Intervention de Olivier Carré

Séance en hémicycle du 14 octobre 2014 à 21h45
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Carré :

Je n’ai pas parlé d’imprudence, mais me suis contenté d’indiquer que la France – car il ne s’agit même pas du gouvernement actuel, dont on ne sait pas s’il sera encore là – a mangé son pain blanc dans ce domaine. C’est là un point important, car cela représenterait chaque année une latitude budgétaire de 2 à 3 milliards d’euros, qui seront consommés en intérêts.

En résumé, ce budget 2015 inquiète tous ceux qui regardent notre pays avec bienveillance, voire avec indulgence, et qui le voient aujourd’hui avec agacement. Le Haut conseil des finances publiques vous avait pourtant alerté en avril dernier, en indiquant qu’il souhaitait que soient prises des mesures correctrices de l’écart qu’il constatait entre vos projections et les objectifs assignés par les traités que vous avez signés. Cette procédure d’alerte ne vous a, semble-t-il, pas beaucoup ému, car le Haut conseil avoue être resté sans réponse à ce jour sur ce point : « Le Gouvernement n’a cependant pas présenté de mesures de correction du fait du dépôt d’un nouveau projet de loi de programmation, plus adapté au contexte économique et social ». C’est d’autant plus navrant que ce sont aujourd’hui les instances gouvernementales européennes qui prennent le relais de ces inquiétudes.

Une fois de plus, vous êtes amenés à jouer les équilibristes entre une position martiale à Paris et des négociations dans les coulisses à Bruxelles. Vous avez passé trois lois de finances à donner des gages sans tenir parole quant à la mise en oeuvre de vos réformes. Vous avez certes coché des cases – retraites, santé, flexisécurité, fiscalité du travail et du patrimoine, formation professionnelle, apprentissage, collectivités locales, et aujourd’hui assurance chômage : tous les items ont été abordés –, mais aucun des déterminants qui structurent la dépense publique de chacune de ces politiques n’a été traité correctement.

Comme l’a très bien indiqué le président du Haut conseil des finances publiques, il ne s’agit plus aujourd’hui de mesurer le volume de la dépense, car elle n’est de toute façon pas soutenable, mais de s’interroger sur son efficacité. Force est en effet de reconnaître que c’est la seule piste, exigeante, que nous devons emprunter, à droite comme à gauche. Plutôt que de raboter la politique familiale sans discernement et avec la seule volonté de faire des économies budgétaires, demandons-nous si les bases mêmes de notre modèle familial sont toujours adaptées à la réalité de ce que nous rencontrons tous les jours dans nos circonscriptions.

Plutôt que de relancer d’un côté le logement et de diminuer de l’autre les aides personnalisées au logement – les APL –, demandons-nous si nous utilisons à bon escient les facilités de tous les financements de long terme, dont vous avez rappelé, monsieur le ministre, qu’ils étaient particulièrement opportuns aujourd’hui compte tenu du niveau de taux, et si notre réglementation favorise la fluidité du marché de la construction et de l’immobilier, qui seule permettrait d’abaisser le coût du logement en France.

Plutôt que d’entériner une réforme de la formation professionnelle qui a principalement servi ceux qui ont un emploi, ne faut-il pas veiller à ce qu’elle soit en priorité au service de ceux qui en cherchent un ?

Plutôt que de diminuer à la marge les effectifs de la fonction publique tout en gelant la rémunération des fonctionnaires, ne pensez-vous pas qu’il est temps d’accélérer une véritable gestion prévisionnelle des compétences, de redistribuer du pouvoir d’achat en augmentant le temps de travail dans la fonction publique et de mieux utiliser le gigantesque capital humain au service du public, avant de songer à en augmenter les effectifs ?

Plutôt que de diminuer le congé parental, ne vaudrait-il pas mieux revenir sur la possibilité que les deux parents en bénéficient en même temps ?

La liste est longue. Elle est sur les étagères de la Cour des comptes, qui a des réponses pour chacun de ces chapitres. De fait, la Cour des comptes, la mission d’évaluation et de contrôle et la commission d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale, ainsi que de nombreux rapports, font souvent apparaître un consensus quant au diagnostic, voire à certaines solutions relatives à ce qui pourrait être mis au service des Français. Pourquoi donc s’en tenir toujours à de petites politiques d’ajustement à la petite semaine ?

En 2015, le déficit budgétaire ne découle pas d’une somme d’actes volontaires, mais d’une somme de renoncements. Ce budget, dans son ensemble, n’est à la hauteur ni de la situation d’aujourd’hui, ni des enjeux de demain.

À l’automne 2011, au cours du débat sur le projet de loi de finances pour 2012, un député – un certain François Hollande – martelait les phrases suivantes à l’adresse de la majorité d’alors : « Vous avez perdu du temps. Vous avez accumulé des mesures sans cohérence autre que le rendement immédiat. Vous avez affiché des objectifs hors d’atteinte. Vous avez caché qu’il faudra demander aux Français les efforts nécessaires pour redresser les comptes publics. Vous avez taxé une partie de la classe moyenne sans faire comprendre le sens de vos mesures ». Si telle était l’impression qu’il avait de la situation voici trois ans, force est de constater qu’il n’en a pas tiré de leçons. Rien que cela, chers collègues, vaudrait la peine que nous en discutions en commission.

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