Intervention de Jean-Philippe Nilor

Séance en hémicycle du 15 novembre 2012 à 15h00
Régulation économique outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Philippe Nilor :

Madame la présidente, madame la rapporteure, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de saluer la réflexion, la posture ainsi que la méthode sur lesquelles nous nous sommes appuyés pour proposer ensemble une réponse législative à la « profitation ».

La large concertation que vous avez menée sur le terrain, monsieur le ministre, a contribué à l'enrichissement du texte. Les amendements adoptés laissent présager à terme, une amélioration des conditions de concurrence, dans l'intérêt des consommateurs.

C'est vrai que nos peuples attendent de cette loi des baisses de prix immédiates. Or, même si certaines mesures seront prises dès janvier 2013, la plupart des effets espérés ne seront observés qu'à moyen ou long terme. Il en va ainsi des résultats escomptés de la mise en place effective du bouclier qualité-prix sur 150 à 200 produits de grande consommation ; de l'alignement des tarifs bancaires ; de l'interdiction des contrats exclusifs d'importation ; du renforcement des compétences et des moyens des observatoires des prix, des revenus et des marges ; de la possibilité pour les collectivités territoriales de saisir directement l'Autorité de la concurrence ; enfin, des injonctions structurelles.

Cette loi, quels que soient ses mérites, a cependant ses limites. Elle ne peut décider unilatéralement la baisse des prix, et il faudra s'attendre à une lente montée en puissance de ses bienfaits.

Permettez-moi à ce stade d'insister sur deux dispositions majeures sur lesquelles j'ai tenu à porter un éclairage particulier.

La première réside dans la commande d'un rapport qui permettra désormais de faire la lumière sur la formation des prix plus qu'excessifs des liaisons aériennes reliant la France et les pays d'outre-mer, mais aussi entre les pays d'outre-mer entre eux. À titre d'exemple, le prix d'un billet d'avion Fort-de-France-Cayenne est parfois plus élevé que celui d'un billet pour Paris. C'est une réalité aussi banale qu'anormale ! Ces prix dissuasifs constituent un frein objectif à l'émergence de relations transversales qui permettraient de développer des échanges économiques, culturels, touristiques, éducatifs, sportifs entre nos peuples.

La seconde prévoit que les entreprises de grande distribution devront désormais réserver une surface de vente dédiée aux productions régionales. Ces dernières ne bénéficient à ce jour que d'un accès extrêmement limité à ces marchés laissant la part belle aux importations. La loi entend remédier à cette exclusion de fait.

Il s'agit là d'un signal fort lancé à l'attention de nos producteurs, qu'ils opèrent dans l'agriculture, dans l'agroalimentaire, mais aussi dans l'artisanat ou dans l'industrie ; une contribution à une baisse à terme des prix des productions régionales, un encouragement à sortir du cycle infernal et suicidaire de l'import consommation.

Mais la vie chère ne se caractérise pas seulement par l'existence de prix et de marges élevés. Elle s'appréhende tout autant par la survivance de revenus extrêmement faibles, conséquence du sous-emploi et du chômage endémique.

En réalité, la lutte contre la vie chère passe aussi par le combat pour l'emploi. Au-delà du RSA, des contrats aidés et des statuts précaires, quelles politiques économiques ont été menées outre-mer, par quels gouvernements pour proposer des perspectives durables en termes d'emplois et d'insertion sociale à nos 65 % de jeunes au chômage ?

Pour contenir le risque omniprésent d'éruption sociale, nous devons être porteurs de propositions concrètes pour combattre le fléau du chômage et du désoeuvrement dans nos pays.

À ce propos, si nous devons nous assurer que les observatoires des prix, des revenus et des marges disposent des moyens, tant matériels qu'humains, d'accomplir pleinement et durablement l'ensemble de la mission qui leur est confiée en toute indépendance par rapport au pouvoir des préfets, si le besoin est de conforter leurs ressources humaines, nos compétences martiniquaises devraient avoir priorité quant aux recrutements.

Par ailleurs, la situation de nos seniors se caractérise par une très grande fragilité financière. Faute d'avoir été déclarés à la caisse générale de sécurité sociale, nombre de nos aînés qui ont pourtant travaillé dur toute leur vie se retrouvent aujourd'hui avec des retraites indécentes. La promesse de versement de leur retraite dès le premier jour du mois n'a toujours pas été tenue. Cette situation est particulièrement préjudiciable chez nous, compte tenu des tarifs bancaires usuraires qui viennent encore amaigrir le montant de leur pension versée trop tardivement. La lutte contre la vie chère passe donc aussi par le respect de cet engagement gouvernemental.

Enfin, je ne peux m'empêcher d'établir un parallèle ô combien pertinent entre cette vie chère et une vie institutionnelle qui nous coûte très cher aussi. Le statut de région monodépartementale, de par les nombreux dysfonctionnements qu'il impose en maintenant des doublons financiers et administratifs, ne favorise pas l'efficacité et la lisibilité de l'action publique. Il a donc un coût que la Martinique paie au prix fort.

Monsieur le ministre, cette collectivité unique votée par les Martiniquais depuis 2010 devant contribuer à une rationalisation et à une optimisation des ressources, pourquoi dès lors vouloir reporter ad vitam aeternam sa mise en oeuvre ? (Applaudissements.)

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