Intervention de Jean-François Lamour

Séance en hémicycle du 14 octobre 2014 à 21h45
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-François Lamour :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, personne ne peut se réjouir de la situation économique et budgétaire de la France. Nous n’en avons pas moins le devoir de critiquer la politique qui nous a menés là où nous en sommes : matraquage fiscal, renoncement à toute stratégie d’économies structurelles, érosion des recettes, absence totale de lucidité et même de sincérité sur le plan des finances publiques.

Tout cela, nous le dénonçons avec vigueur depuis plus de deux ans, bien avant la Commission européenne, notamment par la voix de notre président de la commission des finances, Gilles Carrez. Mais à aucun moment, nous n’avons été entendus. Aujourd’hui, le Président de la République et son Premier ministre voudraient donner un nouveau tour à leur politique. La vérité est qu’ils n’en sont plus capables : après deux ans d’un exercice hésitant du pouvoir, ils ont enclenché le pilotage automatique et semblent condamnés à espérer une reprise de plus en plus fragile, et dont on voit bien qu’elle doit venir d’ailleurs.

Pour illustrer cette désinvolture, je souhaiterais, comme mon collègue Xavier Bertrand, consacrer mon intervention au budget de la défense, qui requiert toute notre attention en raison du contexte particulier qui préside à son exécution. Une première alerte a déjà été donnée il y a quelques mois. Souvenez-vous, monsieur le secrétaire d’État : lors de l’examen du dernier projet de loi de finances rectificative, je vous ai interrogé sur le devenir des 417 millions d’euros de ressources exceptionnelles, qui avaient été votées en loi de finances pour 2014, mais qui avaient été utilisées pour régler des dépenses de 2013, au titre de la Direction des applications militaires du Commissariat à l’énergie atomique. En résumé, ce sont seulement 1,1 milliard d’euros qui ont été consacrés à ces ressources exceptionnelles pour 2014, au lieu de 1,5 milliard. Alors que nous entamons l’examen du projet de loi de finances pour 2015, je ne peux que regretter qu’aucune réponse ne m’ait été faite sur ce point.

J’espère que nos débats permettront d’éclaircir un certain nombre des zones d’ombre entourant ces ressources exceptionnelles, qui ne représentent pas moins de 3,5 % du budget de la défense pour la période 2014-2019, et près de 30 % des crédits des principaux programmes d’armement pour la période 2015-2017. L’année prochaine, la bonne exécution de la loi de programmation militaire risque en effet d’être à nouveau mise en péril par l’absence de ces ressources exceptionnelles, qui devaient émaner notamment de la vente attendue des fréquences de 700 mégahertz. Nous parlons là de 2,1 milliards d’euros, sur les 31,4 milliards théoriquement garantis au budget de la défense par le Président de la République lui-même ! C’est peu dire, mes chers collègues, que nous ne sommes plus dans l’épaisseur du trait !

Répondant à une question que je lui posais dans l’hémicycle, le ministre de l’économie a confirmé la semaine dernière que la solution des sociétés de projet était à l’étude pour compenser l’absence de ces recettes issues des ventes de fréquences en 2015. Le rôle de ces sociétés dotées de fonds publics et privés serait d’acquérir des matériels militaires pour les louer ensuite à nos armées. Si je ne suis pas hostile par principe au recours à des investisseurs privés pour financer des matériels à vocation duale, civile et militaire, je crois néanmoins, monsieur le ministre, que cette méthode soulève un certain nombre d’interrogations. Vous ne nous avez pas répondu sur ce point en commission des finances, mais vous aurez l’obligation de le faire, et vous devrez apporter des précisions à la représentation nationale.

Nous sommes tous d’accord sur ces bancs pour dire que les crédits promis à notre défense doivent être au rendez-vous, à l’euro près. De même, nous nous rejoindrons sans doute sur la nécessité absolue de préserver l’autonomie stratégique de la France dans le domaine de l’armement. Or les règles de composition de l’actionnariat des futures sociétés de projet n’ont pour l’instant pas été précisées. Elles devront pourtant l’être, car si l’État est actionnaire minoritaire pour les achats portant sur des équipements essentiellement civils, qu’en sera-t-il par exemple du MRTT, Multi Role Tanker transport, cet avion civil militarisé présent aujourd’hui en Irak, et qui participe à notre dissuasion nucléaire par sa fonction de ravitailleur en vol ?

Mes chers collègues, je rappellerai en conclusion que, plus peut-être que n’importe quel autre périmètre d’action de l’État, la défense a besoin de prévisibilité, donc de stabilité dans ses modes de financements. Et ceci, monsieur le ministre, devrait vous amener à sécuriser l’exécution de la loi de programmation militaire en limitant le recours aux ressources exceptionnelles, comme vous y invite d’ailleurs la Cour des comptes de manière constante, et comme nous vous le demandons depuis plusieurs mois dans cet hémicycle. C’est une nécessité pour nos troupes, actuellement engagées sur plusieurs théâtres d’opérations dans des conditions souvent difficiles sur le plan matériel.

Telles sont, mes chers collègues, les observations particulières au budget de la défense que je souhaitais formuler au seuil de nos débats. Il s’agit d’un budget symbole, monsieur le ministre, le symbole de votre acharnement à transformer nos armées en simple variable d’ajustement !

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