Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je vous invite ce soir, au moment où nous entamons la discussion budgétaire, à partager avec moi une pensée toute particulière pour Joseph Caillaux, notre illustre prédécesseur, père de l’impôt sur le revenu que le Sénat finit par adopter voici cent ans.
Caillaux, qui était un modéré, fit voter cette grande avancée sous l’impulsion de la gauche. Mon propos est presque pour M. Taugourdeau : pourquoi insister sur cet anniversaire ? Simplement parce que la question des prélèvements demeure notre principal clivage. C’était déjà le cas à l’époque et les raisonnements d’aujourd’hui ne changent pas. La simple idée d’un impôt correcteur des inégalités sociales, l’impôt progressif, créait la discorde à l’époque. La concentration de l’impôt était dénoncée comme aujourd’hui : le barème appliqué aux revenus supérieurs à 5 000 francs visait 500 000 personnes. Aujourd’hui nos collègues nous reprochent de réduire la contribution de plus de 6 millions de foyers fiscaux et, par le jeu de toutes nos mesures de bas de barème, de l’éviter à 9 millions de foyers. Vous le voyez, rien ne change.
Aujourd’hui, nos collègues nous parlent du consentement à l’impôt. J’ai recherché les débats de l’autre siècle. Caillaux dénonçait les égoïsmes des gens de bourse, le camp de la presse instrumentalisé par les droites, le monde des affaires. Non, décidément, rien ne change.
Aujourd’hui, malheureusement, l’impôt n’est pas à la mode, ni parmi nous, sur tous nos bancs, ni dans la population, ni dans les autres pays. La question est profondément idéologique. Tout le monde semble avoir perdu le sens de l’impôt et de sa fonction redistributrice. Pourtant dans un grand élan national, plus près de nous, juste après la Libération, le taux appliqué à la tranche la plus élevée des revenus n’était-t-il pas de 70 % ?