Intervention de Jean-Marc Sauvé

Réunion du 8 octobre 2014 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'état :

Merci de vos appréciations sur notre travail.

Je rappelle que sur ce sujet, nous ne partons pas de rien : nous nous sommes appuyés sur la réflexion procurée par les travaux parlementaires ou des institutions européennes et internationales, auxquels je tiens à rendre hommage. D'ores et déjà, certaines autorités, comme le Défenseur des droits, ont indiqué que de nouvelles propositions seraient faites, ce dont nous nous réjouissons.

S'agissant de l'autorité de contrôle des services de renseignement, nous ne visons que les moyens d'investigation spéciale dont ils disposent et n'entendons pas traiter le sujet plus vaste du contrôle de ces services, qui relève du Parlement.

Quant à l'autodétermination informationnelle, qui est une traduction littérale d'« Informationnelle Selbstbestimmung », elle doit permettre aux personnes de disposer des informations nominatives qui les concernent. Ce droit est seul de nature à garantir la protection de la vie privée. Car si nous patrimonialisions ces données, elles pourraient se céder et la personne n'en disposerait plus. Reste qu'un travail d'approfondissement complémentaire mérite d'être conduit : le rapport ne peut tout dire.

Par ailleurs, quand on parle d'action de groupe, en règle générale, on fait référence à la réparation de préjudices et à des enjeux patrimoniaux et financiers. Cette action débouche sur un jugement déclaratoire de responsabilité, alors que l'action collective aurait un champ d'application plus vaste : il s'agit de réparer des préjudices variés, qui peuvent être patrimoniaux mais aussi moraux.

Concernant le déréférencement, il s'oppose au droit à l'effacement. Nous considérons que le risque actuel est d'atteindre à la vie privée : il faut protéger les citoyens contre le risque procédant d'un référencement ainsi que d'une mémorisation et d'une diffusion perpétuelles de liens permettant de se connecter à des données qui devraient rester privées. Mais il convient là encore de trouver un juste équilibre entre la liberté d'expression et la protection de la vie privée. Or, si nous allions trop vite vers l'effacement des données, cela pourrait être assimilé à une censure et constituer une atteinte grave à la liberté d'expression. L'enjeu est d'arriver à un déréférencement effectif : ce n'est pas une mince affaire d'être déréférencé dans Google.com et non, seulement, dans Google.fr.

Madame Dumont, nous ne proposons pas de constitutionnalisation des droits liés à la protection des données. Notre démarche s'inscrit dans celle du Conseil constitutionnel, qui, à partir du corpus de la Déclaration des droits de l'homme et des principes constitutionnels, peut assurer un contrôle effectif de la législation sur les fichiers et la protection des données.

En revanche, il nous paraît important de donner à la CNIL un pouvoir de promotion des technologies de protection : les autorités indépendantes sont régies par un principe de spécialité et elles ne peuvent pas, sans habilitation du législateur, se donner des pouvoirs qui ne leur ont pas été reconnus.

Monsieur Belot, il faut que nous arrivions à un nouvel équilibre dans les relations transatlantiques. Le « Safe Harbour » présente deux limites : les recommandations des normes de droit souple qu'il comporte apparaissent comme d'un niveau généralement regardé comme insuffisamment protecteur de la vie privée et des données personnelles et il repose trop exclusivement sur l'autocontrôle. Il faudrait progresser sur ces deux points.

Enfin, nous proposons d'agir dans le cadre de l'Union européenne pour définir un corpus de règles sur la protection des libertés et la garantie de la sécurité, opposables aux opérateurs, quelle que soit la loi du pays d'établissement de ceux-ci. On ne peut y parvenir qu'en promouvant la notion de « loi de police », qui s'applique dans un cadre territorial déterminé. Mais nous n'entendons pas substituer la loi du pays de destination à celle du pays d'origine.

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