Intervention de Ericka Bareigts

Séance en hémicycle du 15 novembre 2012 à 15h00
Régulation économique outre-mer — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEricka Bareigts, rapporteure de la commission mixte paritaire :

Madame la présidente, monsieur le ministre des outre-mer, monsieur le président de la commission des affaires économiques, chers collègues, j'ai l'honneur de vous présenter le texte du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer issu des travaux de la commission mixte paritaire.

Nous avons, je dois le dire, travaillé en bonne intelligence avec le Sénat, et respecté les initiatives de chaque assemblée. Le projet de loi qui vous est présenté aujourd'hui est un texte équilibré, nécessaire à l'essor économique de nos outre-mer et à l'amélioration de la qualité de vie de nos concitoyens ultramarins, trop longtemps oubliés des grandes politiques nationales.

Dois-je rappeler qu'outre-mer, la moitié de notre population vit avec des ressources inférieures au seuil de pauvreté national, alors que seuls – et c'est évidemment toujours trop – 24 % de la population hexagonale souffre de cette situation ? Comment comprendre que, parallèlement, le niveau moyen des prix dans les outre-mer est supérieur de 6 à 13 %, et de 34 à 49 % pour les seuls produits alimentaires ? Concrètement, cela signifie qu'avec des revenus inférieurs, nos familles doivent payer plus cher pour se nourrir et nourrir leurs enfants. C'est une grande inégalité que la République, par cette loi, a décidé de combattre.

Nos concitoyens ont poussé un cri d'alarme en 2009, afin de dénoncer une situation devenue insupportable, et ressentie comme inéluctable. Au-delà des événements médiatisés qui ont frappé les Antilles, mais aussi la Guyane, Mayotte et La Réunion, c'est l'ensemble de nos territoires qui sont secoués par des revendications sociales fortes depuis 2009. Ce projet de loi arrive donc à point nommé et va courageusement faire évoluer des situations figées depuis trop longtemps.

Les « trente engagements pour les outre-mer » du candidat François Hollande ont témoigné de sa ferme volonté d'inscrire durablement les collectivités ultramarines dans la République, loin des stigmatisations et des préjugés dont celles-ci souffrent trop souvent. Il y a deux jours, le chef de l'État a d'ailleurs clairement réaffirmé sa considération, son intérêt et sa compréhension pour les outre-mer. Comme beaucoup de nos concitoyens, monsieur le ministre, je m'en réjouis.

Ainsi, ce projet de loi est animé d'une volonté de changement. Il ne s'agit pas, une énième fois, d'en rester aux soins palliatifs, comme le faisait la LODEOM, loi pour le développement économique des outre-mer. Porteuse d'espoir à l'époque, cette loi présentait des solutions bricolées dans l'urgence, qui n'ont pas eu les effets escomptés. Aujourd'hui, nos concitoyens ultramarins attendent des solutions efficaces et pérennes.

Nos territoires sont caractérisés par des handicaps structurels bien connus, qui ont été rappelés tout au long des débats : éloignement, insularité, étroitesse des marchés. Tous ces facteurs ont servi à justifier aux yeux de certains la nécessité de concentrer les activités économiques, rendant inéluctable le phénomène de la vie chère et grevant par là même l'essor de nos territoires.

Le diagnostic est connu, nous l'avons tous rappelé : les outre-mer souffrent d'un déficit de concurrence. La représentation nationale doit les accompagner dans le cadre de réformes structurelles plutôt qu'en apportant des remèdes complexes et ponctuels. Ce projet de loi opère donc un changement profond. Il abandonne les ressorts habituels de l'action publique, centrés sur l'encadrement systématique des prix, au profit d'outils novateurs permettant de modifier les processus de formation des prix. En somme, on privilégie désormais l'amont par rapport à l'aval.

Il ne s'agit pas de détailler à nouveau l'ensemble des dispositions du projet, qui ont fait l'objet de débats nourris, tant en commission qu'en séance. Ce projet de loi agit sur l'environnement concurrentiel qui conduit à la formation des prix et sur le fonctionnement des marchés. La régulation des marchés de gros, l'accroissement des compétences de l'Autorité de la concurrence dans le cadre d'une procédure d'injonction structurelle et le bouclier qualité-prix sont des dispositifs essentiels dont notre assemblée a déjà longuement débattu. Je n'évoquerai donc que trois évolutions apportées par le Parlement, notamment en CMP.

Premièrement, l'Assemblée nationale a décidé de renforcer le rôle des observatoires des prix et des revenus, dorénavant appelés observatoires des prix, des marges et des revenus. Ces structures, placées sous la présidence d'un magistrat de la chambre régionale des comptes, associent toutes les parties, notamment des représentants de l'État, des collectivités, du monde économique et social, et, à l'initiative de l'Assemblée, des associations de consommateurs. Les observatoires des prix, des marges et des revenus constituent le lieu pertinent pour échanger et réguler l'activité économique de manière informelle. Par ailleurs, dans le cadre du dispositif du bouclier qualité-prix, ils devront émettre un avis préalable à la négociation menée par le préfet.

Je me félicite du renforcement de ces observatoires, mais je ne peux qu'attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité de conforter les moyens financiers et humains à leur disposition. Au cours de mes auditions, j'ai pu me rendre compte de la diversité des situations selon les territoires et des inquiétudes de certains présidents d'observatoire face à l'absence de moyens.

Deuxièmement, la commission mixte paritaire a souhaité encadrer les tarifs bancaires outre-mer, souvent en décalage complet avec les pratiques constatées dans l'hexagone. Ainsi, les établissements de crédit ne pourront pratiquer des tarifs supérieurs à la moyenne de ceux que les établissements ou les caisses régionales du groupe auquel ils appartiennent pratiquent dans l'hexagone. Par ailleurs, le nouvel article 6 ter A prévoit l'organisation d'une réunion de concertation annuelle sous l'égide du préfet et de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer.

Troisièmement, la CMP a tenu à doter les administrations fiscales et douanières, ainsi que le juge, de nouveaux pouvoirs leur permettant d'obtenir des opérateurs économiques assujettis à l'octroi de mer tous éléments utiles permettant d'établir la répercussion effective d'une baisse de cet octroi sur les prix. Trop souvent, les collectivités abaissent les niveaux de taxation sans constater d'effet sur les prix. Le Gouvernement a souhaité aller plus loin au Sénat, et je ne peux que soutenir cette initiative.

Finalement, le Gouvernement déploie une démarche cohérente à destination des outre-mer, qui ne se limite pas à ce projet de loi. La semaine dernière, vous avez ainsi signé à La Réunion, monsieur le ministre, les premiers contrats des emplois d'avenir outre-mer, et je m'en réjouis.

En guise de conclusion, je tiens à remercier l'ensemble de nos collègues, ultramarins et hexagonaux, qui ont participé à l'élaboration de ce projet de loi tant attendu par nos concitoyens. Il s'agit d'une initiative courageuse, que vous portez, monsieur le ministre, avec force et détermination. Vous avez su organiser une large concertation avec tous les acteurs. C'est un gage de réussite, et je vous en remercie vivement.

Le changement est particulièrement attendu par la jeunesse de nos territoires, qui a repris espoir depuis nos derniers rendez-vous électoraux. Nous ne devons pas la décevoir. À l'égard des oppositions, car il y en a toujours, sachez que nous ferons face collectivement, de manière courageuse et responsable, car les attentes sont grandes et légitimes. (Applaudissements.)

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