables.
Le plus grave serait qu’ils annoncent la montée d’un non-consentement à l’impôt qui serait dramatique non seulement pour nos finances publiques, mais aussi pour notre stabilité sociale. La petite musique du « ce sont toujours les mêmes qui payent » est en train de s’amplifier dans notre pays. Prenez-y garde car tout tient autour de la notion cardinale de la démocratie, à savoir le consentement à l’impôt qui est aussi le principal garant de la qualité de notre signature sur les marchés financiers.
On arrive sûrement au bout d’un système. Vous l’aviez du reste ressenti en arrivant aux affaires puisque vous avez engagé une réforme fiscale. Mais aujourd’hui, vous avez choisi de mettre en oeuvre une réforme totalement contre-productive. C’est un chantier qu’il faudra complètement reprendre.
Concernant l’impôt sur les sociétés, je doute qu’avec la montée en puissance du CICE à hauteur de 10 milliards, les recettes ne baissent que de 1,7 milliard en 2015. En effet, nous entrons dans un mécanisme où la créance des entreprises vis-à-vis de l’État s’accumule. Comme Mme la rapporteure générale le souligne dans son rapport, le paradoxe provient du fait que meilleure est l’année, plus le crédit d’impôt peut être imputé, ce qui diminue les recettes affichées au budget.
Mes chers collègues, ce n’est pas de la cavalerie, mais de la comptabilité budgétaire.
Et au fur et à mesure que le mécanisme du CICE monte en puissance, il s’avère que les avantages de sa mise en oeuvre deviennent de redoutables pièges. Or, effet du CICE, je partage l’avis de notre président de commission, à savoir que l’impôt sur le revenu comme l’impôt sur les sociétés sont sans doute en train de s’évaporer. Notre assiette fiscale ne résiste pas aux sirènes des autres pays. Rappelons que l’Irlande est en train de réformer son régime d’impôt sur les sociétés. Au bout du compte, il y a des pays qui affichent des taux sensiblement plus faibles que le nôtre, avec des règles fiscales qui deviennent de plus en plus loyales.
Là aussi, en partenariat avec nos partenaires européens, un travail d’homogénéisation de l’assiette et des taux est indispensable. Vous avez préféré réformer en 2012 et en 2013 l’impôt sur les sociétés en conservant un modèle franco-français. Il faudra, dès que nous le pourrons, s’atteler à une convergence vers la moyenne européenne et au moins entre la France et l’Allemagne.
À défaut de réussir la réforme fiscale que vous appeliez de vos voeux, vous en êtes réduits à nourrir les recettes de votre budget 2015 d’expédients ; ce sont par exemple des prélèvements sur les réseaux consulaires. Au lieu d’engager des réformes de fond sur l’intérêt public des politiques conduites par ces organismes, vous préférez leur faire les poches,…