Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 1er octobre 2014 à 16h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense :

Mon agenda est, en effet, contraint par mon départ aux États-Unis, où je dois rencontrer mon homologue Chuck Hagel, secrétaire à la Défense, Susan Rice, conseillère à la sécurité nationale, et Ban Ki-moon, Secrétaire général de l'Organisation des Nations unies. Il sera d'autant plus intéressant de vous revoir après ces entretiens.

Le PLF s'inscrit résolument dans la mise en oeuvre du Livre blanc de 2013 et de la loi de programmation militaire. Les principales analyses que nous avions alors présentées et débattues sont vérifiées par l'actualité, parfois de manière dramatique, ce qui ne peut que renforcer nos orientations de fond.

La LPM pour 2014-2019 a l'ambition de concilier sur le long terme notre autonomie stratégique et notre souveraineté budgétaire. Elle a défini un modèle d'armée reposant sur la capacité à faire face à une triple mission : la protection du territoire et de la population, la dissuasion nucléaire contre les menaces visant nos intérêts vitaux, l'intervention au titre de notre sécurité extérieure et de nos responsabilités internationales.

Il y a un an, d'aucuns, peu nombreux il est vrai, avaient critiqué nos décisions au motif qu'elles ne faisaient pas de choix. Ce modèle d'armée et cette LPM traduisent, au contraire, le choix fondamental du président de la République de ne renoncer à aucune des trois missions que je viens d'énoncer. Après l'Ukraine, le Sahel, l'action contre le prétendu État islamique et ses imitateurs au Moyen-Orient et ailleurs, et devant la montée d'autres périls, qui pourrait encore soutenir qu'il fallait renoncer à l'une de ces missions, à l'une de nos grandes capacités ou aux inflexions que nous avons introduites pour compenser des faiblesses identifiées par le Livre blanc ?

La loi de finances pour 2015 s'inscrit dans le même projet global pour notre défense. Elle repose sur le même équilibre très tendu et relève des défis importants, auxquels je porte une attention quotidienne et spécifique.

Le texte met en oeuvre d'importantes déflations d'effectifs. Il maintient un niveau de préparation opérationnelle suffisant. Il gère le vieillissement de nombreux matériels, tout en renouvelant ou en préparant le renouvellement d'un grand nombre d'équipements. Il transforme des organisations, tout en veillant à l'acceptabilité sociale des mesures. Ces chantiers sont lancés. J'entends m'y consacrer pleinement, car l'enjeu est grand pour l'excellence de nos armées.

La situation géopolitique actuelle, chacun le sait, particulièrement dans cette commission, est d'une exceptionnelle gravité. La France et, au-delà d'elle, l'Europe, sont engagées simultanément sur trois fronts d'insécurité majeurs.

Le premier est le terrorisme d'inspiration djihadiste, dont la menace s'étend du Pakistan au Moyen-Orient et au Levant, de la Corne de l'Afrique au Maghreb, de la Libye au golfe de Guinée. En Irak et en Syrie en particulier, l'organisation terroriste Daech, dont nous avons parlé ici même le 17 septembre puis lors du débat organisé en application de l'article 35 de la Constitution, atteint des degrés de maîtrise territoriale, d'organisation, de capacité financière et d'équipement encore jamais vus. La France, déjà engagée au Sahel pour contrer directement Al-Qaïda, s'est placée à la pointe de la mobilisation internationale. Le lâche assassinat d'Hervé Gourdel n'a fait que renforcer notre détermination et celle de la Nation.

Le deuxième front est celui que le Livre blanc nomme les « menaces de la force ». Je ne peux que constater avec vous une montée en puissance des dépenses militaires dans le monde hors d'Europe, corrélative à l'attisement des sentiments nationalistes et des tensions territoriales. Tel est le cas en Asie, mais aussi à l'est de l'Europe, où la politique d'affirmation de puissance de la Russie, l'annexion de la Crimée et la pression militaire directe à l'est de l'Ukraine constituent un tournant majeur pour la sécurité européenne.

Le troisième front, que le Livre blanc a appelé les « risques de la faiblesse », confirme de manière spectaculaire le phénomène des États en faillite. Des régions entières deviennent un terreau favorable pour les crises, la guerre civile et tous les trafics. La République centrafricaine où nous intervenons depuis décembre, la Libye où règne la confusion la plus totale et la situation dans la corne de l'Afrique témoignent de l'actualité de cette question.

Dans ce contexte, et alors que les tensions sur nos finances publiques ne faiblissent pas, il faut tout faire pour que les capacités opérationnelles nécessaires à nos forces armées et à nos services de renseignement soient aux rendez-vous fixés par la LPM.

Il s'agit, en premier lieu, de préparer la remontée du niveau de préparation opérationnelle et de traduire les priorités de la LPM au profit du renseignement, des forces spéciales, de la mobilité aérienne et tactique et de la cyberdéfense.

Il s'agit également de répondre à l'impératif industriel qui fait partie intégrante de notre modèle de défense, de notre projet en matière d'autonomie stratégique et, au-delà, de notre volonté plus large de dynamiser l'économie, de contribuer à la recherche et au développement technologique et de préserver l'emploi.

Permettez-moi de commencer par les évolutions qui marqueront nos capacités militaires. Notre dispositif militaire extérieur se redéploie, notamment en Afrique. Cette évolution, déjà exposée devant vous, vise un objectif stratégique et opérationnel. Elle concentre les moyens sur deux zones d'intérêt prioritaire : le golfe arabo-persique et la bande sahélo-saharienne. C'est dans ce cadre qu'est intervenu, le 1er août, le lancement de l'opération Barkhane. Un processus de régionalisation vise à décloisonner notre action pour l'adapter aux modes d'action terroristes, en nous appuyant à la fois sur le Mali, le Niger, le Burkina Faso, la Mauritanie et le Tchad. Quant au dispositif de forces prépositionnées en Afrique, il poursuivra sa mutation. Il sera prochainement constitué de deux bases opérationnelles avancées, Abidjan et Djibouti, et de deux pôles opérationnels de coopération, Dakar et Libreville.

S'agissant de nos investissements et des programmes d'équipement, le mouvement de modernisation doit continuer. Je pense d'abord aux programmes qui auront été lancés avant la fin de 2014 : Scorpion, dans le domaine du combat terrestre, l'Airbus A330 MRTT (Multi Role Tanker Transport), dans le cadre du renouvellement indispensable de la capacité de ravitaillement en vol – ce sera fait dans quelques semaines -, le missile balistique M51, pour le développement d'une nouvelle version, et le Barracuda, pour la commande du quatrième sous-marin.

En 2015, notre effort permettra de concrétiser les grandes priorités de la LPM, avec plusieurs commandes, parmi lesquelles le système de renseignement par satellite CERES, un deuxième système de drone MALE Reaper, le système de drones tactiques (SDT), huit avions multirôle MRTT sur les douze que prévoit la LPM, la rénovation de onze avions de patrouille maritime Atlantique 2, ou encore les bâtiments de soutien et d'assistance hauturiers (BSAH). L'année 2015 verra également le lancement du système de communication par satellite COMSAT NG.

Au chapitre des livraisons, la loi de finances intègre enfin l'arrivée de quatre avions A400M, de huit hélicoptères NH90, de onze avions Rafale, de quatre hélicoptères Tigre, d'une frégate multimission FREMM et des vingt-cinq derniers véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI). L'année 2015 est donc importante pour le renouvellement de nos capacités majeures.

Elle verra aussi se poursuivre la réforme de la gouvernance et de l'organisation du ministère. J'ai eu l'occasion de vous dire l'importance de cet enjeu.

J'ai identifié cinq domaines prioritaires : la gestion des ressources humaines, l'organisation de la chaîne financière, l'organisation des soutiens en bases de défense (BdD), le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels, et les relations internationales et stratégiques.

Au-delà de ces cinq fonctions prioritaires, j'ai lancé trente et un projets. Tous ont pour objet d'améliorer la gouvernance du ministère, de rationaliser l'administration et de mutualiser les soutiens, tout en maintenant la qualité de service. Ces chantiers portent sur l'ensemble des domaines, des archives à l'action sociale, des opérateurs aux postes permanents à l'étranger, en passant par la formation et l'habillement.

La conduite de ces projets est une condition essentielle pour respecter l'équilibre de la loi de programmation. Les deux tiers des déflations nouvelles décidées par la nouvelle LPM concernent le soutien et l'administration, et un tiers, les unités opérationnelles. L'atteinte effective de ces objectifs conditionne la cohérence et partant la pérennité de notre défense.

La bonne exécution de la LPM appelle enfin, vous le savez mieux que quiconque, le soutien sans réserve de la Nation et de ses représentants. C'est pourquoi je souhaite aborder tous les sujets avec vous. Vos avis et vos propositions seront précieux, notamment pour l'actualisation de la programmation, prévue avant la fin de l'année 2015.

Ce travail, que nous conduirons ensemble, visera à apporter des réponses aux différentes clauses de rendez-vous prévues dans la LPM, qui touchent la réalisation des exportations, le niveau d'activité opérationnelle ou le rythme de réalisation de certains programmes. Il permettra aussi de prendre en compte les évolutions intervenues depuis l'été 2013 et les retours d'expérience de nos forces en opération.

J'en viens au volet financier de l'exécution de la LPM, en insistant sur le fait que le budget triennal est conforme à la loi, dont il permettra l'exécution intégrale. Conformément aux engagements réitérés du président de la République, les plafonds de crédits de la mission « Défense » qui figurent dans le budget triennal pour 2015-2017 garantiront la mise en oeuvre intégrale de la loi de programmation militaire pour cette période. Dans le contexte économique difficile que nous connaissons, et compte tenu de l'effort sans précédent de rétablissement structurel des comptes publics, ce choix de sanctuariser la programmation de notre défense, c'est-à-dire de préserver sa trajectoire financière, mérite d'être souligné.

Les annuités 2015, 2016 et 2017 du budget triennal sont conformes, toutes ressources confondues, à la trajectoire prévue par la LPM. Elles comprennent une enveloppe totale de 94,3 milliards de crédits sur le triennal, avec 31,4 milliards en 2015, ces montants s'entendant hors charges de pensions et comprenant les recettes exceptionnelles.

Les enveloppes respectives de crédits budgétaires et de recettes exceptionnelles ont toutefois été aménagées par rapport aux montants inscrits à l'article 3 de la LPM, les recettes exceptionnelles ayant été augmentées de 500 millions chaque année, en compensation d'une réduction annuelle, à due concurrence, des crédits budgétaires sur les trois ans. Néanmoins ces crédits connaîtront une progression de 500 millions en 2016, puis de 600 en 2017, comme prévu par la LPM, dans un contexte de diminution en valeur des crédits de nombreux ministères.

En 2015, les ressources de la mission « Défense » s'élèveront donc à 31,4 milliards de crédits de paiements, dont 2,3 milliards de recettes exceptionnelles. Dans le PLF pour 2015, ces recettes exceptionnelles sont notamment composées, à hauteur de 2,1 milliards, de recettes sur le compte d'affectation spéciale (CAS) « Fréquences », qui doit recevoir le produit de la mise aux enchères de la bande de fréquences dite des 700 mégahertz, ainsi que les redevances versées par les opérateurs privés au titre des cessions de fréquences déjà réalisées. Elles sont également composées, à hauteur de 0,2 milliard, de recettes issues de la cession d'emprises immobilières.

Toutefois, si le Premier ministre a lancé la procédure destinée à concrétiser le plus vite possible la cession de la bande des 700 mégahertz, nous savons que les multiples contraintes, techniques, juridiques et internationales, liées à ce dossier sont importantes et qu'il faut nous prémunir dès maintenant de tout glissement de calendrier. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de mettre en oeuvre, dès 2015, des solutions innovantes d'acquisition de matériels militaires, permettant de mobiliser le produit de cessions de participations d'entreprises publiques, ainsi que le prévoient l'article 3 de la LPM et le paragraphe 5.1 du rapport annexé.

Une des solutions les plus intéressantes serait de s'appuyer sur une société de projet. La réflexion que nous avons conduite vise à définir la meilleure utilisation possible du produit des cessions de participations de l'État. Or la LOLF impose que ces produits soient réutilisés par des opérations d'investissement en capital. Une formule consiste à mettre en place une ou plusieurs sociétés de projet conduisant notamment des opérations de location de certains équipements militaires au bénéfice du ministère de la Défense, par analogie avec les projets de mise à disposition de matériels dans le secteur privé.

La ou les sociétés de projet seraient créées avec un capital financé en partie par l'État, à partir des recettes des cessions de participations, en partie par des investisseurs privés. Elles rachèteraient aux armées des équipements, y compris en cours de construction et pas encore livrés, ce qui générerait une rentrée d'argent, soit une recette exceptionnelle pour le budget de l'État, et loueraient ensuite les équipements au ministère de la Défense.

La mise en oeuvre de ces différentes solutions doit permettre la mobilisation effective des 5,5 milliards de recettes exceptionnelles inscrites sur la période 2015-2017. L'enjeu essentiel est de garantir en toute hypothèse la disponibilité des ressources nécessaires pour poursuivre la modernisation de l'équipement des forces armées et pérenniser l'excellence de notre base industrielle et technologique de défense. On s'assurera ainsi que les matériels prévus par la LPM seront livrés à temps.

Ce dispositif aurait pour avantage de garantir aux industries des flux de paiement conformes à la LPM en assurant le maintien de la capacité de production et la préservation de l'outil industriel. Il pourrait aussi permettre, en fonction du choix des équipements identifiés, de conforter notre offre à l'exportation.

Cette solution innovante de la société de projet appelle le règlement de nombreuses questions techniques, tant industrielles que juridiques et financières. Mon ministère et celui de l'Économie sont mobilisés pour garantir, conformément à la volonté du président de la République, la trajectoire financière de la LPM. Je reviendrai devant le Parlement pour décrire le schéma que nous aurons retenu, aussitôt que les détails en seront stabilisés. Les réticences qui s'étaient exprimées dans un premier temps semblent dépassées. Je souhaite que le dossier aboutisse dans un calendrier qui permette la consommation effective des ressources attendues en 2015.

Dans ce contexte, les priorités de la LPM seront poursuivies sur les bases prévues, qui visent à orienter notre défense vers l'avenir. Vous me permettrez d'en rappeler quelques-unes.

La première concerne la préparation et l'activité opérationnelle. Les crédits d'entretien programmé des matériels progressent de près de 4,5 % en 2015 par rapport à 2014, pour s'établir à 3,2 milliards d'euros. En outre, plusieurs chantiers majeurs ont été engagés pour diminuer les coûts de MCO, tant dans le domaine des achats que dans celui de la logistique, particulièrement de la chaîne logistique (supply chain). L'objectif est de dégager des ressources budgétaires pour faire progresser, à partir de 2016, le niveau d'activité de nos forces vers les normes définies dans la LPM.

Vous avez peut-être pris connaissance du rapport récent de la Cour des comptes sur le MCO des matériels militaires. Lors de la phase contradictoire engagée avec la Cour, j'ai indiqué que je souscrivais à ses observations tout en relevant que nombre d'entre elles s'inscrivaient dans la ligne de la réforme déjà engagée. Ainsi, j'ai instauré une logique de pilotage par milieu. Compte tenu du poids budgétaire du MCO aéronautique, j'ai confié au chef d'état-major de l'armée de l'air, par délégation du chef d'état-major des armées, la responsabilité et le contrôle de ce MCO, qui englobera les besoins aéronautiques de chacune des armées. Le projet de modernisation de la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD) prévoit de développer l'expertise du MCO aéronautique et de changer la logique contractuelle, en négociant avec les industriels des contrats couvrant plusieurs flottes, en optimisant leur durée et en y introduisant des critères de performance engageant les industriels à garantir un seuil opérationnel.

La deuxième grande priorité concerne l'équipement des forces et la R&D. Les crédits de celle-ci passent de 16,4 milliards en loi de finances initiale pour 2014 à 16,7 milliards dans le PLF pour 2015. Conformément aux conclusions du Livre blanc de 2013, cette progression vise à poursuivre la modernisation de nos armées et le renouvellement des matériels, tout en assurant un niveau d'investissement suffisant pour garantir la sauvegarde de tous les secteurs industriels majeurs.

La troisième priorité porte sur la cyberdéfense et le renseignement. Nous poursuivons l'effort engagé en matière de recrutement, d'acquisition d'équipements spécialisés, de développement des capacités de recueil, de traitement et de diffusion du renseignement.

La dotation aux opérations extérieures (OPEX) s'élèvera en 2015, comme en 2014, à 450 millions, ainsi que le prévoit la LPM. La réorganisation de nos forces stationnées à l'étranger doit contribuer à cet objectif.

Au-delà des aléas inhérents à ces opérations, le ministère met en oeuvre des mesures de rationalisation. L'une d'elles est le désengagement des forces françaises de certaines opérations extérieures : le désengagement d'Afghanistan sera effectif à la fin de l'année ; l'opération au Kosovo a pris fin en juin ; l'opération Licorne en Côte d'Ivoire s'achèvera le 1er janvier 2015 ; nous avons déjà fermé le centre médico-chirurgical de l'opération Tamour en Jordanie et réduit notre participation à l'opération Atalante, qui vise à lutter contre la piraterie dans la corne de l'Afrique. Une autre mesure de rationalisation est le réaménagement de nos forces prépositionnées en Afrique, avec une baisse des effectifs au Gabon et à Djibouti, et la création d'une base opérationnelle avancée en Côte d'Ivoire. Pour autant nous tenons compte des travaux de votre commission, notamment sur Djibouti.

Bien sûr, et c'est toute l'actualité qui nous occupe par ailleurs, des décisions postérieures à l'élaboration de la LPM et du PLF pour 2014 ont engendré des surcoûts au titre des OPEX. C'est pourquoi 2014 est une année de transition pour notre dispositif.

Indépendamment des développements récents en Ukraine, au Levant et en Afrique occidentale, le chiffrage global du surcoût prévisionnel de nos interventions fin 2014 est en cours de consolidation dans le cadre des travaux de fin de gestion. Le 31 août, la consommation effective au titre des surcoûts des OPEX s'élevait à 743 millions d'euros. Le surcoût prévisionnel total devrait avoisiner 1,1 milliard en 2014.

En tout état de cause, le financement des surcoûts excédant la dotation initiale de 450 millions inscrite en loi de finances est garanti par la clause de sauvegarde de la LPM, qui prévoit que les OPEX non budgétées font l'objet d'un financement interministériel. L'enjeu est de préserver les crédits d'investissement du ministère. Ce fut le cas en 2013 et ce le sera à l'avenir.

La préservation de la trajectoire financière de la LPM ne doit pas masquer la contribution majeure du ministère au redressement des finances publiques, qui lui impose un niveau d'effort, programmé sur six ans, que je n'hésite pas à qualifier de considérable. Cette contribution se traduit, en 2015, par 7 500 réductions d'emplois. De plus, nous poursuivons nos efforts importants de maîtrise de la masse salariale, qui baissera de 270 millions par rapport à la LFI pour 2014. Une telle baisse, consécutive à celle dont je vous ai rendu compte pour 2013, est sans précédent.

La réalisation de ces objectifs s'appuie sur de nouvelles mesures d'aide au départ ainsi que sur une réforme ambitieuse de la gouvernance des ressources humaines. J'ai, en effet, pris la décision de rénover les principes et les modalités de gestion de la masse salariale. Par le passé, certaines réductions d'effectif ont pu se traduire par une augmentation paradoxale des dépenses, ce qui a pu irriter Bercy. Les crédits de personnel du ministère seront désormais regroupés au sein du seul programme 212 « Soutien de la politique de la défense », placé sous la responsabilité du secrétaire général pour l'administration. Les crédits seront répartis au sein de budgets opérationnels de programme, établis par gestionnaire et non plus par employeur.

La contribution du ministère au redressement des comptes publics passe également par des renégociations industrielles. Celles-ci, qui portent sur la quasi-totalité des grands contrats d'armement, recherchent le meilleur équilibre entre la préservation dans la durée de notre capacité à développer et à produire des systèmes d'armes, et la satisfaction du besoin capacitaire exprimé par les armées.

Cette contribution du ministère se traduit enfin par des réorganisations profondes : les trente chantiers de réforme que j'ai déjà évoqués ; le regroupement des états-majors et services centraux de la Défense sur le site de Balard en 2015, qui contribuera à l'amélioration et à la rationalisation de la gouvernance du ministère ; les nouvelles restructurations, dont le détail sera rendu public au cours des prochaines semaines.

Je terminerai sur le défi des ressources humaines, au coeur de tous les enjeux que je viens d'évoquer.

Le PLF prévoit une diminution d'effectifs strictement conforme à la LPM. En 2015, le plafond des effectifs budgétaires du ministère de la Défense s'élèvera à 266 000 emplois, répartis à raison de 76 % en emplois militaires et de 24 % en emplois civils. La suppression nette de 7 500 emplois en 2015 intègre la création de 242 emplois dans les domaines stratégiques du renseignement ou de la cyberdéfense.

Le ministère sera encore, en 2015, l'un des premiers recruteurs de l'État. Il prévoit de procéder à 16 000 recrutements, qui permettront à nos armées de rester jeunes et performantes.

Un rééquilibrage entre effectifs civils et militaires a été engagé pour tenir compte du besoin de personnels civils dans les fonctions d'administration générale et de soutien. À ce titre, plus de 200 transformations de postes militaires en postes civils sont prévues, en complément d'un rééquilibrage des réductions programmées concernant plus de 300 postes.

Cet effort majeur de ressources humaines doit être soutenu par des aides concrètes. Des mesures d'accompagnement social sont prévues pour le personnel concerné, à qui nous devons la plus grande attention. En 2015, 205 millions seront consacrés à ces mesures d'accompagnement, dont 120 millions au profit du personnel militaire. Ce seront autant de leviers pour renforcer la reconversion. Ces mesures comprendront aussi des incitations financières au départ et à la mobilité. Par ailleurs, des reclassements dans les fonctions publiques concerneront plus de 2 100 personnes par an pour le personnel militaire.

Au titre du plan d'amélioration de la condition du personnel, j'ai souhaité maintenir en 2015 l'effort en faveur du logement dans les zones de forte tension du marché locatif. Nous mettrons à disposition 600 à 700 logements supplémentaires. Nous poursuivrons aussi l'amélioration des conditions d'hébergement, en créant notamment 400 lits en Île-de-France. J'ai également décidé de créer 294 places de crèches et de développer l'accompagnement professionnel des conjoints, en nous fixant l'objectif de 3 000 conjoints accompagnés.

En matière d'infrastructures, ayant constaté, à l'occasion de mes déplacements dans les forces, la dégradation des conditions de vie dans certaines garnisons, j'ai demandé un état des lieux complet sur l'ensemble du territoire. C'est ainsi qu'ont été recensés près de 700 points noirs, dont la réparation a été chiffrée à 560 millions. J'ai déjà programmé 310 opérations pour un montant, en 2015, de 67 millions. Les opérations liées aux infrastructures d'hébergement et de restauration ont été regroupées au sein d'un plan d'urgence. Je m'assurerai personnellement de son exécution, comme j'ai suivi, l'an dernier, celle d'un premier plan d'urgence de 30 millions d'euros. L'obligation de dépenser les crédits avant la fin de l'exercice sous peine de les perdre stimulera les chefs de corps ou d'unité.

Au-delà des réductions d'emplois, le ministère continuera de mener une politique de ressources humaines au service du personnel militaire et civil. L'amélioration de la condition du personnel se poursuivra donc. Une enveloppe de 42 millions d'euros est consacrée au plan catégoriel pour 2015 dont 32 millions seront consacrés aux mesures catégorielles militaires. La programmation catégorielle se concentrera en particulier sur de nouvelles transpositions au personnel militaire de mesures statutaires adoptées en faveur des fonctionnaires de l'État et des hôpitaux : dernière annuité de la transposition de la réforme de la catégorie B au personnel sous-officier des armées et aux gendarmes de la Défense ; poursuite de la transposition du protocole Bachelot et des mesures de la fonction publique hospitalière aux militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA) ; transposition aux militaires du rang et sous-officiers de la revalorisation de la grille indiciaire de la catégorie C.

Notre effort se poursuivra également au profit du personnel civil, auquel nous consacrerons 10 millions d'euros. C'est dans ce cadre que se poursuivra la revalorisation de la grille de la catégorie C et que sera mise en oeuvre la seconde annuité de la réforme des grilles des fonctionnaires de catégorie B et des cadres de santé.

La politique d'action sociale sera préservée. Une enveloppe de 88 millions garantira la continuité et la qualité des prestations sociales proposées aux ressortissants de la Défense : soutien social, aide à la petite enfance, aides individuelles, mobilité logement, vacances-loisirs ou encore actions collectives, telles que le soutien psychologique au profit des familles de militaires en opérations extérieures ou intérieures.

Le PLF pour 2015 est une étape charnière dans l'exécution de la loi de programmation militaire. Ce jalon important doit nous permettre de relever les formidables défis financiers, capacitaires, industriels, sociaux et territoriaux portés par la LPM pour 2014-2019.

Au moment où les hommes et les femmes de la Défense sont déployés sur tous les fronts, pour notre sécurité, avec un courage et une compétence qui forcent l'admiration, il s'agit de leur marquer notre soutien et de réunir toutes les conditions qui permettront à notre défense d'atteindre demain le même niveau d'excellence qu'aujourd'hui, grâce à celles et à ceux qui la servent si bien.

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