Intervention de Paul Giacobbi

Séance en hémicycle du 14 octobre 2014 à 21h45
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Giacobbi :

Le président de notre groupe devant intervenir sur le projet de loi de finances, je me bornerai à quelques observations sur la loi de programmation des finances publiques.

La programmation des finances publiques est une construction intellectuelle qui emprunte beaucoup aux mathématiques, ce qui lui donne une apparence de rigueur, tout en omettant de tenir compte de données fondamentales et incontournables, ce qui rend les projections à ce point erronées qu’elles en deviennent poétiques. Dans le genre de la fiction poétique cependant, nous sommes encore loin de 1’ Office of management and budget des États-Unis d’Amérique.

Au nombre des données fondamentales que nous omettons de prendre en compte dans cette odyssée financière, ce scénario dont nous savons bien qu’il ne se réalisera pas, il y a le fait que, sur une période de cinq ans et en l’absence de tout dynamisme de croissance, les restrictions budgétaires produisent un effet déflationniste. La situation actuelle de l’Europe en est une magnifique illustration.

Certaines théories, d’ailleurs controversées, comme celle des professeurs Rogoff et Reinhart, prétendent que la rigueur produit des effets de croissance au-delà de sept ou huit ans. Cependant, outre que nos projections ne dépassent pas cinq ans, l’expérience récente des cures budgétaires européennes nous conduit à constater que le remède tue le malade avant de le guérir – je mets à part le cas de pays comme la Grèce qui, dans l’absence de réelles structures économiques, n’est pas significatif à cet égard.

En second lieu, nous feignons de croire que la croissance sera mécaniquement relancée par de simples allégements de charges, présents ou futurs. Sans nier la possibilité d’un effet positif de l’allégement des charges, on peut dire qu’il ne produira que peu de résultats en l’absence de réformes structurelles visant à restaurer la fluidité du marché du travail et l’attractivité de l’investissement en France.

Au-delà des incantations, des pavés jetés dans la mare tous les deux jours environ, des pétitions de principe sur le « business » que l’on aime et le « bashing » que l’on déplore – tout cela dans le respect de la loi Toubon –, la flexibilité du marché du travail doit être restaurée, comme le soulignait Jean Tirole, nouveau lauréat du prix d’économie décerné en souvenir d’Alfred Nobel, en s’appuyant sur une analyse scientifique de la connaissance des acteurs.

Celui-ci si déplore par exemple qu’un juge, qui n’a aucune compétence dans ce domaine, puisse avoir à apprécier la validité d’un choix économique de licenciement, alors que, selon lui, cet acte devrait être libre, quitte à demander à l’entreprise d’en supporter les conséquences financières à travers la prise en charge de l’indemnisation du chômage. Une telle solution n’est ni libérale, ni irresponsable pour l’entreprise, mais elle est juste.

Quant à l’attractivité, elle suppose la confiance, qui est loin d’être revenue, en tout cas chez les investisseurs étrangers. Même les capitaux français préfèrent s’investir à l’étranger quand ils en ont la possibilité.

Plutôt que de réformer sans trop le dire ou de réformer progressivement dans le cadre de concertations, vous procédez par effets d’annonce successifs suivis par autant de crises de nerfs corporatistes et de reculades.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion